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Nouvelle-Calédonie : la méthode gouvernementale pour réformer la constitution critiquée

mai 14, 2024 18:35, Last Updated: mai 14, 2024 18:58
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Un dialogue qui peine à se nouer localement, une réforme constitutionnelle perçue comme un « couperet » et un ministre de l’Intérieur sommé d’abandonner le dossier au profit de Matignon : le gouvernement est vivement critiqué sur sa méthode en Nouvelle-Calédonie, alors que l’archipel connaît une vague de violences.

Alors que l’Assemblée nationale examine une révision constitutionnelle très sensible sur l’élargissement du corps électoral des élections provinciales de l’île, la Nouvelle-Calédonie est le théâtre de violences et d’émeutes, avec 82 interpellations sur les deux derniers jours, des pillages de magasins et des tirs sur les forces de l’ordre.

La réforme de la Constitution fait suite aux trois référendums sur l’indépendance remportés par le camp du «non» entre 2018 et 2021. Il est prévu d’élargir à de nouveaux électeurs le droit de vote aux élections provinciales, les plus importantes au niveau local. Il ne s’agit cependant pas d’adopter le suffrage universel. Le droit de vote doit être accordé à tous les natifs et aux habitants qui résident en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans. Les indépendantistes demandent le retrait de cette réforme.

« En Nouvelle-Calédonie les institutions sont inversées. Aujourd’hui, les indépendantistes font 16% de voix de moins que nous et ils ont un siège de plus, cela fait qu’ils dirigent les institutions bien qu’ils soient minoritaires » a déclaré Mme Backès, la présidente non-indépendantiste de la province Sud, sur BFMTV.

« La manière dont la France se comporte avec ses anciennes colonies est humiliante et dégradante donc oui, ça provoque des réactions un peu épidermiques », a estimé la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, sur franceinfo.

« Le Premier ministre (…) aux abonnés absents sur ce dossier majeur »

« Rien n’était imprévisible », a affirmé la cheffe des députés LFI Mathilde Panot lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée, pointant elle aussi « un fait colonial indéniable » et jugeant que « les mauvaises décisions s’accumulent depuis qu’Édouard Philippe ne gère plus le dossier ».

L’ancien Premier ministre avait lui-même sonné l’alerte début mai, de même que ses prédécesseurs Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, s’inquiétant dans des propos rapportés par le journal Le Monde de l’absence de reprise en main du sujet par Matignon, historiquement chargé du dossier calédonien.

Mais après le non à l’indépendance lors des référendums de 2018 (à 56,7% des voix), 2020, (53,26%) et 2021 (96,5%), le dossier s’est retrouvé sur la table du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ciblé par les critiques des indépendantistes malgré sept déplacements sur l’île ces derniers mois.

Un interlocuteur qui « n’est plus légitime à être médiateur » car « il porte l’étendard de l’un des partis », a estimé mardi le député communiste Tematai Le Gayic. L’hôte de Beauvau a toutefois insisté devant les députés sur la « nécessité démocratique (et) juridique » de cette réforme, et annoncé l’envoi de renforts de gendarmes « pour rétablir l’ordre » à Nouméa.

« Je regrette que ce soit vous qui ayez répondu et non le Premier ministre, qui jusque-là est aux abonnés absents sur ce dossier majeur », lui a rétorqué le député socialiste Arthur Delaporte, qui avait défendu, sans succès, lundi une motion de rejet du texte.

« Saisir (la) main tendue »

Gabriel Attal avait pourtant appelé quelques minutes auparavant les responsables politiques calédoniens à « saisir (la) main tendue » par l’exécutif, après l’invitation lancée par Emmanuel Macron d’une rencontre à Paris.

« Le Congrès ne sera pas convoqué immédiatement après l’issue des débats à l’Assemblée nationale. Et dans l’intervalle, évidemment, j’invite les responsables politiques calédoniens à saisir cette main tendue et à venir discuter à Paris dès les prochaines semaines », a déclaré le Premier ministre devant l’Assemblée nationale, lors de la séance des questions au gouvernement.

« L’important, c’est l’apaisement. L’important, c’est le dialogue. L’important, c’est la construction d’une solution commune, politique et globale. L’important, c’est de trouver les moyens de faire respecter le choix souverain de la Nouvelle-Calédonie de rester dans la République et de trouver le bon équilibre pour l’avenir du Caillou et de la jeunesse calédonienne, tout en respectant le droit à l’autodétermination », a-t-il ajouté.

Gabriel Attal reproche à LFI la non dénonciation des violences

Gabriel Attal a au passage accusé la cheffe de file des députés de la France insoumise, Mathilde Panot, de n’avoir « pas un mot pour dénoncer (les) violences » dans ce territoire ou en « soutien des forces de l’ordre qui courageusement interviennent ». « C’est qu’à vous écouter, qu’à observer parfois certains comportements et certaines prises de position, il y a lieu de se demander si c’est véritablement l’apaisement que vous recherchez », a ajouté le chef du gouvernement.

Mme Backès, la présidente non-indépendantiste de la province Sud, a dénoncé mardi les « insultes racistes » de ceux qui ont incendié la maison de son père âgé de 79 ans lors des affrontements des dernières heures. « S’il n’a pas été attaqué parce qu’il était mon père, il a au moins été attaqué parce qu’il était Blanc », a affirmé Mme Backès sur BFMTV. « Pendant cinq heures, il a été insulté, caillassé, ils l’ont vu, ils savent qui il est », a-t-elle ajouté. « Il y a une incompréhension pour cette génération (…) d’entendre des gens qui leur disent de rentrer chez eux alors qu’ils sont là depuis quatre-vingts ans, nés ici pour la plupart et qu’ils n’ont pas d’ailleurs», a déclaré l’ex-secrétaire d’État.

Concernant la demande de la gauche du retrait du texte pour renouer le dialogue, le député Renaissance Nicolas Metzdorf en Nouvelle-Calédonie et rapporteur de la loi constitutionnelle, répond que « cela voudrait dire que ceux qui cassent, ceux qui pillent, ceux qui saccagent, ceux qui menacent, ceux qui blessent et peut-être ceux qui tueront, auront raison ».

Les oppositions épinglent aussi le choix de nommer la présidente non-indépendantiste de la province Sud Sonia Backès comme secrétaire d’État en 2022, ou de désigner comme rapporteur du projet de loi constitutionnelle un autre élu loyaliste du Caillou, Nicolas Metzdorf. « Comment voulez-vous que les indépendantistes se sentent respectés? C’est le chaos assuré », se lamentait ces derniers jours un chef de groupe parlementaire, pourtant favorable à la réforme.

« La méthode comme le calendrier déterminés par le gouvernement n’étaient pas les bons », a pour sa part estimé sur RTL le président du Rassemblement national Jordan Bardella.

Même dans le camp macroniste, certaines voix épinglent la gestion gouvernementale du dossier. « Comme d’habitude, il faudra qu’il y ait du sang » pour que le gouvernement réagisse, regrette un parlementaire ultramarin de la majorité, qui pointe « le silence de beaucoup de gens ».

Pour apaiser la situation, plusieurs parlementaires plaident pour la création d’une nouvelle « mission de dialogue » dont Gabriel Attal serait le « garant ». Une demande déjà défendue de manière transpartisane durant les débats au Sénat, fin mars, où la gauche avait dénoncé le « coup de force » d’une réforme perçue comme « un couperet » localement.

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