La Finlande et 45 des 50 états étasuniens ont fait leur choix : arrêter l’enseignement de l’écriture cursive manuscrite au profit des tablettes et ordinateurs. Depuis 2014 aux Etats-Unis, et dès l’automne dernier dans le pays du Père Noël, l’écriture cursive manuscrite n’est plus enseignée dans les écoles au profit de l’écriture sur clavier.
L’argument donné par l’Office national de l’éducation finlandais est le suivant : « Avoir de bonnes compétences dactylographiques est devenu d’importance nationale. Ce sera un bouleversement culturel majeur, mais savoir écrire avec un clavier est plus pertinent pour la vie quotidienne ».
Les nouvelles technologies peuvent-elles se substituer aux méthodes manuelles dans les apprentissages de la langue ? Quel impact a vraiment l’écriture manuelle sur la maîtrise de la langue ?
Clavier ou stylo ?
« Power in your hand », traduit littéralement par « le pouvoir entre tes mains » : le géant de la papeterie Oxford a voulu s’assurer que son slogan était encore d’actualité et que ses cahiers, agendas et autres bloc-notes allaient trouver acheteurs et scripteurs. Il a donc commandé une étude IFOP auprès de ses principaux clients, les jeunes de 12 à 25 ans, parue en septembre 2016.
Et, contre toute attente, 75% des jeunes Français interrogés estiment que l’écriture avec un stylo et du papier est irremplaçable ! Ils vont même plus loin dans leur réflexion sur l’écriture, car 91% d’entre eux estiment que l’acte d’écriture est quelque chose de très personnel. Les atouts et bénéfices de l’écriture manuelle demeurent pour eux indiscutables : 72% remarquent qu’ils sont plus concentrés lorsqu’ils écrivent à la main et 69% d’entre eux se sentent aussi plus créatifs.
Outre la productivité, c’est aussi la mémorisation qui semble être davantage activée avec ce mode d’écriture : 47% des jeunes interrogés estiment ainsi que leur mémorisation sera meilleure avec l’écriture manuscrite.
Molière, La Fontaine et tous ces auteurs qui, dès les bancs de l’école, révèlent les beautés de la langue aux jeunes Français, n’ont pas encore de soucis à se faire sur la place que tient la qualité d’écriture aux yeux de nos jeunes générations : presque 100% des sondés estiment en effet que la qualité d’écriture est importante pour leur avenir. Bien écrire, c’est pour eux, bien maitriser l’orthographe (95% des sondés), bien s’exprimer à l’écrit (95%) ou encore savoir prendre des notes à l’écrit (92%).
Sans surprise, c’est l’école et ses activités connexes qui remporte la palme des occasions d’écrire pour les jeunes Français. 64% d’entre eux pratiquent l’écriture manuscrite pendant la prise de cours et 59% à la maison pour les devoirs. Le duo stylo/papier est ainsi utilisé pour la prise de notes pendant les cours (57%), pendant les devoirs (59%), pour les fiches de révision (41%) ou pour le brouillon (49%). Hors temps scolaire, le papier est aussi utilisé pour des activités de correspondance avec la famille, les amis ou d’éventuelles prises de notes.
Quant au clavier, ces mêmes jeunes y ont recours essentiellement pour les activités connectées, tels que l’envoi de sms, tweets, réseaux sociaux (80% des sondés), ainsi que les mails (65%). A l’école, si 46% des scolaires et étudiants affirment prendre leurs cours sur ordinateur, ils ne sont pourtant que 6% à le faire systématiquement et 13% régulièrement.
L’écriture manuscrite semble donc avoir encore de beaux jours devant elle avec ces jeunes générations. Mais qu’en pensent les spécialistes de l’éducation ?
