Mort de Marie Colvin et Rémi Ochlik, journalistes à Homs : l’enquête française étendue aux crimes contre l’humanité

Par Epoch Times avec AFP
18 février 2025 15:25 Mis à jour: 18 février 2025 23:14

Le 22 février 2012, la journaliste américaine Marie Colvin et le photographe français Rémi Ochlik étaient tués dans un bombardement en Syrie. Treize ans après, les investigations pour crimes de guerre s’accélèrent, avec leur élargissement aux crimes contre l’humanité,a indiqué mardi le parquet national antiterroriste (Pnat) français, sollicité par l’AFP.

Le 17 décembre, le Pnat a décidé d’élargir l’information judiciaire contre X en cours, a appris mardi l’AFP de source proche du dossier.

Le parquet spécialisé a confirmé à l’AFP avoir saisi la juge d’instruction pour qu’elle enquête sur « de nouveaux faits qualifiés de crimes contre l’humanité » et en particulier sur l' »exécution d’un plan concerté, à l’encontre d’un groupe de population civile parmi lesquels les journalistes, activistes et défenseurs des droits de l’Homme, dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ».

Sont visés « l’atteinte volontaire à la vie » avec les décès de Rémi Ochlik et Marie Colvin, « la persécution » d’un groupe de population – en l’espèce Rémi Ochlik, Marie Colvin, le photographe britannique Paul Conroy, la reporter française Édith Bouvier et le traducteur syrien Wael Omar – et « les autres actes inhumains » perpétrés sur Édith Bouvier.

Camilla, duchesse de Cornouailles, s’entretient avec le journaliste Paul Conroy, qui était avec feu Marie Colvin en Syrie, alors qu’elle assiste à A Hard Calling-Reporting from the Frontline, un service commémorant les collecteurs de nouvelles qui sont morts dans les conflits du 21e siècle, à l’église St Brides, le 22 octobre 2012 à Londres, au Royaume-Uni. (Ben Gurr – WPA Pool/Getty Images)

« C’est une grande avancée pour les reporters de guerre »

« Ces récents développements sont extrêmement novateurs et ouvrent la voie à la caractérisation de crimes contre l’humanité dans un certain nombre de procédures concernant des journalistes opérant en zone de conflits armés », a estimé Matthieu Bagard, l’un des conseils d’Édith Bouvier.

L’avocat a, avec sa consœur Marie Dosé, fait des observations à la juge d’instruction, expliquant pourquoi, à leurs yeux, un réquisitoire supplétif devait être pris par le Pnat. La juge a transmis au Pnat, qui a suivi.

« Il faut saluer la position du Pnat. A notre connaissance, on n’a pas de précédent en France. C’est une grande avancée pour les reporters de guerre », a souligné Marie Dosé.

« Cette qualification correspond à la réalité des faits »

Pour Clémence Bectarte, notamment avocate de la famille de Rémi Ochlik, « c’est une avancée très positive car cette qualification correspond à la réalité des faits mis en lumière par l’instruction. »

Clémence Bectarte, avocate des deux franco-syriens disparus en Syrie répond aux questions des journalistes devant le palais de justice financier le 24 octobre 2016 à Paris. La justice française a déposé une plainte concernant la disparition des deux Franco-Syriens arrêtés en Syrie en 2013, une procédure qui pourrait aboutir pour la première fois à la désignation d’un juge pour enquêter sur les abus présumés du régime de Damas. (STEPHANE DE SAKUTIN/AFP via Getty Images)

« Nous attendons maintenant que les juges délivrent des mandats d’arrêts contre les hauts responsables politiques et militaires dont la responsabilité a été établie », a-t-elle ajouté.

Une maison transformée en centre de presse visée par les troupes du régime

Le 21 février 2012, des journalistes occidentaux, qui viennent d’entrer dans Homs assiégée par les troupes de Bachar al-Assad, se retrouvent dans une maison transformée en centre de presse du quartier de Bab Amr, un bastion de la rébellion de l’Armée syrienne libre (ASL).

Au petit matin, ils sont réveillés par des détonations et comprennent que le quartier est visé par les troupes du régime.

Lorsque leur bâtiment essuie les premiers tirs, ils se décident à en sortir. Les deux premiers à franchir la porte, Marie Colvin et Rémi Ochlik, sont tués par un obus de mortier. A l’intérieur, les autres sont projetés par le souffle de l’explosion.

Les cercueils du photojournaliste français Rémi Ochlik et de la journaliste américaine Marie Colvin du Sunday Times sont transportés dans un hôpital de Damas le 3 mars 2012. Human Rights Watch a dressé un tableau déchirant de Homs, affirmant que quelque 700 personnes ont été tuées, dont Colvin et Ochlik, et des milliers blessées par les forces du régime au cours d’un blitz de 27 jours, avec des obus tombant parfois au rythme de 100 à l’heure. (ANWAR AMRO/AFP via Getty Images)

Édith Bouvier, 31 ans, est grièvement blessée à la jambe. Elle sera exfiltrée vers le Liban puis rapatriée en France.

Des pompiers transportent la journaliste française Edith Bouvier après l’atterrissage de l’avion qui la transportait avec le photographe français William Daniels à l’aéroport militaire de Villacoublay, près de Paris, le 2 mars 2012. Mme Bouvier, 31 ans, et M. Daniels, 34 ans, ont réussi à s’échapper au Liban après avoir été piégés pendant des jours par les bombardements dans la ville syrienne de Homs, un point chaud de l’actualité. La journaliste du Figaro souffre de multiples fractures suite à l’attaque à la roquette, le 22 février, d’un centre de presse improvisé par les rebelles à Baba Amr, à Homs, au cours de laquelle la journaliste américaine Marie Colvin et le photographe français Rémi Ochlik ont été tués. Un autre journaliste blessé dans l’attaque, le photographe britannique Paul Conroy, a été évacué vers le Liban le 28 février 2012. (JACQUES DEMARTHON/AFP via Getty Images)

À Paris, le parquet ouvre une enquête pour les victimes françaises dès mars 2012. Des investigations pour meurtre sur Rémi Ochlik sont lancées, et pour tentative de meurtre sur Édith Bouvier.

En octobre 2014, l’enquête est élargie à des faits de crimes de guerre (atteintes à la vie et à l’intégrité physique, attaque délibérée contre la population civile qui ne prend pas part directement aux hostilités, participation à une entente en vue de commettre ces crimes). En 2016, les victimes étrangères ou leurs proches se constituent parties civiles.

« Il y avait une volonté de nous cibler »

« Nous n’étions pas au mauvais endroit au mauvais moment, il y avait une volonté de nous cibler » en tant que « témoins des violences militaires du régime » et dissuader d’autres journalistes de venir, a fait valoir Édith Bouvier en janvier 2013, selon son audition citée dans les observations de ses avocats dont l’AFP a eu connaissance.

D’après ces mêmes observations, en mars 2016, un ancien officier des forces gouvernementales syriennes déclarait aussi, sous couvert d’anonymat: « Il faut savoir que l’objectif principal du régime était de frapper les journalistes car c’était eux qui témoignaient de la réalité de la situation ».

Même constat pour les enquêteurs de l’Office central pour la répression des violences aux personnes. Dans un rapport de juin 2019 dont l’AFP a eu connaissance, il écrit que le bâtiment où se trouvaient les journalistes était « la cible du régime de Bachar al-Assad ».

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