Un centre d’asile délocalisé au Rwanda ou en Erythrée ? Connu pour sa ligne très dure en matière d’immigration, le Danemark a adopté le 3 juin une loi lui permettant d’ouvrir des centres pour demandeurs d’asile, qui y seraient envoyés pendant le traitement de leur dossier… et même après.
Dernière nouveauté anti-migratoire du gouvernement social-démocrate de la Première ministre Mette Frederiksen pour dissuader tout migrant de mettre les pieds dans ce riche royaume nordique, le texte prévoit que le demandeur reste dans le pays tiers, même s’il obtient in fine le statut de réfugié.
Fort du soutien de la droite et de l’extrême droite et malgré l’opposition de certaines formations de gauche, il a été confortablement voté jeudi matin, par 70 voix contre 24. L’Union européenne a immédiatement pris ses distances.
Nos adversaires se plaisent à dire que l’on ne peut rien faire pour lutter contre l’immigration. Le #Danemark prouve le contraire : avec de la volonté politique, tout est possible !https://t.co/r7SqsapDu4
— Hélène Laporte (@HeleneLaporteRN) June 4, 2021
Objectif officiel « zéro réfugié »
Retrait du permis de séjour de Syriens parce que leurs régions d’origine seraient désormais sûres, durcissement d’une loi anti-ghettos visant à plafonner le nombre d’habitants « non occidentaux » dans les quartiers, objectif officiel d’atteindre le « zéro réfugié » : l’exécutif de centre-gauche mène actuellement une des politiques migratoires les plus restrictives d’Europe.
Selon la loi, tout demandeur d’asile au Danemark sera, une fois sa demande enregistrée et à quelques rares exceptions près, comme une maladie grave, envoyé dans un centre d’accueil en dehors de l’Union européenne. S’il n’obtient pas le statut de réfugié, le migrant sera prié de partir du pays hôte.
Mais « ceux qui obtiendraient le droit d’asile ne seraient pas autorisés à ‘retourner’ au Danemark, ils auraient simplement le statut de réfugié dans le pays tiers », souligne Martin Lemberg-Pedersen, spécialiste des questions migratoires à l’université de Copenhague. Toute la procédure sera confiée au pays hôte, moyennant paiement danois. Pour le moment, aucun pays n’a accepté d’accueillir un tel projet mais le gouvernement assure discuter avec cinq à dix pays, non identifiés.
Pays visés : Égypte, Érythrée, Éthiopie et le Rwanda
Les noms de l’Égypte, de l’Érythrée, de l’Éthiopie circulent dans la presse danoise. Mais c’est surtout avec le Rwanda – qui avait un temps envisagé d’accueillir des demandeurs d’asile pour le compte d’Israël – que les discussions semblent les plus avancées. Fin avril, un protocole d’accord a été signé sur la coopération en matière d’asile et de migration, sans mentionner l’externalisation de la procédure d’asile.
Le système « doit bien sûr être établi dans le cadre des conventions internationales. Ce sera une condition préalable à un accord » avec un pays tiers, a assuré le ministre des Migrations, Mattias Tesfaye. Le mois dernier, il avait justifié qu’il ne s’agirait pas forcément de démocraties « au sens où nous l’entendons ».
Le projet, incarné par Mme Frederiksen, acte le revirement complet de la social-démocratie danoise sur les questions migratoires, forte du soutien d’une bonne part de l’opinion et de la majorité du spectre politique. Ainsi que la généralisation de propositions jadis réservées à l’extrême-droite, note le politologue Kasper Hansen, professeur à l’Université de Copenhague.
Pourtant dirigé par un gvt de gauche, le #Danemark décide d’externaliser hors d’Europe les demandes d’#asile.
Bravo !
Après l’Australie et sa politique du No Way, Copenhague montre la voie à suivre en brisant les dispositifs d’appel d’air migratoire. https://t.co/VDmXp27Kfg— Karim Ouchikh (@OuchikhKarim) June 3, 2021
Criminalité, manque d’emploi et différences culturelles
Cinq ans après l’adoption d’une loi controversée permettant la saisie des biens de valeur des migrants entrant au Danemark – qui avait fait le tour du monde mais était restée très peu appliquée – les autorités poursuivent leur stratégie de dissuasion, mettant en avant la hausse de criminalité, le manque d’emploi et les différences culturelles.
Seulement 761 personnes ont obtenu l’asile en 2019 et 600 en 2020, contre plus de 10.000 en 2015. Rapporté à sa population, le Danemark accueille dix fois moins de réfugiés que ses voisins allemand ou suédois. « Ce projet est la continuation d’une politique symbolique, c’est un peu comme Donald Trump et son mur », estime le secrétaire-général de l’ONG ActionAid Danemark, Tim Whyte.
Cet énième tour de vis inquiète les observateurs internationaux : le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies le juge « contraire aux principes sur lesquels repose la coopération internationale en matière de réfugiés ». « En initiant un changement aussi drastique et restrictif (…), le Danemark risque de déclencher un effet domino, où d’autres pays en Europe et dans les régions voisines exploreront également les possibilités de limiter la protection des réfugiés sur leur propre territoire », souligne son représentant dans les pays nordiques, Henrik Nordentoft.
D’après l’institut statistique national, 11% de la population danoise (5,8 millions d’habitants) est d’origine étrangère, dont 58% venant d’un pays « non-occidental ».
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