Un homme qui a marché pendant des heures pour passer une journée avec un homme âgé, vivant seul dans un village reculé des montagnes japonaises, a partagé son expérience unique pour perpétuer l’histoire de ce village abandonné depuis longtemps.
Passionné par le Japon, Norm Nakamura, âgé de 38 ans, est un créateur de vidéos, capitaine de bateau et pilote en formation qui a appris le japonais à l’université. Il a quitté le Canada pour s’installer à Tokyo afin d’étudier l’instrument à trois cordes « Tsugaru-shamisen » auprès des frères Yoshida, des artistes japonais. En faisant des recherches sur les villages abandonnés au Japon, il a découvert l’histoire de Kadonyu.
Le dernier homme
Kadonyu est un village caché, enfoui au plus profond des montagnes boisées d’Ibigawa, dans le district d’Ibi au Japon. C’est l’un des villages les plus isolés et les plus difficiles à atteindre de la région. Ce village, ainsi que sept autres villages, avait été acheté pour la construction d’un barrage il y a des décennies et ses habitants avaient été payés pour partir, mais le village n’a jamais été inondé.
« J’avais entendu une rumeur selon laquelle un seul homme vivait là-bas, mais il est très vieux et c’est le dernier. J’ai pensé que c’était une bonne occasion d’aller partager son histoire », a confié Norm à Epoch Times.
Ancien charpentier, le « dernier homme » de 88 ans, qui préfère rester anonyme, est né à Kadonyu et y a vécu pendant 50 ans avant que le village ne soit déserté. À son retour, il s’est construit une maison en bois, simple mais belle, en grande partie avec des matériaux trouvés et donnés, et y vit depuis lors.
Norm savait que c’était le moment ou jamais de faire son voyage, mais si les responsables du barrage autorisent l’ermite à utiliser leurs bateaux pour accéder au sentier de randonnée menant à son village, l’accès est interdit aux non-résidents. Si Norm voulait avoir une chance de s’y rendre, il devait négocier l’utilisation d’un bateau et trouver un guide de randonnée – mais l’ermite ne pouvait pas être contacté directement.
« Il n’envoie pas d’email et ne téléphone pas », a dit Norm, « alors j’ai trouvé un blog d’un autre homme qui disait qu’il était son ami et que parfois il voyageait dans les montagnes avec un gros sac à dos rempli de nourriture pour lui rendre visite (…) Je l’ai contacté, et il a dit qu’il faisait partie d’un groupe qui essaie de garder l’histoire du village [vivante]. »
Norm a envoyé des messages à l’auteur du blog, un homme de 70 ans connu sous le nom d’Ebi-san, pendant six mois avant de gagner sa confiance. Finalement, Ebi-san a accepté : « D’accord, je te fais confiance. Allons-y. »
« Vraiment heureux »
Norm et Ebi-san sont ensuite partis pour le village de Kadonyu en juin 2022.
La randonnée depuis le bateau jusqu’au village était parsemée de corniches étroites, de roches humides et d’eau courante. « Il faut franchir essentiellement deux montagnes pour y arriver », a raconté Norm. « On pourrait passer par les vallées, mais cela prendrait beaucoup plus de temps, comme quatre ou cinq heures (…) ce chemin est généralement utilisé par les animaux, donc nous devions faire attention aux ours et autres animaux sauvages. »
En arrivant au village, la première impression de Norm fut que « ce n’était plus vraiment un village ». Au lieu de cela, la nature avait repris son cours, avec seulement trois ou quatre maisons à côté de celle de l’ermite, ainsi que quelques vieilles voitures abandonnées.
Le sympathique ermite était « très bavard », a dit Norm, et aimait partager ses souvenirs de Kadonyu. « Il a raconté toutes les histoires de son enfance, des histoires sur sa sœur, sur sa famille, sur ce que c’était que de grandir dans le village », a dit Norm, qui a filmé son incroyable expérience des 24 heures et a partagé la vidéo sur YouTube.
Dans ce reportage, l’homme décrit son ancienne vie dans le village, avant la construction du barrage.
