Yahya Sinouar, longtemps homme de l’ombre avant de prendre la tête de l’organisation terroriste du Hamas cet été, est considéré comme l’architecte de l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur Israël le 7 octobre 2023, qui a plongé la région dans un conflit sanglant.
L’armée israélienne a annoncé jeudi l’avoir tué lors d’une opération dans le sud de la bande de Gaza. Sa mort, non confirmée par le Hamas, a été saluée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui y voit « une étape importante » dans le déclin de la formation islamiste. « Le Mal a pris un coup sévère mais la tâche qui nous attend n’est pas encore terminée », a-t-il ajouté.
Un « mort en sursis »
Ce militant radical, qui avait succédé à Ismaïl Haniyeh tué à Téhéran, était un « mort en sursis » pour les autorités israéliennes qui l’ont traqué pendant des mois dans le territoire palestinien ravagé par la guerre.
Sinwar Eliminated pic.twitter.com/4LVmp6b1Xn
— Mossad Commentary (@MOSSADil) October 17, 2024
Il a fait toute sa carrière dans l’ombre : celle des prisons israéliennes où il a passé 23 ans, puis de l’appareil sécuritaire du mouvement islamiste palestinien où il se chargeait de pourchasser les « collaborateurs » d’Israël.
Chef depuis 2017 du mouvement terroriste islamiste palestinien à Gaza, il est, à 61 ans, le cerveau du 7 octobre : ce jour-là, des centaines de commandos fondent sur des kibboutz, des bases militaires et un festival de musique électronique en Israël, qui a vécu sa pire attaque contre des civils depuis sa création en 1948.
Bilan, 1206 morts et 251 personnes prises en otage, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles israéliennes.
« C’est sa stratégie, c’est lui qui a monté l’opération » probablement pendant un an ou deux, explique à l’AFP Leïla Seurat, chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) à Paris. L’homme ascétique, à la chevelure blanche mais aux sourcils fournis noirs, « a imposé son tempo pour changer le rapport de force sur le terrain et a pris tout le monde par surprise », selon elle.
Celui qui est désormais « le visage du diable » ou le « mort en sursis », selon les termes de l’armée israélienne, n’était pas apparu en public depuis octobre 2023.
« C’est l’homme de sécurité par excellence », affirmait à l’AFP en 2017 Abou Abdallah, un ex-codétenu du Hamas, qui juge que Sinouar « prend des décisions dans le plus grand calme ».
En 1987, la première Intifada (le soulèvement contre l’occupation israélienne) éclate dans un camp de réfugiés du nord de la bande de Gaza. Lui qui est né à Khan Younès, un camp du sud du territoire, rejoint le Hamas tout juste fondé.
Une stratégie « radicale sur le plan militaire et pragmatique en politique »
À 25 ans, il dirige déjà l’Organisation du jihad et de la prédication, l’unité de renseignement du Hamas qui punit les « collaborateurs », ces Palestiniens châtiés pour intelligence avec l’ennemi israélien. En 1988, il fonde Majd, le service de sécurité intérieure du Hamas.
Incarcéré en 1989, il s’impose en leader des prisonniers. Condamné plusieurs fois à la perpétuité, il sort en 2011 avec un millier de détenus libérés par Israël, en échange du soldat Gilad Shalit, otage du Hamas pendant cinq ans.
Yahya Sinouar voit Israël éliminer ses mentors, notamment le cheikh Ahmed Yassine, fondateur du Hamas, et Salah Chehadé, fondateur des brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du mouvement, dont il passe pour le bras droit.
Placé sur la liste américaine des « terroristes internationaux », il fait l’objet de multiples tentatives d’assassinat.
À partir de 2017, il impulse une stratégie « radicale sur le plan militaire et pragmatique en politique », décrypte Mme Seurat. « Il ne prône pas la force pour la force » mais « pour amener (les Israéliens) aux négociations ».
« C’est quelqu’un dont le Hamas sait qu’il est totalement intransigeant », ajoute Tahani Mustafa de l’International Crisis Group (ICG).
Les médias israéliens ont publié des extraits de ses interrogatoires. Il y raconte avoir enlevé un traître, conduit au cimetière de Khan Younès : « je l’ai mis dans une tombe et étranglé avec un keffieh (…) il savait qu’il méritait de mourir. »
Sur le plan politique, il prône une direction palestinienne unie pour tous les Territoires occupés : la bande de Gaza, tenue par le Hamas, la Cisjordanie, administrée par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, et Jérusalem-Est.
À la mi-septembre, il avait affirmé que le Hamas était prêt pour une « longue guerre d’usure » contre Israël avec le soutien de l’organisation terroriste Hezbollah au Liban, des terroristes houthis au Yémen et de la République islamique d’Iran.
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