ANALYSES

Narcotrafic, terrorisme et narcoterrorisme, le danger d’une hybridation des menaces en France

mars 27, 2024 18:22, Last Updated: septembre 16, 2024 17:28
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Au moment où la menace terroriste monte d’un cran en France, des liens entre le narcotrafic et le terrorisme sont confirmés par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, lors d’une commission d’enquête au Sénat le 26 mars, sur l’impact du narcotrafic en France.

Dans un rapport paru en 2022, la délégation parlementaire au renseignement du Sénat alertait déjà sur le risque de voir la France devenir « un narco-État » 2.0 laissant la place à des mafias de plus en plus organisées, voulant créer des nouveaux ‘medellin’ sur le territoire européen.

De son côté, Bruno Le Maire s’est inquiété d’une hybridation des menaces entre le narcotrafic et le terrorisme.

L’état des moyens pour lutter contre le narcotrafic en France

Dans un article précédent, nous constations que le trafic de drogues, le trafic d’armes et le narcobanditisme se développaient de plus en plus en France, s’étendant dans la plupart des grandes et moyennes villes françaises.

Lors son audition au Sénat, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a souligné qu’il fallait être « lucides sur la présence massive de multiples drogues partout sur le territoire: tous les territoires sont concernés, les grandes villes comme les territoires ruraux, les grandes métropoles comme les petites communes ». Selon lui, la drogue est une des menaces « qui peuvent déstructurer la société française tout entière », a-t-il précisé, un écho de l’audition de magistrats marseillais quelques semaines plus tôt.

« Les trafiquants de drogues ont désormais des moyens comparables à ceux des États » a continué le ministre, en énumérant leur arsenal technologique: « Sous-marins, grâce auxquels ils transportent la drogue sans être repérés ; balises et caméras, qu’ils positionnent notamment dans les conteneurs de stupéfiants, afin de mieux les tracer ; téléphones cryptés, qui leur permettent de communiquer sans craindre d’être écoutés ».

Trois semaines plus tôt, des magistrats marseillais tiraient la sonnette d’alarme face à la puissance du narcotrafic devant une commission d’enquête sénatoriale. « Je crains que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille », avait estimé l’une des magistrates, vice-présidente du tribunal chargée de la coordination de la section sur la Criminalité organisée.

« Il ne s’agit pas de faire de défaitisme que de dire que nous sommes en train de perdre la lutte contre le narcobanditisme, et contre la criminalité au sens large, si les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux » avait commenté l’Association française des magistrats instructeurs (Afmi) pour qui la récente réforme de la police nationale, « n’est pas de nature à répondre aux enjeux judiciaires de la lutte contre la délinquance du haut du spectre ». L’association répondait aux reproches du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti sur l’intervention des magistrats marseillais.

« Dans ce contexte, les opérations « Place nette » qui mobilisent, de façon ponctuelle, des moyens considérables de policiers sur la voie publique ne peuvent être suffisantes pour endiguer le narcotrafic », a complété l’Afmi.

Le narcotrafic et ses liens avec le terrorisme

Alors que le narcotrafic explose dans toutes les grandes et moyennes villes de France, on apprend qu’il servirait de porte d’entrée et de financement au terrorisme – sous-entendu terrorisme islamiste. Dans un contexte où la France est passée au niveau maximal d’alerte « urgence attentat » du Plan Vigipirate, le financement et la fourniture d’armes à un terrorisme exogène au sein du narcobanditisme français, intéressent au plus haut point les autorités.

Dans son rapport de 2021, l’Organe International de Contrôle des Stupéfiants (OICS) explique que les flux financiers illicites issus du trafic de drogues financent non seulement la criminalité, mais aussi le terrorisme: « Les groupes terroristes font de plus en plus appel à la criminalité pour financer leurs organisations ; on parle de convergence du terrorisme et de la criminalité. Le trafic de drogues est une activité très lucrative qui génère des milliards de dollars de profits auxquels les organisations terroristes ont facilement accès. »

Le ministre Bruno Le Maire a affirmé devant la commission d’enquête du Sénat que « le narcotrafic et le terrorisme sont non seulement comparables dans leur intensité et dans la menace qu’ils font peser sur la France, mais ils sont liés » confirmant « des liens financiers entre le terrorisme et les narcotrafiquants ». Le ministère disposerait « de tous les éléments pour confirmer ces liens financiers entre le financement du terrorisme et les narcotrafiquants ».

Concernant les liens entre les narcotrafiquants et les réseaux terroristes, le « risque d’hybridation » pourrait notamment concerner « des filières d’approvisionnement d’armes, qui pourraient être similaires entre les terroristes et les narcotrafiquants » a déclaré Bruno Le Maire. Selon lui, il faut appliquer au narcotrafic la même jurisprudence qu’au terrorisme.

Le narcoterrorisme, nouveau type de terrorisme endogène

Le terme de narcoterrorisme apparaît au Pérou quand des cartels de la drogue menaient des attaques terroristes contre la police. Il désigne aussi les tentatives des narcotrafiquants pour influencer les fonctionnaires et la population locale par une violence systémique visant à entraver l’application des lois sur le territoire.

En France, le narcoterrorisme s’étend à partir des quartiers dits sensibles. Derrière le business de la drogue se cache un enfer où le trafic d’armes,  la corruption, les règlements de compte, la prostitution et la petite délinquance se propagent comme un cancer. Une violence systémique brise les familles et les liens entre les habitants, prenant en otage des quartiers entiers, imposant un ordre social basé sur l’argent de la drogue, les points de deals, l’utilisation des représailles – un terrorisme intérieur qui ne respecte plus les lois de la République et même s’y oppose.

Comme on le voit régulièrement, les forces de l’ordre, mais aussi les pompiers, les médecins, les infirmiers, etc. sont pris pour cible par les petites mains du narcotrafic, les dissuadant d’entrer dans les quartiers contrôlés par la drogue, n’hésitant pas à s’attaquer directement aux commissariats avec des mortiers d’artifice.

Les narcotrafiquants cherchent aussi à corrompre des agents de la fonction publique ou à menacer directement des fonctionnaires, comme cela a été le cas en Belgique et aux Pays-Bas après des tentatives d’enlèvement du ministre de la Justice belge et du Premier ministre néerlandais, impliqués dans la lutte contre les réseaux de drogue. Le rapport de 2023 de l’Office anti-stupéfiants (Ofast), « L’état de la menace liée aux trafics de stupéfiants », montre que le narcobanditisme peut se comporter ainsi comme une véritable agence de renseignement capable d’étendre un réseau de corruption parmi des fonctionnaires français en exerçant différentes pressions pour les forcer à coopérer avec eux.

Une convergence des menaces

D’une part, les liens entre les narcotrafiquants et les réseaux terroristes sont avérés, et d’autre part, le narcoterrorisme isole les populations des quartiers où les trafics de drogue prolifèrent, s’en prenant directement aux forces de l’ordre et aux représentants de l’autorité.

Pour le ministre de l’Économie et des Finances, il faudrait appliquer au narcotrafic la même jurisprudence que pour le terrorisme en termes de surveillance et d’intervention des force de l’ordre. Cela permettrait d’identifier en amont les filières du terrorisme.

Le risque, en cas d’inaction, serait un phénomène d’hybridation des menaces, signifiant que plusieurs menaces venant du narcobanditisme, du narcoterrorisme et du terrorisme islamiste pourraient converger ensemble pour des opérations de plus grande ampleur.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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