New Delhi veut ensemencer des nuages pour faire pleuvoir et chasser le brouillard toxique qui l’étouffe chaque automne, une technique controversée qui, selon des défenseurs de l’environnement, ne s’attaque pas aux causes profondes du problème.
L’idée des autorités locales est de pulvériser du sel commun ou un mélange de sels dans les nuages afin de déclencher une condensation sous forme de pluie. « Même une pluie très modeste est efficace pour réduire la pollution », indique Sachchida Nand Tripathi, professeur d’ingénierie énergétique durable à l’Institut indien de technologie (IIT) de Kanpur (Nord), à l’origine du projet.
La mégalopole de 30 millions d’habitants est régulièrement classée capitale la plus polluée au monde, avec des taux de PM2,5 – microparticules qui pénètrent le système sanguin par les poumons – régulièrement plus de 30 fois supérieurs aux plafonds de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Or respirer un air toxique a des conséquences catastrophiques sur la santé. Selon l’OMS, une exposition prolongée peut déclencher des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiaques, le cancer du poumon et des maladies respiratoires. Un habitant de New Delhi perd ainsi en moyenne 12 ans de vie à cause de la pollution de l’air, selon une étude publiée en août par l’Institut de politique énergétique de l’Université de Chicago.
Les autorités ont dû temporairement fermer des écoles de la capitale, interdire les chantiers de construction et bannir les véhicules diesel lors de récents pics de pollution. Mais devant le peu d’effet de ces mesures, le gouvernement a demandé à l’Institut de technologie de Kanpur de se préparer à ensemencer des nuages, par avion ou à l’aide de canons.
Des prix élevés et des doutes sur l’efficacité de la méthode
Selon M. Tripathi, cette technique est efficace et « n’a montré aucun effet négatif partout où elle a été essayée ». Mais le prix élevé et les doutes sur l’efficacité de la méthode font tiquer les observateurs. Si le coût exact n’a pas été rendu public, les médias indiens évoquent la somme de 10 millions de roupies (environ 120.000 dollars ou 110.000 euros) pour une surface de 100 kilomètres carrés.
Pour l’experte environnementale Bhavreen Kandhari, il s’agit d’une « approche inefficace » face à la pollution. « On risque de dépenser inutilement des fonds publics et de perdre un temps précieux », a-t-elle déclaré à l’AFP.
La pollution de New Delhi est causée par un mélange d’émissions d’usines et de véhicules, exacerbé par les feux saisonniers provoqués par les agriculteurs des régions environnantes. Le phénomène s’aggrave encore automne et en hiver, quand l’air plus froid emprisonne la pollution. Il est alors conseillé aux habitants de la capitale de porter constamment des masques à l’extérieur.
L’Inde n’est pas la première à avoir recours à cette technique. La Chine dépense régulièrement des milliards de dollars pour tenter de modifier les conditions météo afin de protéger des régions agricoles ou d’améliorer la qualité de l’air avant de grands événements.
Un « répit éphémère »
Des scientifiques de l’Ouest de l’Inde l’ont également testée avec succès, obtenant une augmentation des précipitations de 20%, affirme M. Tripathi. Mais Sunil Dahiya, analyste du Centre pour la recherche sur l’énergie et la pureté de l’air (CREA), estime que la pluie artificielle n’est pas une « solution définitive » à la pollution.
« Le répit est éphémère, car dès que les pluies s’arrêtent, des masses d’air polluées arrivent, ramenant rapidement la qualité de l’air à des niveaux dangereux ». Les émissions doivent être réduites à la source « pour des améliorations durables et significatives de la qualité de l’air », insiste l’expert.
Pour le professeur Tripathi, l’ensemencement des nuages « vaut la peine d’être essayé », d’autant que d’autres mesures ont échoué. New Delhi avait tenté une autre expérience il y a deux ans : une « tour de smog », un ventilateur géant censé aspirer et nettoyer l’air. Mais cette structure de quelque deux millions de dollars (1,8 million d’euros) n’agissait que sur un rayon limité à 50 mètres et elle a été abandonnée.
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