ENTRETIEN – L’Amérique vote et le monde retient son souffle. Ce mardi 5 novembre 2024, les Américains décident qui de Donald Trump ou de Kamala Harris prendra la tête de la première puissance du monde, au terme d’une campagne marquée par les rebondissements et les coups de théâtre, depuis le brusque retrait de Joe Biden aux tentatives d’assassinat contre le candidat républicain, sans oublier le ralliement à droite d’éminentes figures démocrates comme Tulsi Gabbard et Robert Kennedy Jr. Nicolas Conquer, porte-parole de Republicans Overseas France, qui représente le Parti républicain dans l’Hexagone, revient sur quelques points forts à l’esprit des Américains en ce jour de scrutin.
Epoch Times : C’est le jour J et les sondages peinent à départager Donald Trump et Kamala Harris dans la course à la Maison-Blanche. Peut-on s’y fier selon vous ?
Nicolas Conquer : Si les sondages publiés font état d’un score serré entre les deux candidats, Trump l’emporte sur les marchés prédictifs comme PolyMarlet et les sondages internes envoient un message différent. Par exemple, l’initiative que nous avons menée avec Republicans Overseas, qui examine le ratio d’inscriptions entre électeurs républicains et démocrates, montre que celui-ci a significativement évolué en notre faveur, notamment en Pennsylvanie. En outre, si l’on observe les tendances électorales dans les États clés de la Sun Belt, les résultats sont très favorables au candidat républicain, souvent en haut de la marge d’erreur.
On peut donc dire que la stratégie de campagne de la droite a porté ses fruits, avec une mobilisation intensive jusqu’au bout de la course présidentielle : douze meetings ont été organisés dans les trois derniers jours de la campagne dans les États pivots que sont la Caroline du Nord, la Géorgie et la Pennsylvanie. C’est une concentration des efforts sur ces États stratégiques, qui seront décisifs pour remporter l’élection.
Plusieurs figures de la droite américaine alertent sur le danger de la fraude électorale lors de cette élection présidentielle. Ce risque est-il réel ?
En démocratie, mettre en place des standards élevés et veiller au respect des règles pour assurer la sincérité du scrutin est impératif. Les divers recours judiciaires engagés en ce sens avaient donc toute leur légitimité. Ces actions concrètes, ce sont des batailles judiciaires visant par exemple à retirer des listes électorales des personnes qui ne devraient pas y figurer, une mesure préventive avant le jour du vote.
Certains de ces recours ont abouti, comme en Pennsylvanie. Il s’agissait là de notre responsabilité envers les électeurs républicains et, plus largement, envers la démocratie, de tout faire pour garantir l’intégrité électorale.
En signant une loi interdisant le contrôle d’identité lors des élections, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, s’est attiré les critiques du camp adverse quant aux velléités qui pourraient animer pareille législation démocrate : par exemple, Elon Musk a avancé que l’objectif derrière la suppression de la vérification de l’identité des électeurs vise à rendre la fraude indétectable. Vous interrogez-vous sur les intentions de la gauche à cet égard ?
Si je ne juge pas des intentions, ce qui se passe en Californie est préoccupant, sans être un cas isolé. Il est possible de voter sans contrôle d’identité dans 16 autres États. Les États-Unis exportent la démocratie à l’international, ce qui se traduit par des standards exigeant la présence physique au bureau de vote avec une pièce d’identité. Et pourtant, ils choisissent de ne pas appliquer chez eux ces mêmes règles, pourtant basiques.
Les partisans de cette approche mettent en avant les libertés fondamentales, affirmant notamment que présenter une pièce d’identité constituerait une atteinte au droit de vote des minorités les plus défavorisées sous prétexte qu’elles seraient moins enclines à obtenir une carte d’identité. Cependant, cette vision me semble dédaigneuse envers ces catégories de la population : elles connaissent très bien toutes les difficultés qu’elles peuvent rencontrer au quotidien sans pièce d’identité.
Quoi qu’il en soit, cet assouplissement des standards électoraux a pour conséquence de produire un effet délétère sur la démocratie américaine, puisqu’il participe de l’augmentation de la défiance vis-à-vis du processus électoral.
