« J’ai dit à ma mère, ‘‘ je suis déjà amoureuse après une soirée et ça va mal finir’’ », se souvient en souriant Irene Shavit. Le 7 octobre, son fiancé a sauté sur la grenade du Hamas jetée sur eux et lui a sauvé la vie.
Les jeunes Israéliens Irene Shavit et Netta Epstein, 22 ans tous les deux, se rencontrent dans un pub en avril 2022 et c’est « l’attraction immédiate » et réciproque, témoigne la survivante. Fusionnels, ils finissent l’armée, Irene dans les renseignements militaires et Netta comme officier parachutiste, puis emménagent ensemble au kibboutz familial Kfar Aza, dans le sud d’Israël.
Les immeubles de la ville de Gaza sont au bout de ce « paradis d’arbres et de fleurs », mais « ils oublient », explique Irene. Le samedi 7 octobre, les jeunes du kibboutz avaient prévu un petit-déjeuner collectif avec des « jakhnoun », une spécialité yéménite, avant un festival de cerfs-volants. « On voulait les faire voler avec des messages de paix vers la frontière avec Gaza », soupire-t-elle.
Irene Shavit et Netta Epstein, 22 ans, vivaient dans le kibboutz de Kfar Aza. Le 7 octobre, lors de l’attaque du Hamas, le fiancé d’Irene a sauté sur une grenade jetée sur eux, lui sauvant la vie #AFP #AFPVertical ⤵️ pic.twitter.com/M9UwD33rxP
— Agence France-Presse (@afpfr) November 7, 2023
À 06h30, le couple se réveille au son des mots « alerte rouge » hurlés dans les haut-parleurs du kibboutz. La routine, jusque-là, pour cette localité frontalière habituée aux tirs de roquettes venus du territoire palestinien. Le couple fait un selfie, une grimace endormie pour rassurer leurs familles, puis se recouche enlacé. Leur lit est dans l’abri, la petite pièce antimissiles.
À 08h00, ils reçoivent un message collectif : « Enfermez-vous à clés, suspicion d’infiltration, cachez-vous. » Un message qui surprend dans ce kibboutz où tout le monde vit la porte ouverte. Ils éteignent la lumière et ne bougent plus. Les premiers tirs « au loin » résonnent et les jeunes suivent le massacre en direct : un sms annonce la mort de la grand-mère de Netta, puis celle d’un cousin. Les sanglots sont étouffés dans la pénombre de l’abri. Les mains se crispent sur le téléphone, seul lien avec le monde extérieur. « Personne ne comprend ce qu’il se passe dehors. Les tirs se rapprochent », poursuit Irene.
Elle voit Netta sauter sur l’engin dégoupillé
À 11h30, « on entend du verre brisé dans le salon ». Le couple se colle au mur, espérant ne pas être vu. Irene ressent une « peur indescriptible ». La porte s’ouvre. Irene recule, Netta avance. Deux grenades sont lancées. Le commando de l’organisation terroriste du Hamas crie en hébreu : « Sortez ! Où êtes-vous ?! »
Au troisième lancer de projectile, Irene entend « Grenade ! ». Elle lève les yeux et voit son fiancé sauter sur l’engin dégoupillé, dans un acte héroïque et sans retour. « C’est ce qu’il avait appris à l’armée : s’il y a une grenade dans un lieu clos, on saute dessus pour protéger les autres », ajoute-t-elle. Netta retombe sur le seuil de la porte, déchiqueté par l’impact et une rafale de balles tirée pour l’achever.
Le commando se retire en mettant le feu à la pièce. Irene attend la mort, son pyjama collé à la bouche pour se protéger des fumées. Mais quand elle entend les terroristes partir, elle se glisse dans la salle de bain, prend de quoi éteindre l’incendie et se glisse sous le lit, cachée par le corps de son partenaire et un sac à dos.
Pendant deux heures, elle reste tapie alors que les combats continuent, perdant vers 14h00 le réseau téléphonique et ainsi le contact avec l’extérieur. À 16h00, quand elle entend des soldats israéliens hurler en hébreu et demander s’il y a des survivants, elle hésite, avant d’accepter son extraction sous les tirs.
« Alors il me faut vivre »
Depuis le 7 octobre, dans la tête d’Irene, il y a trois choses, énumère-t-elle : « Beaucoup de ‘‘Et si ?’’ , beaucoup de culpabilité et beaucoup de solitude ». Mme Shavit est suivie trois fois par semaine par une équipe médico-sociale et se remet « au jour le jour » sous le regard protecteur mais inquiet de ses parents. « Il est mort pour que je vive, alors il me faut vivre », explique-t-elle en allant chercher sa robe de future mariée dans sa penderie.
Vivre après cet acte d’abnégation, envisager un jour de refaire sa vie relève d’un terrible dilemme : « Si je ne le fais pas, c’est une trahison, mais si je le fais, j’ai aussi l’impression de le trahir. » « Ses baisers, ses bras, son amour me manquent », lâche-t-elle dans un sanglot. À l’enterrement, ils étaient des « milliers » à lui rendre hommage. Irene n’en garde que peu de souvenirs. « Je me disais juste, qu’est-ce que je fais là ? Cela ne devait pas être dans 70 ans tout ça ? »
Netta et Irene devaient se marier le 24 avril prochain.
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