L’attribution des prix Nobel est toujours attendue comme un Noël avant l’heure, non seulement pour les primés mais pour toute l’humanité devant laquelle ils doivent dévoiler – et pour ainsi dire sanctifier – de nouveaux pans du génie humain. Cette année et avec les annonces du Comité Nobel, c’est la connaissance de l’existence d’une masse aux neutrinos qui devient un savoir mondial, tout comme la capacité de l’ADN à réparer ses blessures et celle d’une plante de la pharmacopée traditionnelle chinoise à soigner le paludisme.
Voici donc qu’arrivent à la maturité d’une naissance publique, sous les feux des projecteurs du comité Nobel, de nouvelles connaissances du ciel, et d’autres de la terre : d’abord, et c’est l’objet du prix Nobel de physique, des milliards de neutrinos traversent notre corps chaque seconde. Ils ont ce talent de révéler que, au-delà de notre apparence de corps aux frontières fixes, nous sommes de vraies passoires à particules, perméables à une foule d’éléments venant de l’Univers. Après trois prix Nobel attribués aux recherches sur les neutrinos, ce quatrième célèbre la découverte de différentes familles de ces particules élémentaires, porteuses de masses différentes et probablement médiateurs d’effets cosmiques différents ; elles irriguent l’Univers connu comme des rivières, passant au travers des objets de notre monde visible comme l’eau traverse le sable, et modelant discrètement l’espace comme une rivière travaille son lit.
Plus bas et plus proche de nous, le Nobel de chimie dévoile une vie complexe au cœur du noyau des cellules, où des centaines d’ouvriers protéiques différents grouillent, s’organisent, s’agencent pour détecter et réparer les dommages subis par l’ADN des chromosomes, avec un système aussi riche et complexe que la plus intelligente des organisations humaines. Enfin, une chercheuse chinoise est récompensée avec deux autres scientifiques pour avoir participé à la découverte d’un nouvel anti-paludique.
Nous sommes complètement de retour dans notre monde visible en apprenant que le bien de l’humanité était fort éloigné des objectifs de ce projet aujourd’hui récompensé : mobilisée de force par le Parti communiste chinois dans les années 60, le Pr Tou Yu Yu a passé treize années, avec 500 autres scientifiques, en isolement complet sur l’île de Hainan pour réaliser le « projet 523 » qui devait protéger les troupes communistes des effets du paludisme ; c’est finalement par un retour aux connaissances de la médecine traditionnelle chinoise que le nouveau médicament fut trouvé. Pour le Premier ministre chinois Li Keqiang, ce Nobel est le signe de « la force de la Chine et de son influence internationale ». Svetlana Alexievitch, qui vient d’obtenir le Nobel de littérature pour son œuvre sur les tragédies des pays de l’ex-bloc soviétique, commenterait probablement cette phrase comme elle l’a fait le week-end dernier de la campagne de réélection du président biélorusse Alexandre Loukachenko. Celui-ci est, dit-elle, indigne de confiance comme le sont les « homo sovieticus » dont la pensée ne peut jamais sortir de l’autoritarisme et du mensonge.
Les prix Nobel ne célèbrent souvent que des découvertes déjà anciennes – la dernière citée ici date des années 70, la première de la fin des années 90 – et depuis longtemps intégrées par la communauté scientifique. Mais leur mise en lumière médiatique par le comité Nobel donne l’occasion précieuse de s’émerveiller de la richesse de monde, de replacer l’homme à la (toute petite) place qui est la sienne en prenant bien garde à la tentation de croire que le génie qu’il découvre est le sien.
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