Dans l’émission de Joe Rogan ce 4 novembre, le patron de X a également appelé les Américains à voter « comme si leur vie en dépendait », puisque cette élection présidentielle pourrait, à ses yeux, « être la dernière ». Cette crainte, il la justifie par une volonté des démocrates de procéder à des régularisations massives de clandestins dans les États clés en vue de s’assurer, à l’avenir, d’une victoire électorale systématique. La partagez-vous ?
Cette crainte est d’autant plus légitime qu’elle est renforcée par les déclarations de Kamala Harris sur la régularisation et la naturalisation massive d’immigrés clandestins. Cette démarche s’inscrit dans une logique clientéliste, les démocrates considérant que ces nouveaux citoyens représenteraient une base électorale acquise. Pareil processus, s’il était effectivement mis en œuvre, entrainerait une bascule irréversible dans l’alternance politique aux États-Unis.
Et ce n’est pas le seul projet démocrate évoqué par Kamala Harris qui a de quoi inquiéter. D’autres menacent directement les institutions. En font partie la suppression du « filibuster », ou obstruction parlementaire, et l’ajout de deux nouveaux États — Washington D.C. et Porto Rico — dont les sénateurs seraient démocrates, assurant ainsi un contrôle durable et quasi permanent du Sénat par la gauche.
Lorne Michaels, le producteur de Saturday Night Live, a déclaré le 1er octobre que ni Harris ni Trump ne participeraient à cette émission phare outre-Atlantique « en raison des lois relatives aux élections ». Environ 60 heures avant l’ouverture des bureaux de vote, Kamala Harris y a pourtant finalement été reçue en grande pompe. De quoi déclencher une vague d’indignation à droite. Que vous a inspiré ce revirement ?
Kamala Harris a décidé de ne pas prendre le temps de participer au podcast de Joe Rogan, une opportunité qui lui aurait pourtant permis de toucher une audience de 100 millions de personnes, de parler de son parcours, de ses inspirations, de son programme pendant trois heures, comme l’ont fait Donald Trump et JD Vance.
Ce choix, elle l’a motivé en expliquant qu’elle ne pouvait pas organiser un déplacement de campagne, alors même qu’elle a pourtant fait demi-tour en avion pour se rendre à New York et participer à un talk-show conçu comme une opération de propagande en sa faveur.
Au final, seules deux minutes de cette interview ont été diffusées. Manifestement, Kamala Harris préfère être cajolée dans des talk-shows élitistes, plutôt que de s’adresser au cœur des Américains via un podcast accessible à tous, ce qui lui aurait aussi permis de rivaliser avec Donald Trump sur son propre terrain. Cela aurait été tout à son honneur.
Quoi qu’il en soit, cette apparition sur SNL pose un problème en matière de parité entre le candidat républicain et la candidate démocrate.
La mort de Peanut, l’écureuil euthanasié cette semaine par la police de New York, un État démocrate, a provoqué un raz-de-marée de réactions indignées chez les soutiens de Donald Trump, qui dénoncent massivement une ingérence abusive du gouvernement. Pouvez-vous expliquer la symbolique derrière l’ampleur de cette polémique ?
On a assisté à une intrusion grave de l’État dans la vie privée des Américains.
Il y a eu une violation de la propriété privée : la police est entrée dans un domicile et a saisi un animal de compagnie, qu’ils ont euthanasié. Or, il faut savoir que les Américains ont un lien presque fusionnel avec leurs animaux. Ils les emmènent en avion, aux funérailles, bref, les considèrent comme des membres de la famille à part entière.
Ici, une personne très suivie sur les réseaux sociaux – avec 500.000 abonnés sur Instagram – a fait l’objet d’un mandat mobilisant quatre agences et une dizaine de policiers. Ce double symbole est frappant : alors que l’immigration clandestine se développe à New York et que l’insécurité augmente en plein contexte d’inflation galopante, les autorités concentrent leurs efforts sur des écureuils et ratons laveurs… Cela révèle une déconnexion profonde avec la réalité et une mauvaise hiérarchie des priorités.
Pourquoi tant d’engouement ? Pour le comprendre, il faut revenir à l’essence des États-Unis, un pays fondé sur des libertés individuelles, que les Américains défendent envers et contre tout. Si un jour l’État se permet de venir saisir votre animal de compagnie, cela pourrait ouvrir la porte à d’autres dérives : ce sont ensuite vos armes à feu qui pourraient vous être retirées, puis d’autres droits fondamentaux. Même si l’auteur de cette opération avait été républicain, cela aurait suscité un rejet fort, car les Américains ont dans leur ADN une méfiance à l’égard d’un État fédéral trop envahissant.
