Discrètes, parce que microscopiques par rapport aux algues que l’on observe facilement à l’œil nu sur les côtes rocheuses, les micro-algues peuvent former ce que l’on appelle des efflorescences – ou « bloom », en langue anglaise. De quoi s’agit-il ? Le phénomène concerne plus particulièrement les espèces vivant en milieu aquatique. Lorsque l’une d’elles trouve dans son milieu naturel des conditions très favorables, elle se multiplie de façon exponentielle, jusqu’à éliminer les autres. On le perçoit aisément en observant la surface de l’étendue d’eau, qu’il s’agisse de l’océan, de la mer ou d’un lac : elle change de couleur, passant du bleu au jaune orangé ou au rouge, selon l’espèce en question.
De ces observations est née l’idée de reproduire le phénomène en milieu confiné, tout en le contrôlant. Dans un premier temps, on a ainsi cherché à produire des micro-algues « fourrages », qui servent à nourrir des mollusques – plus précisément, leurs juvéniles, autrement dit les jeunes. Telle est notamment la démarche adoptée dans des écloseries de la côte Atlantique française, où l’on cultive des espèces naturellement présentes dans le milieu naturel. Mais dans des régions plus ensoleillées et plus chaudes, et parfois depuis de nombreuses années, on produit (en bassins ou en photobioréacteurs) des espèces d’intérêt économique pour le secteur agroalimentaire ou médical. Entre autres, parce que ces espèces fabriquent des pigments aux propriétés antioxydantes.
La demande récente en acides gras oméga-3, acides gras polyinsaturés dont on vante depuis quelques années les mérites pour la santé, pourrait encourager ces cultures. Ces oméga-3 sont en effet pour l’essentiel tirés de poissons gras vivant en eau froide et aujourd’hui menacés de sur-pêche. Or, on sait depuis longtemps que certaines micro-algues sont capables d’en synthétiser. Il suffit donc d’en maîtriser la culture pour qu’elles deviennent une source renouvelable d’omégas-3. C’est chose faite dans les Pays de la Loire, où une diatomée – Odontella aurita – est cultivée en bassins ouverts et commercialisée depuis plusieurs années comme complément alimentaire riche en Omégas-3 et en silice. Mais l’intérêt des micro-algues n’est pas qu’alimentaire…
En remplaçant les énergies fossiles habituelles (pétrole, charbon) par des micro-algues cultivées de manière intensive, on pourrait en effet disposer d’une nouvelle source d’énergie renouvelable. Et dans un avenir proche, l’huile que l’on peut extraire de ces végétaux particuliers serait ainsi à même de résoudre les problèmes d’approvisionnement en carburant au niveau mondial. Soulignons qu’à l’origine, le moteur inventé par Rudolf Diesel fonctionnait avec de l’huile végétale : ce sont les pétroliers qui ont imposé le gazole dérivé du pétrole. Or sur des véhicules à moteur diesel un peu anciens, on peut facilement utiliser toutes sortes d’huiles en guise de carburant. Alors pourquoi pas une huile tirée des micro-algues ?
Aux États-Unis, il y a quelques années, un collègue responsable comme je l’ai été d’un laboratoire de recherche sur les micro-algues faisait fonctionner son véhicule avec l’huile produite par ses étudiants. Mais en France, c’est… interdit ! Bien que propriétaire d’un véhicule du même type, je ne me suis pas risqué à tenter l’expérience…
Ajoutons pour conclure que 30 à 40 % du dioxyde de carbone rejeté dans l’atmosphère est depuis toujours naturellement fixé par l’énorme biomasse que constitue le phytoplancton marin, c’est-à-dire les microalgues marines. Ce n’est somme toute pas très étonnant. Comme tous les végétaux, les algues utilisent le dioxyde de carbone lors de la photosynthèse pour fabriquer leur propre matière (et accessoirement libérer de l’oxygène). Qui plus est, les océans représentent 70 % de la surface du globe. Enfin, le phytoplancton y est généralement présent sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur depuis la surface. Quoiqu’il en soit, les microalgues participent ainsi depuis les millénaires à limiter l’effet de serre sur notre planète.
Sources de nutriments bénéfiques à notre santé, puits de dioxyde de carbone et sources d’oxygène, sources potentielles d’énergie renouvelable qui pourrait être utile tant aux moyens de transport terrestres (biocarburant) qu’aériens (biokérosène), ces végétaux particuliers ne sont pas encore suffisamment cultivés de façon intensive. C’est du moins mon opinion. Car si ces cultures s’accéléraient, elles permettraient sinon de sauver la planète, du moins d’éviter qu’elle ne se détériore davantage. Pour le bien-être de nos enfants, de nos petits enfants et des générations futures…
Gérard Tremblin, Professeur de biologie végétale émérite, Université du Maine
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.