Dimanche 3 avril, le Consortium International des journalistes d’investigation publiait les résultats d’un an de recherche sur des documents d’un cabinet panaméen d’avocats, Mossack Fonseca, spécialisé dans la création de sociétés offshore. Les 11 millions de fichiers continuent encore à révéler des noms de personnalités impliquées dans le système monté au sein de ce paradis fiscal.
Partout dans le monde, les premières réactions ont été immédiates. En Islande, le Premier ministre Sigurdur Ingi Johannsson a dû démissionner face à la vindicte populaire. Le 6 avril, le siège de l’UEFA était perquisitionné par la police suisse. Ces deux évènements, liés au dossier, ne sont que le début. Alors que de nouvelles révélations sont à attendre, le gouvernement français a déjà annoncé sa volonté de poursuivre les fraudeurs.
Le fichier implique d’ores et déjà 1 500 personnalités françaises. Les réactions du milieu politique ont été vives. Michel Sapin a remercié « la presse et les lanceurs d’alertes ». « Si je peux dire, c’est une bonne nouvelle que nous ayons connaissance de ces révélations parce que ça va nous faire encore des rentrées fiscales de la part de ceux qui ont fraudé », a affirmé pour sa part François Hollande. Mais au-delà des bonnes intentions, une question se pose désormais : les révélations du Leak de Panama auront-elle un effet au-delà des annonces ?
L’État français veut enquêter
En substance, le dossier n’apprend rien de ce qui était déjà connu et révélé dans de précédentes affaires comme les Swiss Leaks en octobre dernier ou les Offshores Leaks en 2013. « Les scandales d’ampleur s’enchaînent, mais les mesures concrètes se font rares », regrette Manon Aubry, responsable plaidoyer justice fiscale à Oxfam, une association de lutte contre les inégalités.
François Hollande a assuré que les renseignements du document publié par Le Monde « donneraient lieu à des enquêtes des services fiscaux et à des procédures judiciaires ». L’administration a dit vouloir récupérer les 1 500 noms des Français figurant dans les Panama Papers. Mais pour y arriver, les autorités devront piocher dans des listes autres que celle du consortium, étant donné que les journalistes ont refusé de communiquer les noms.
Les scandales d’ampleur s’enchaînent, mais les mesures concrètes se font rares.
– Manon Aubry,Oxfam
« L’État a trois moyens pour récupérer les informations. D’une part demander aux banques, d’autre part demander à d’autres administrations fiscales – on sait que le Royaume-Uni, que le Canada, que l’Allemagne dispose d’informations – enfin, utiliser ses propres fichiers », explique Christian Chavagneux, éditorialiste à Alternatives Économiques. Quand bien même ces 1 500 noms seraient portés à la connaissance de Bercy, reste encore la question de savoir comment enquêter. Seul un dossier sur seize investis par le fisc aboutit à une condamnation pénale et les effectifs ne sont pas toujours présents.
Des mesures inefficaces ?
De nombreuses institutions et acteurs internationaux sont amenés à intervenir dans l’application de la justice fiscale : le FMI, la Banque Centrale Européenne, la Banque Mondiale, les Nations Unies, les gouvernements eux-mêmes. Cependant, d’après la Tax Justice Network, une ONG luttant contre les paradis fiscaux et pour la justice fiscale, chacune de ces institutions le fait « sous un angle différent (stabilité financière, évasion fiscale, blanchiment, lutte contre la corruption, etc.), et de façon très dispersée ».
L’ONG note également que le G8 initie les mesures concernant la lutte contre les paradis fiscaux, mais que la protection des intérêts des pays limite fortement ces impulsions. « Hormis quelques progrès limités dans l’échange d’information entre administrations fiscales et judiciaires des pays riches, les principaux centres offshore n’ont eu qu’à se mettre en conformité avec un ensemble de normes pour s’acheter une respectabilité ; personne ou presque n’est là pour en vérifier ni en sanctionner l’application effective », résume l’ONG.
Le Panama et la France, entre menaces et légion d’honneur
Les relations diplomatiques entre la France et le Panama mettent en lumière une politique de « laisser faire » en matière de justice fiscale.
En 2011, le président Nicolas Sarkozy décide de sortir le Panama de sa liste noire des paradis fiscaux. Une mesure qui met fin à l’embargo financier de l’OCDE sur ce pays, qui durait depuis plus de deux ans. Le Panama, pour être définitivement rayé de la liste des « paradis fiscaux non-coopératifs », devait réunir au moins 12 signatures de pays membres de l’institution. Le geste de Nicolas Sarkozy a donc beaucoup compté.
En visite à Paris à l’automne 2011, Ricardo Martinelli, alors président, n’a pas hésité à menacer le chef de l’État, faisant savoir qu’il écarterait les entreprises françaises de contrats, tels que l’élargissement du Canal confié à la Compagnie du Rhône, ou encore le métro panaméen (déjà signé) par Alstom. Dès le lendemain, l’Assemblée nationale adoptait un texte de ratification. Cela, bien qu’en septembre 2010, Nicole Bricq, rapporteur générale socialiste du Budget au Sénat, stipulait que le « Forum mondial ne mettait que 3 critères sur 10 ».
Depuis, il n’y avait plus eu un murmure sur le paradis fiscal panaméen, si ce n’est la remise de la légion d’honneur à Ricardo Martinelli par François Hollande, en 2013. Aujourd’hui, l’ancien président est en cavale : en plus d’avoir surveillé illégalement plus de 150 personnes, on lui reproche d’avoir mis sur pied une vaste organisation de détournements de fonds publics. Ça ne s’invente pas.
« Cela prouve clairement le non-sens des critères retenus par les auteurs de ces listes », évoque Manon Aubry. Depuis la révélation du Panama Papers, Bercy assure vouloir réinscrire le pays dans sa liste noire.
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