D’origine péruvienne la tomate a été sélectionnée par les agriculteurs au fil des siècles aboutissant ainsi à quelques milliers de variétés connues à travers le monde. L’institut Vavilov en Russie – une banque à semences mondiale, conserve 7459 variétés de tomates différentes dont 97 sont d’origine sauvages tandis que les autres propices à la culture alimentaire. Aujourd’hui seulement 5 variétés de tomates sont produites à l’échelle mondiale, sélectionnées principalement pour leur endurance dans les longs transports et leur apparence extérieure. La tomate est aujourd’hui le légume le plus consommé et le plus produit sur la planète, la Chine en étant le premier producteur mondial avec un fort marché intérieur. Au deuxième rang se trouve l’Union Européenne avec 15,8 millions de tonnes de tomates produits en 2007.
Le voyage des tomates
Les légumes qui se trouvent sur les étals des supermarchés sont produits en grande quantité dans des exploitations agro-industrielles où le rendement peut s’élever à 600 tonnes par hectare. Le plus grand lieu de production de légumes en Europe est l’Almeria au sud en Espagne où des légumes, principalement des tomates ,sont produits toute l’année sous 25 000 hectares de serres en plastique. Selon les statistiques, chaque européen consomme en moyenne dix kilos de légumes par an en provenance des serres du sud de l’Espagne.
Pour une tomate qui traverse en moyenne 3000 kilomètres à travers l’Europe, les coûts de transport ne représentent qu’1% du prix à la revente. Selon le PIME, un institut de recherche basé en Belgique, une soupe en boîte de boulettes à la tomate parcourt 32 000 km avant d’atterrir dans nos assiettes.
Jean Ziegler ancien Rapporteur spécial auprès des Nations Unies sur le droit à l’Alimentation donne un exemple des retentissements du voyage légumineux: «La capitale de la république du Sénégal, en Afrique de l’Ouest, est Dakar. Cette ville abrite le plus grand marché agraire d’Afrique de l’Ouest. C’est le marché de Sandagar. Sur le marché de Sandagar, vous pouvez acheter des légumes européens, des fruits européens, des patates européennes, au tiers du prix local».
La crise du vivant en question
Claude Bourguignon est ingénieur agronome fondateur du Laboratoire des Analyses de la microbiologie des sols. Dans le film de Coline Serreau «Solutions locales pour un désordre global», il explique la situation de l’évolution des sols depuis les débuts de l’ère agro-industrielle.
«Avant on avait l’équilibre agro-sylvo-pastoral, les champs, la forêt, les animaux c’était ça qui faisait la situation agricole pérenne, une situation que l’on est en train de détruire depuis 50 ans, parce qu’on met les animaux d’un côté qu’on les entasse dans des usines, et puis les cultures de l’autre, et enfin la forêt à une troisième place».
Il explique que la porosité du sol est entièrement due au travail des animaux, des insectes, des microbes et des champignons, leurs galeries aérant le sol ce qui permet à l’oxygène d’y pénétrer. Les animaux microscopiques qui se nourrissent de compost peuvent alors se multiplier très rapidement ce qui assure leur développement exponentiel à l’instant où le sol est nourri par de la biomasse. Ceci assure le transit rapide des aliments dans la chaîne biologique. Le compost nourrit la terre, qui à son tour nourrit la plante, qui à son tour nourrit les animaux et les hommes. La diversité des animaux et des plantes joue son rôle, une terre riche en fumier, en racines et organismes vivants résistant mieux aux érosions, maladies et catastrophes naturelles. Naturellement une terre riche et variée donne des fruits sains remplis de nutriments.
Une étude de l’Université Rutgers intitulée «La production Organique versus Production conventionnelle» comparant les valeurs nutritives des légumes organiques et celles qu’on trouve habituellement dans les commerces, démontre qu’une tomate industrielle a 2000 fois moins de fer, 15 fois moins de magnésium, 5 fois moins de calcium et 68 fois moins de manganèse qu’une tomate organique qui a poussée suivant les règles de la nature.
