Pour les 40.000 festivaliers cannois, le graal, c’est le Grand Théâtre Lumière et ses 2.294 fauteuils, après avoir foulé le tapis rouge et monté les marches du Palais des festivals. Mais tous ne sont pas à égalité, entre VIP et ceux contraints à « faire la manche ». Le Festival de Cannes, c’est un paradis pour cinéphiles. Plus d’une vingtaine de salles et 200.000 spectateurs qui se bousculent pour découvrir la dernière oeuvre de Spike Lee, de retour après 27 ans d’absence, ou celle d’un obscur réalisateur kazakh.
Mais « c’est un système de castes », lâche Michel, 32 ans, technicien dans le cinéma, porteur d’un badge jaune, « le bas de gamme ». Il est 08h00 mercredi. Depuis une demi-heure il tend une pancarte pour décrocher une invitation pour « Under the Silver Lake », de l’Américain David Robert Mitchell. Au dessus, il y a les badges bleus, roses, roses avec pastille jaune et blancs. Le must. A chaque couleur, un degré de priorité différente. Les badges blancs et roses étant pour la plupart réservés aux 4.500 journalistes accrédités.
Pour les badges jaunes, impossible d’aller voir un film sans invitation en prime. « C’est pour ça qu’on fait la manche » devant le Palais, explique en souriant Camille Roux, 18 ans, apprentie actrice: « C’est comme ça qu’on dit entre nous ». Et il y a aussi les badges Cannes Cinéphiles, 4.200 cinéphiles du monde entier retenus sur lettre de motivation. Parmi eux, 1.000 lycéens inscrits en section cinéma, du Canada, d’Autriche, ou de Cannes, comme Celia Devel, 20 ans, qui rêve de devenir costumière: « Nous, on est la plèbe », expliquait-elle lundi, en brandissant sa pancarte pour aller voir « BlacKkKlansman », de Spike Lee, dans une robe fourreau à fleurs de sa composition.
Tous cherchent la même chose. Ces fameuses invitations non utilisées par leurs propriétaires. Et la compétition est rude. « Moi ça a bien marché depuis le début », reconnaît Camille Roux, qui a déjà vu sept des 21 films en compétition: « Les gens qui ont une invitation en trop ont intérêt à la donner, sinon ils peuvent être +blacklistés+ » si leur invitation n’a pas été utilisée. Pour voir les films en compétition, il y a donc les 15 salles dans le Palais. Ou ces quatre autres salles en ville, dont la Licorne, dans le quartier de la Bocca, réservées aux pass Cannes Cinéphiles.
Autre solution, le cinéma de la Plage, 1.000 places et un écran géant en plein air. En accès libre. Ou compter sur la chance, et être Cannois. Chaque année, la mairie offre 1.500 places au Grand Théâtre Lumière à ses concitoyens, sur tirage au sort. De même, comme chaque année, les Cannois pourront y voir la Palme d’or 2018 dimanche, au lendemain du palmarès, pour quatre séances gratuites. Dernière solution, pour tous ceux qui n’ont ni badge ni invitation: la file dernière minute, pour ces poignées de places qui restent vides au dernier moment. « Mais là on ne passe pas sur le tapis rouge, on rentre sur le côté, et ils sont moins regardants sur nos tenues », explique Célia Devel.
A partir de 18h30 (16H30 GMT), le dress code est en effet strict sur le tapis rouge: costume et nœud papillon pour les hommes, tenues de soirée pour les femmes. Mais selfies interdits cette année. Au grand dam de Harriet Gilholm, une Anglaise de 24 ans qui venait surtout pour fouler le tapis rouge et ramener un souvenir. Car pour certains, la seule motivation est la montée des marches, sous les feux de la rampe. « Beaucoup s’esquivent de la salle après un quart d’heure », regrette Camille, en place avec son carton mercredi pour aller voir « Burning », du Sud-Coréen Lee Chang-Dong.
DC avec AFP
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