Ce que révèlent les études
Il faut bien se rendre à l’évidence, qui utilise encore l’écriture manuscrite dans la vie courante ? Excepté peut-être la liste de courses écrite sur un bout de papier (et encore… la fonction note du mobile pouvant aussi faire l’affaire) ou une rare carte postale envoyée à Tatie Rosemarie depuis la plage de Pornichet, nous avons de plus en plus recours aux claviers des ordinateurs ou des téléphones portables pour les courriers électroniques, les réseaux sociaux…
Avec des logiciels de traitement de textes toujours plus performants, même les anciens mauvais élèves auront l’impression de maîtriser les mystères de l’orthographe ou de la conjugaison. Alors, bien sûr, la question se pose : à quoi bon perdre autant de temps à apprendre l’écriture manuscrite. Respecter la taille des lettres, écrire entre les lignes, bien former ses lettres afin d’être lisible… l’apprentissage de l’écriture demeure parfois un parcours du combattant pour certains enfants.
Alain Bentolila, professeur de linguistique, a obtenu, en 1997, le grand prix d’Académie française pour son livre De l’illettrisme en général et de l’école en particulier. Il est le créateur de la Machine à lire, une application sur tablette qui vise à aider les élèves pour la lecture et ainsi améliorer leur niveau en français.
Il est aussi l’auteur de nombreuses préfaces de manuels scolaires. Pour lui, l’écriture manuscrite est avant tout l’expression de l’être lui-même à travers ses émotions et ses sentiments, mais aussi un puissant antidote aux « trous de mémoire » orthographiques et syntaxiques.
Enfin et surtout, l’écriture manuelle est selon lui, le meilleur atout pour se préparer à l’apprentissage de la lecture : « Pendant que nous écrivons, résonnent en effet dans un ordre précis les sons qu’active chaque lettre qui compose le mot. Cette conscience graphophonologique assurée par l’écriture manuelle facilitera considérablement l’apprentissage de la lecture en révélant la précision des mécanismes qui associent l’oral à l’écrit. »
Il n’est pas le seul à défendre la relation intime existant entre l’écriture et la lecture. Jean Luc Velay et Marieke Longcamp sont tous deux docteurs en neurosciences à l’Université d’Aix-Marseille. Ils ont publié plusieurs études sur les effets de l’écriture manuscrite ou du clavier sur le cerveau humain. Dans l’une d’elles pratiquée à l’école maternelle, ils ont comparé chez deux groupes d’enfants, les effets de l’apprentissage des mêmes lettres pratiqué avec l’écriture manuscrite traditionnelle et l’écriture au clavier.
Après l’apprentissage, les enfants qui avaient appris à la main reconnaissaient mieux les lettres que ceux qui avaient appris au clavier. La conclusion des chercheurs est la suivante : a
L’ordinateur n’est pas à mettre de côté, pouvant même constituer un substitut pour les enfants en difficulté grapho-motrice, mais ne devrait pas être un outil exclusif. L’exemple des Japonais est ainsi souvent évoqué, ceux- [dropcap][/dropcap]ci devant mémoriser pendant leur enfance des milliers d’idéogrammes « kanji » pour l’apprentissage de la lecture.
La méthode utilisée est l’écriture très répétitive sur le papier ou avec le doigt sur la table ou dans l’air. La conséquence directe sera que lorsque le lecteur japonais hésite devant un caractère complexe, il fera appel au « ku-sho », qui consiste à tracer en l’air le caractère recherché afin de se remémorer sa signification.
Aux États-Unis, plusieurs états ayant aussi fait appel au clavier pour l’apprentissage de l’écriture, reviennent ainsi peu à peu à la méthode manuscrite. L’écriture script est très répandue dans le pays, mais le recours à la cursive est aussi plébiscité.
Une enseignante française détachée dans une école élémentaire américaine témoignait d’une expérience observée chez l’un de ses élèves en difficulté d’apprentissage qui se tournait spontanément vers les mots écrits en cursive alors qu’il avait le choix entre les deux écritures. L’enseignante américaine concluait ainsi dans le sens de ses homologues japonais : le mode d’écriture semble être plus rassurant et équilibrant pour l’élève quant à la mémorisation des mots.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.