L’industrie agroalimentaire façonne nos habitudes alimentaires
L’ammoniac synthétisé en très grande quantité durant la Deuxième Guerre Mondiale était utilisé pour la fabrication d’armes. Après la guerre les énormes stocks furent reconvertis en fertilisants à base d’azote. D’autres recherches ont mené à la découverte des pesticides organophosphorés et plus tard à des herbicides comme l’agent orange.
Les pesticides, fongicides et autres sont utilisés pour traiter les cultures atteintes de certaines maladies, «on ne fait plus d’agriculture on fait de la gestion de pathologie végétale» ajoute Claude Bourgignon. Il explique que les insecticides et pesticides utilisés dans l’agriculture ne tuent pas seulement les insectes, champignons et bactéries pernicieuses, ils détruisent tous les organismes vivants qui se trouvent à l’endroit de l’épandage sans aucune exception, ce qui rend les sols stériles, qui ont à leur tour besoin d’engrais chimiques en quantités énormes. Aujourd’hui 95% des courants d’eau en France sont pollués par 240 substances venant principalement de l’agriculture.
Les cours de la microbiologie des sols ont été supprimés en 1986 en France, progressivement, presque toutes les chaires de microbiologie des sols agricoles ont été supprimées dans le monde. Les ingénieurs agronomes sortants actuellement des écoles ont du mal à voir dans le sol une entité remplie de vie, il s’intéresse d’avantage au rendement.
Les tomates dans les exploitations comme Almeria sont produites hors sol dans un milieu stérile entièrement maîtrisé par les ingénieurs. Elles grandissent dans du substrat composé de laine de roche alimenté par une gouttière en éléments nutritifs chimiques et en eau. Elles sont cueillies bien avant d’être mûres pour survivre à des longs trajets en camion. Dans les années 1980 les scientifiques ont découvert le gène RIN qui régule la maturation des tomates, et qu’en le supprimant par hybridation, ils obtiennent des fruits rouges qui ne mûrissent pas du tout et qui se conservent pendant plus de 3 semaines sans pourriture.
Ceci s’inscrit dans logique de rendement industriel qui n’est pas sans conséquence sur l’agriculture traditionnelle, le nombre d’agriculteurs peuvant suivre ce rythme effréné diminue chaque année. D’après Deviner Sharma, Ingénieur agronome, journaliste et écrivain en Inde «chaque minute, en Europe, un agriculteur quitte sa terre».
Timothy Jones, chercheur au département d’anthropologie de l’université d’Arizona, a démontré que 30% à 50% de la production alimentaire se retrouve dans les poubelles aux États-Unis. A Vienne, en Autriche, on jette environ 2 millions de kilos de pain par an, ce qui pourrait nourrir la deuxième plus grande ville d’Autriche, Graz.
L’avenir de nos assiettes
Il existe quelques astuces pour s’assurer de se procurer des légumes et fruits de bonne qualité. Dans la nature existent des cycles. Notre climat tempéré connaît 4 saisons qui ont chacune leurs particularités. Le printemps est une saison de croissance, elle est caractérisée par des légumes verts, tels que salades et aromates, épinards, jeunes pousses de ciboulette, poireaux, asperges et fraises. En été, la nature déborde de fruits et légumes en tous genres, cerises, melons, tomates, abricots, framboises, mûres, etc. L’automne annonce la fin d’un cycle, les fruits et les légumes qui n’ont plus besoin de mûrir plus longuement sont désormais savoureux. C’est la saison des pommes, poires, figues, potirons ou encore chouraves. L’hiver apporte le repos à la terre. On trouvera peut-être quelques prunelles après les premiers gels, mais cette saison est essentiellement alimentée par les réserves faites en été et en automne. C’est la saison des compotes et des confitures, des fruits confits et des produits en conserve pour l’hiver.
Privilégier les fruits et légumes locaux est souvent synonyme de qualité; peu d’empreinte écologique due au transport, des fruits et légumes de saison, arrivés à maturité et n’ayant pas parcouru des milliers de kilomètres. La valeur subjective du goût pourtant reconnue dans le monde entier est par ce fait dépendante du mode de production de nos aliments et du respect des normes de la nature et de la terre. Perdre ces saveurs et la qualité des produits, c’est aussi perdre le goût des choses si essentiel dans les valeurs de la tradition française.
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