Mongolie : Dans les steppes, le climat déréglé pousse les bergers à bout

Par Epoch Times avec AFP
13 mars 2025 10:50 Mis à jour: 13 mars 2025 11:31

Un froid extrême avait décimé son troupeau de moutons l’hiver dernier. Un an après, Zandan Lkhamsuren lutte encore pour surmonter les dégâts causés par ces conditions météorologiques extrêmes, de plus en plus fréquentes en Mongolie.

Cette photo prise le 19 février 2025 montre l’éleveur Zandan Lkhamsuren posant devant une chèvrerie à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, en Mongolie centrale. REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

Ce vaste pays de 3,4 millions d’habitants, entre Russie et Chine, est l’un des plus touchés par le changement climatique. Selon certaines estimations, il se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne mondiale.

Le « dzud » plus fréquent et plus intense

En Mongolie, ces effets sont particulièrement visibles. Parmi les conséquences, le « dzud » – synonyme d’hiver rigoureux et particulièrement enneigé, comme celui qui a décimé le troupeau de Zandan Lkhamsuren – est devenu plus fréquent et plus intense.

Cette photo prise le 20 février 2025 montre une carcasse de cheval gisant au bord d’une route à Argalant, dans la province de Tov, en Mongolie centrale. REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

Plus de sept millions d’animaux ont péri en 2024

« L’hiver dernier (en 2024, ndlr) était le plus dur que j’aie jamais connu », déclare à l’AFP cet homme de 48 ans, dans la steppe proche de la petite ville de Kharkhorin, dans le centre de la Mongolie. Les températures s’y échelonnaient entre -32°C la journée et -42°C la nuit, raconte-t-il.

Cette photo prise le 22 février 2024 montre un chien hurlant à côté de moutons et de chèvres morts dans des conditions climatiques extrêmement froides à Bayanmunkh, dans la province mongole de Khentii. Plus de deux millions de têtes de bétail sont mortes en Mongolie cet hiver, a déclaré un responsable le 26 février, victimes du phénomène climatique extrême « dzud » qui, selon les Nations unies, met en danger 90 % du pays.(BYAMBA-OCHIR/AFP via Getty Images)

Les fortes chutes de neige et le sol gelé ont empêché ses moutons de trouver de la nourriture. Sur son troupeau de 280 bêtes, seules deux ont survécu. Dans toute la Mongolie, ce sont plus de sept millions d’animaux qui ont péri – plus d’un dixième du total.

« On vivait très bien »

« Nos troupeaux couvraient toutes nos dépenses et on vivait très bien », raconte Zandan Lkhamsuren en servant du thé au lait salé chaud dans sa yourte traditionnelle.

Cette photo prise le 19 février 2025 montre l’éleveur Zandan Lkhamsuren (G) assis dans sa tente ger à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, en Mongolie centrale. ). REPORTAGE de Rebecca Bailey (JADE GAO/AFP via Getty Images)

Mais il lutte aujourd’hui pour joindre les deux bouts.

Après avoir perdu ses bêtes, il a dû contracter des emprunts pour nourrir un nouveau troupeau, plus petit, de chèvres – des animaux réputés plus résistants. Ses deux filles étaient censées commencer l’université l’an passé dans la capitale, Oulan-Bator. Mais la famille n’a pas pu payer leurs frais de scolarité.

« Me concentrer sur ce qu’il me reste »

« Ma stratégie désormais, c’est de me concentrer sur ce qu’il me reste », déclare Zandan Lkhamsuren.

Alors que le soleil couchant projette de longues ombres sur la steppe, il siffle pour rassembler ses bêtes récalcitrantes et les conduire à l’abri pour la nuit.

Cette photo prise le 19 février 2025 montre l’éleveur Zandan Lkhamsuren ramenant ses chèvres restantes dans un abri avant le coucher du soleil à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, au centre de la Mongolie. REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

L’homme dit garder un état d’esprit positif. En faisant grossir son troupeau de chèvres, il pourra peut-être réussir à financer les études de ses filles, dit-il. « Je suis sûr qu’on pourra s’en remettre », déclare-t-il avec stoïcisme.

La désertification de la steppe

Le problème pour Zandan Lkhamsuren et les autres travailleurs agricoles, qui représentent un tiers de la population mongole, c’est que le dzud devient plus fréquent. Il se produisait jadis environ une fois en 10 ans. Mais il y en a eu six au cours de la dernière décennie, selon l’ONU.

Le surpâturage participe depuis longtemps à la désertification de la steppe. Mais le changement climatique aggrave la situation. Les sécheresses estivales rendent ainsi plus difficile l’engraissement des animaux et le stockage du fourrage pour l’hiver.

Cette photo prise le 19 février 2025 montre l’éleveur Enebold Davaa en train de nourrir son bétail à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, en Mongolie centrale. REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

« Comme beaucoup d’autres éleveurs, je regarde le ciel pour essayer de prévoir la météo », explique Zandan Lkhamsuren. « Mais cela devient difficile (…) Le changement climatique est une réalité », souligne-t-il.

Sur sa moto qui soulève des nuages de poussière, Enebold Davaa, 36 ans, partage ces appréhensions.

Cette photo prise le 19 février 2025 montre l’éleveur Enebold Davaa sur une moto en train de rassembler ses chèvres à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, en Mongolie centrale. REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

« Ça nous a vraiment accablés »

L’hiver dernier, sa famille a perdu plus de 100 chèvres, 40 moutons et trois vaches.

« C’était notre principale source de revenus. Donc ça nous a vraiment accablés. C’était très dur », raconte-t-il.

Cette photo prise le 19 février 2025 montre l’éleveur Enebold Davaa (à droite) et sa femme se reposant dans une tente ger à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, en Mongolie centrale. REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

L’hiver, plus doux cette année, a permis à sa famille de combler une partie de ses pertes mais il dit rester « inquiet » car sa famille « ne peut rien prévoir pour le moment ».

Un nombre croissant de familles déménagent ailleurs

Un responsable local, Gankhuyag Banzragch, indique à l’AFP que la plupart des familles du district ont perdu entre 30 à 40% de leur bétail l’hiver dernier. Les difficultés rencontrées par les éleveurs poussent un nombre croissant de familles à déménager ailleurs, explique-t-il.

Un quart des Mongols mènent encore une vie nomade. Mais ces dernières décennies, des centaines de milliers se sont installés en ville, notamment dans l’agglomération de la capitale.

Tout en faisant bouillir des raviolis à la viande de cheval, la femme d’Enebold Davaa explique que la famille pourrait également plier bagage s’ils perdaient davantage de bétail.

« Je veux conserver mon mode de vie »

« Après, en ville, la principale difficulté, c’est l’accès à l’éducation pour nos enfants », s’inquiète-t-elle.

Cette photo aérienne prise le 19 février 2025 montre une vue générale des tentes et des étables de l’éleveur Enebold Davaa à Kharkhorin, dans la province d’Ovorkhangai, au centre de la Mongolie.REPORTAGE de Rebecca Bailey. (JADE GAO/AFP via Getty Images)

Son mari, lui, a une raison encore plus fondamentale de rester. « Je veux continuer à élever mes bêtes. Je veux conserver mon mode de vie », explique-t-il.

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