L’Iran doit annoncer samedi le détail de la nouvelle réduction annoncée des restrictions consenties en 2015 sur ses activités nucléaires, projet auquel l’Union européenne l’a sommé jeudi de renoncer.
Selon l’agence semi-officielle Isna, c’est le porte-parole de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Behrouz Kamalvandi, qui dévoilera la façon dont est exécuté l’ordre donné mercredi par le président Hassan Rohani de faire sauter toute limite à la recherche et au développement dans le domaine nucléaire.
M. Rohani a donné le coup d’envoi de la troisième phase du plan de réduction des engagements de l’Iran prévus par l’accord international sur son programme nucléaire conclu à Vienne en 2015.
Ces mesures « ne sont pas conformes » à l’accord, a réagi jeudi l’Union européenne, « nous sommons l’Iran de faire machine arrière ». Paris, qui a dit avoir « engagé des efforts en vue d’une désescalade », juge aussi que « l’Iran doit s’abstenir de toute action concrète non conforme à ses engagements ».
Londres a qualifié le plan iranien d’« inquiétant » et « particulièrement décevant à un moment où nous et nos partenaires européens et internationaux travaillons dur pour une désescalade ».
« Ce n’est pas le moment de tenir des pourparlers avec l’Iran, c’est le moment d’accroître la pression », a pour sa part estimé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, fervent adversaire de l’accord de Vienne.
Depuis mai, l’Iran est revenu sur certaines restrictions inscrites dans ce pacte. Il a augmenté ses stocks d’uranium enrichi au-delà de la limite fixée par l’accord, et enrichit désormais ce minerai à 4,5%, niveau supérieur au plafond fixé (3,67%), mais très loin du seuil requis pour une utilisation militaire. Téhéran riposte ainsi à la dénonciation par Washington de l’accord en mai 2018, suivie du rétablissement de sanctions économiques punitives.
Téhéran entend faire pression sur les autres Etats encore parties à l’accord (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) pour qu’ils l’aident à contourner les sanctions américaines et à vendre son pétrole.
A Vienne, l’Iran a obtenu la levée d’une partie des sanctions internationales qui l’isolaient depuis des années en échange d’une limitation drastique de son programme nucléaire, pour l’empêcher de se doter de l’arme atomique.
Jugeant ces garanties insuffisantes, le gouvernement de Donald Trump veut forcer l’Iran à négocier un accord plus contraignant et Washington mène contre Téhéran une politique de « pression maximale » qui prive l’Iran des retombées économiques qu’il attendait de l’accord.
L’Iran veut écouler son pétrole à l’étranger
Le 7 juillet, l’Iran avait donné jusqu’à ce jeudi aux autres Etats encore parties à l’accord pour l’aider a écouler son pétrole à l’étranger. Mercredi, M. Rohani a annoncé que l’Iran réduirait encore ses engagements après une nouvelle période de 60 jours si les Européens échouent à l’aider.
Menés par la France, ceux-ci ont redoublé d’efforts diplomatiques pour sauver l’accord d’une désintégration complète, et désamorcer la tension entre Iran et Etats-Unis, qui a failli tourner à l’affrontement militaire en juin et reste très forte.
Téhéran demande une ligne de crédit de 15 milliards de dollars
Mais le projet, discuté ces derniers jours d’une ligne de crédit de 15 milliards de dollars (13,5 milliards d’euros) qui serait accordée à l’Iran pour permettre son retour à une application pleine et entière de l’accord, bute sur le refus de Washington d’alléger les sanctions.
Selon une source diplomatique française, ce montant correspond environ au tiers des exportations iraniennes d’hydrocarbures en 2017, et les fonds avancés grâce à cette ligne de crédit seraient remboursés via des ventes futures de pétrole.
Pour que ce système puisse voir le jour, il faudrait que Washington accorde quelques dérogations à ses sanctions visant les ventes de pétrole iraniennes, ce que Washington a catégoriquement exclu mercredi.
Pour Henry Rome, analyste de la société de conseil américaine Eurasia Group, la mesure iranienne est « provocatrice mais réversible ». « L’Iran cherche à faire pencher la balance à son avantage, écrit-il dans une note, pas à fabriquer une bombe » atomique.
Les nouvelles mesures iraniennes devraient « porter prioritairement, voire exclusivement, sur la mise au point de nouvelles centrifugeuses » (pour enrichir l’uranium), relève François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran. L’accord « limite drastiquement le développement de différents modèles de centrifugeuses de nouvelles génération », rappelle-t-il à l’AFP. Il limite aussi le « nombre de centrifugeuses assemblées et testées », et impose un « calendrier strict de développement ».
Pour lui, la mesure est « très calibrée »: ses « premiers effets concrets ne se verront pas avant un ou deux ans« , mais « elle n’est que ‘partiellement réversible’ « car si les recherches sont interrompues, les acquis intellectuels, eux, perdurent.
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