Dans le hangar sombre et silencieux d’une petite ferme néerlandaise, 1,8 million d’oeufs, prêts à être détruits. Aviculteur depuis 25 ans, Wim ten Ham se sent impuissant face au scandale du fipronil, cet insecticide qui a contaminé la production de millions de poules.
La torpeur a gagné l’élevage familial d’Ede (centre), village aux dizaines d’élevages réputé pour ses oeufs. Dans l’étable, la machine de tri et d’emballage est à l’arrêt, son tapis roulant prend la poussière. Dans la cour vide, la maîtresse des lieux et un ouvrier s’occupent à de petits travaux.
Mais la prairie est vide et les poules se taisent, enfermées jusqu’à nouvel ordre.
Pour faire disparaître entièrement l’insecticide, Wim a deux solutions : éliminer ses 68 000 poules, ce qui lui coûterait 400 000 euros, ou provoquer leur mue et évacuer le fumier.
Le fipronil se loge en effet dans la graisse abdominale des poules et pourrait être dégradé par la mue, selon les syndicats néerlandais du secteur cités sur le site agricole Boerderij, précisant toutefois que l’efficacité n’est pas garantie.
Au cours de la mue, qui débute généralement à l’automne en raison d’une baisse de la luminosité, la volaille perd plumes et gras.
L’éleveur a donc plongé ses poules dans le noir et modifié leur alimentation pour favoriser la perte de graisse, pour essayer de sauver des bêtes jeunes et qui ont presque atteint leur capacité maximale de ponte.
Lorsque la volaille est plus âgée, les aviculteurs optent plutôt pour la première solution : quelque 300 000 poules possédant du fipronil dans le sang ont déjà été supprimées aux Pays-Bas, a indiqué dimanche l’organisation agricole LTO, citée par la radio-télévision publique néerlandaise NOS. Un chiffre qui pourrait atteindre plusieurs millions…
Wim ten Ham compte parmi la centaine d’éleveurs néerlandais dont les œufs sont suspectés de contenir des traces de fipronil, un insecticide destiné à lutter contre les puces de sang des poules, mais prohibé dans le traitement des animaux destinés à la chaîne alimentaire. Ce qui a poussé des supermarchés à jeter des millions d’œufs contaminés à l’insecticide en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.
« Nous restons fermés jusqu’à ce que nous puissions prouver que le fipronil a disparu des poules et ne se retrouve pas dans les oeufs », explique-t-il.
Le taux de fipronil relevé lors de prélèvements sur les poules et les œufs de la ferme familiale est de 0,30 mg/kg, contre les 0,005 mg/kg autorisés.
À l’origine de cette teneur élevée, un traitement réalisé par l’entreprise ChickFriend voici six semaines, rapporte-t-il, chemise à carreaux et cheveux gris, les yeux las.
Aujourd’hui, il attend. Que le produit disparaisse, que ses œufs aient à nouveau un taux de fipronil jugé acceptable, que les affaires reprennent. Avant d’évaluer les dégâts. Tandis que les œufs s’accumulent peu à peu dans son hangar.
« Je me sens impuissant », dit-il, découragé. « Et je trouve que les effets nocifs qu’il y a ici sont si nuls (…) mais il y a des règles et ils maintiennent ces règles. »
Car en grande quantité, le fipronil est considéré comme « modérément toxique » pour l’homme par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et si les autorités sanitaires des divers États concernés s’accordent pour considérer le risque sanitaire comme minime, les professionnels se sont voulus prudents.
« Celui qui décide paie : ils déterminent les règles, ils décident que ces œufs ne sont pas suffisamment bons, on doit au minimum parler de dédommagements », ajoute Wim. « Autrement, le secteur tout entier est foutu ! »
Selon le syndicat néerlandais des éleveurs de volailles, les pertes s’élèvent déjà à « plusieurs millions d’euros ». La Haye a annoncé vendredi plancher avec le secteur sur le déblocage d’un plan d’aide d’urgence, d’après l’agence de presse néerlandaise ANP.
Mais, même s’il doit détruire des millions d’œufs qu’il juge pourtant propres à la consommation, Wim garde espoir et attend de ces concertations « une clarification pour que les éleveurs puissent continuer malgré tout avec leur volaille ».
L’Allemagne a appelé vendredi les autorités belges et néerlandaises, qui mènent une enquête, à faire la lumière sur le frelatage « criminel » à l’insecticide d’œufs. La France n’est, « à ce jour », pas concernée par le scandale, a précisé samedi le ministère français de l’Agriculture et de l’Alimentation.
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