« Nous étions pour la plupart autosuffisants, mais la vie était dure », dit-il. « Nous devions transporter des choses comme du sel, le matériel médical, des couteaux, etc. Mais cet endroit était si difficile à vivre que lorsque j’ai finalement atteint l’âge de me marier, personne n’a voulu m’épouser parce que je vivais ici (…) Je ne pouvais pas leur imposer un mode de vie aussi difficile. »
Il a ajouté que la plupart des personnes originaires du village partaient pour trouver un emploi dans une ville voisine, mais il a continué à rester à Kadonyu, car il aimait cet endroit.
« L’air est frais et très agréable. La nature est partout et l’eau est gratuite ! J’ai vraiment de la chance que mes parents m’aient élevé ici », a dit l’homme.
Une journée typique
Une journée typique pour le dernier homme de Kadonyu comprend la préparation de la nourriture, les soins personnels, la marche, le bain et le sommeil. Comme l’isolement et la population locale d’ours noirs rendraient trop dangereux le fait de rester dans le village pendant l’hiver, il n’est plus autorisé d’y rester. Il apporte donc de la nourriture et des provisions sur le bateau au printemps.
« Sinon, il y a du poisson dans la rivière et il y a beaucoup de champs autour pour qu’il puisse cueillir des herbes et des légumes frais », a expliqué Norm à Epoch Times. « Ebi-san lui rend visite généralement une fois par mois, et lui apporte aussi un gros sac à dos. »
L’ermite dispose d’une télévision et d’un lecteur DVD sur lesquels il peut passer des films et accroche une radio portable à la fenêtre pour éloigner les ours. Chaque matin, il lance des pétards depuis sa fenêtre du deuxième étage pour décourager les gros animaux sauvages de s’approcher de la maison. Cependant, il garde des restes de nourriture pour un chien laissé par une personne qui a quitté le village. Le chien, qui a survécu seul dans la nature, vient de temps en temps devant la maison de l’homme.
En cas de blessure, le « scénario le plus probable » est que l’homme devra demander de l’aide par radio au barrage, qui enverra un bateau de secours, a dit Norm. Mais il faut tout de même 30 minutes en voiture pour rejoindre l’hôpital du point d’arrivée du bateau, et il n’y a pas d’aéroport à proximité d’où des hélicoptères pourraient voler.
Norm a dit : « Que vous viviez dans un village abandonné ou que vous viviez à New York, je pense qu’il y aura toujours un certain danger. Vous choisissez simplement votre sorte de danger. »
Garder l’histoire vivante
Norm dit que son interaction la plus mémorable avec l’ermite a été lorsqu’il lui a montré l’emplacement du bâtiment de son école primaire et qu’il a entendu ses récits de randonnées avec ses camarades de classe pendant la récréation pour jouer dans les montagnes. Comme il n’y avait pas d’école primaire dans le village de Kadonyu, ils devaient se rendre à pied dans une autre école, à quatre heures de route à travers les montagnes.
« Il faisait l’aller-retour huit heures par jour juste pour aller à l’école (…) seul, lorsqu’il était un petit garçon. Une histoire étonnante. »
Lorsque Norm a demandé à l’homme s’il ne se sentait pas seul, celui-ci a répondu qu’il était « toujours heureux d’être au village », mais que le fait de savoir que son séjour à Kadonyu touchait à sa fin le rendait triste.
« Cette dernière saison, a-t-il dit, était probablement sa dernière saison pour visiter le village, car il devient trop vieux pour faire les allers-retours. Dès l’année prochaine, il pourrait ne plus être là. »
En apprenant cela, Norm voulait simplement « permettre à son histoire d’être racontée, et garder son histoire vivante ».
« Il y a beaucoup d’endroits dans le monde entier comme celui-ci, pas seulement au Japon, où il y avait autrefois une belle ville ou un village dynamique », a expliqué Norm. « Il y avait une histoire qui se déroulait, mais parce que le monde continue d’avancer, certains d’entre eux disparaissent. »
Les barrages sont construits dans un but précis, a-t-il raisonné, et quand ils prennent le dessus sur les vieux villages, les anciens modes de vie disparaissent. Mais il y a de la beauté à trouver dans ce qui n’est pas permanent.
« Je pense que c’est triste, mais je pense aussi que c’est triste de la même manière que la vie des fleurs de cerisier. Cela nous permet d’apprécier ce que nous avons, car rien n’est parfait. Tout est temporaire », conclut Norm.
Regardez la vidéo :
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.