La Cour suprême pakistanaise doit décider mardi si elle accepte d’instruire un appel contre sa propre décision d’acquitter la chrétienne Asia Bibi, potentiellement l’ultime volet judiciaire de cette affaire de blasphème devenue un symbole.
Si la plus haute instance judiciaire du Pakistan invalide cette procédure, plus rien n’empêchera Asia Bibi de quitter ce pays musulman très conservateur, où elle vit sous haute protection, étant de longue date une cible pour les extrémistes. L’audience est prévue à 13H00 locale (08H00 GMT), selon un document publié jeudi par la Cour suprême, dont l’AFP a eu copie.
« Normalement, la Cour décide le même jour si l’appel est recevable ou pas », avait observé jeudi Ghulam Mustafa Chaudhry, l’avocat qui a lancé le recours contre son acquittement. Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 pour blasphème, a été acquittée le 31 octobre par la Cour suprême, puis libérée le 8 novembre de la prison de Multan (centre), où elle était détenue. Elle réside depuis lors dans un lieu sûr au Pakistan, ont affirmé à de multiples reprises les autorités.
D’après plusieurs experts en droit, il paraît très peu probable que la Cour suprême se déjuge, tout particulièrement dans une affaire aussi incendiaire que celle d’Asia Bibi. « C’est très rare », avait déclaré l’avocat Saad Rasool à l’AFP. La décision d’acquittement avait en outre été rédigée de manière très détaillée par le juge Asif Saeed Khosa, un expert en justice criminelle, qui entre-temps est devenu lui-même le président de la Cour suprême. Le juge Khosa sera l’un des trois juges qui se prononceront mardi.
Alors que la France a déclaré accepter d’accueillir Mme Bibi, le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait affirmé en novembre à l’AFP que son pays était « en discussions » avec Islamabad à ce sujet. Mme Bibi, ouvrière agricole chrétienne âgée d’une cinquantaine d’années, avait été condamnée à mort en 2010 pour blasphème à la suite d’une dispute avec des villageoises musulmanes au sujet d’un verre d’eau.
Son cas a eu un retentissement international, attirant l’attention des papes Benoît XVI et François. L’une de ses filles a rencontré ce dernier à deux reprises. L’affaire Asia Bibi divise le Pakistan, pays musulman très conservateur où le blasphème est un sujet extrêmement sensible. Des accusations suffisent à provoquer des lynchages mortels.
Les défenseurs des droits de l’homme voient en Asia Bibi un symbole des dérives de la loi réprimant le blasphème au Pakistan, souvent instrumentalisée, selon ses détracteurs, pour régler des conflits personnels. Une quarantaine de personnes condamnées pour blasphème se trouvent actuellement dans le couloir de la mort au Pakistan, selon une estimation de la Commission internationale pour la liberté religieuse des Etats-Unis datant de 2018.
Après l’acquittement de Mme Bibi, des milliers d’islamistes avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison, poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord controversé avec eux. L’exécutif s’était engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer la requête en révision du jugement que doit examiner la Cour Suprême. L’accord a été critiqué par de nombreux Pakistanais, furieux que l’Etat ait cédé face aux extrémistes.
Fin novembre, des centaines de sympathisants du parti islamiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), à l’origine des blocages dans le pays, ont toutefois été arrêtés. Khadim Hussain Rizvi, le bouillonnant chef du TLP, est accusé de rébellion et de terrorisme, selon l’exécutif. De telles accusations sont passibles de la prison à vie.
D.C avec AFP
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