Ce 31 octobre, Donald Trump déclarait : « On a bombardé tout le Moyen-Orient, puis on est parti. Qu’a-t-on obtenu ? Rien. Dick Cheney a convaincu George Bush Jr. d’aller au Moyen-Orient, ils y sont allés, ils ont tué des millions de personnes. Quelle grosse erreur. 9000 milliards de dollars dépensés pour ça ». Le lendemain, lors d’un déplacement au Michigan, le républicain, évoquant le conflit israélo-palestinien, appelait à « la paix sur terre ». Pourquoi était-il important pour Donald Trump de faire de son positionnement en matière de politique étrangère un grand thème de sa campagne ?
Trump s’inscrit clairement dans un rejet de l’establishment, qu’il s’agisse des néoconservateurs au sein du parti républicain ou des démocrates qui, rappelons-le, sont les principaux partisans de la guerre. Il est bon de rappeler que Joe Biden lui-même avait soutenu l’intervention des États-Unis en Irak.
Aussi, on observe aujourd’hui une alliance contre lui entre les néoconservateurs, comme ceux de l’ère Dick Cheney, et les démocrates de Kamala Harris. Face à cela, Trump propose un retour à l’isolationnisme, et son bilan en témoigne : aucun nouveau conflit sous son administration, seulement des frappes de drones ciblées. Ce choix a contribué à une meilleure stabilité mondiale.
En comparaison, les images du retrait d’Afghanistan sous l’administration Biden-Harris restent marquantes : treize Marines ont perdu la vie, des scènes chaotiques ont fait le tour du monde, les talibans ont repris le contrôle du pays, quelque 80 milliards de dollars d’équipements militaires ont été abandonnés et sont désormais exhibés par les talibans dans des parades.
Ce fiasco, vécu comme une véritable insulte pour les États-Unis, a fait chuter la popularité de Biden, qui n’a, depuis, jamais redépassé la barre des 40 %. Les Américains en ont donc assez de ces guerres lointaines qui nuisent à leur image à l’international ainsi que de cette aide militaire ou humanitaire très onéreuses, alors que, par contraste, les victimes de l’ouragan en Caroline du Nord n’ont reçu qu’un chèque de 750 dollars pour faire face aux dégâts humains et matériels subis.
Trump, lui, se présente comme le candidat de la paix, car il est respecté et craint par ses adversaires. Il impose ainsi cette « pax americana » par des menaces d’escalade maîtrisées, comme on l’a vu avec ses relations tendues puis stabilisées avec Kim Jong-un en Corée du Nord. Au départ peu cordiales, ces relations ont évolué car Trump a su imposer son autorité.
Autre sujet qui s’est imposé lors de cette campagne présidentielle : la santé. Robert Kennedy Jr. a déclaré que Donald Trump lui a demandé de réorganiser les agences américaines de santé publique. Kamala Harris démocrate s’est alors fendue d’une pique contre l’ex-candidat, le qualifiant de « dernière personne » à être en capacité de pouvoir occuper ce poste, au motif qu’il a « régulièrement fait la promotion de pseudo-sciences et de folles théories du complot ». Qu’en pensez-vous ?
Je déplore le recours aux anathèmes et aux étiquettes pour écarter des adversaires du champ politique. Robert Kennedy Jr. a, selon moi, beaucoup à apporter. Il fait autorité sur certains sujets de santé et aborde sincèrement le projet de rendre l’Amérique plus saine, en particulier sur les enjeux agroalimentaires, un domaine souvent négligé, alors que la situation aux États-Unis est préoccupante : l’usage excessif de pesticides et d’ingrédients interdits dans de nombreux pays y est monnaie courante.
Robert Kennedy a le mérite d’avoir mis en lumière des enjeux cruciaux comme la défense des libertés individuelles pendant la crise du Covid, la nécessité de s’attaquer de front à des problèmes sanitaires de portée nationale, tels que la crise de l’obésité et l’influence des lobbys privés sur le monde politique.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.