Pékin resserre son emprise sur le phénomène viral des « micro-dramas » en ligne

Par Alex Wu
9 février 2025 09:59 Mis à jour: 11 février 2025 20:57

Coup de frein sur les micro-dramas : Pékin impose un permis obligatoire pour mieux contrôler ce format vidéo qui passionne des millions de Chinois.

Tous les créateurs chinois de micro-dramas doivent désormais obtenir un « Permis de diffusion en ligne » ou accomplir une procédure d’enregistrement sur Internet avant de pouvoir diffuser leurs vidéos, selon une directive officielle publiée par l’Administration nationale de la radio et de la télévision du régime chinois.

En cas d’infraction, les créateurs de contenu s’exposent à des interrogatoires par les autorités, à la suspension de la diffusion et à d’autres sanctions, précise la directive.

« Les plateformes audiovisuelles en ligne ne doivent pas diffuser de micro-dramas sans permis ou numéro d’enregistrement, ni leur générer du trafic ou en promouvoir la diffusion », indique encore le texte.

Ces dernières années, les micro-dramas sont devenus extrêmement populaires en Chine. Généralement composés d’épisodes d’une à trois minutes, ces formats enchaînent les rebondissements et sont conçus au format vertical pour un visionnage optimisé sur téléphone mobile. Des millions de spectateurs regardent chaque jour ces mini-fictions et sont prêts à payer pour en voir davantage.

On estime que le marché chinois du micro-drama pèse cinq milliards d’euros par an et continue de croître. Il est aussi devenu un concurrent majeur pour l’industrie cinématographique chinoise, dont le Parti communiste chinois contrôle entièrement le contenu.

Le régime chinois affiche depuis longtemps son intention de renforcer son contrôle sur les micro-dramas, un format populaire et facile à produire. En juin 2024, il a instauré une politique systématique de « vérification avant diffusion ».

Selon la dernière directive, les autorités mettent en place un système de « contrôle par niveaux », répartissant les micro-dramas en trois catégories selon leur contenu et leur budget de production : plus d’un million de yuans (environ 127.600 euros), entre 300.000 yuans (38.300 euros) et un million de yuans, et moins de 300.000 yuans.

Le contenu des vidéos courtes fait l’objet d’un contrôle rigoureux. D’après la directive, les micro-dramas destinés à être mis en avant en tête de page des plateformes doivent être validés par l’Administration nationale de la radio et de la télévision. Les micro-dramas abordant des thèmes majeurs ou spécifiques, tels que « politique, armée, diplomatie, sécurité nationale et front uni », sont soumis à des procédures spécifiques.

« Le régime autoritaire du Parti communiste chinois contrôle tout », a déclaré le 6 février à Epoch Times Li Yuanhua, historien chinois installé en Australie.

« Aujourd’hui, presque tout le monde possède un ou plusieurs téléphones portables. Chaque jour, des millions de personnes regardent du contenu sur leur téléphone. Les micro-dramas sont omniprésents et atteignent très facilement leur public cible », a-t-il poursuivi.

Selon lui, ces nouvelles réglementations poursuivent deux objectifs :

« D’un côté, elles servent l’agenda du Parti communiste chinois, qui cherche à surveiller les pensées de la population. »

« De l’autre, le Parti veut en tirer des bénéfices financiers, car ce marché, qui génère environ 4,6 milliards d’euros par an, s’est rapidement développé pour atteindre quasiment la taille de l’industrie cinématographique chinoise. »

« Ces deux raisons expliquent pourquoi le Parti a récemment renforcé son emprise sur les micro-dramas », a-t-il conclu.

Wu Zuolai, universitaire chinois installé aux États-Unis et ancien responsable culturel en Chine, souligne que de nombreux Chinois, au chômage et sans perspectives d’emploi, se sont tournés vers la production de micro-dramas et la vente de produits via ces vidéos.

« J’estime que des dizaines de millions de Chinois participent à la production de micro-dramas », a-t-il confié à Epoch Times. « Certains en vivent. Mais avec ces nouvelles mesures, le Parti leur retire leur moyen de subsistance. »

Il ajoute que le principal objectif du processus de censure du Parti communiste chinois est de maintenir le contrôle sur le discours politique.

« Le Parti cherche avant tout à censurer les contenus anticommunistes et ceux qui révèlent la vérité sur la société chinoise », explique-t-il, ajoutant que la diffusion de tels contenus sur Internet provoque « un effet d’explosion en chaîne ».

« Là où des violences éclatent, là où des responsables du Parti sont attaqués, là où des soulèvements ont lieu […]. Le Parti cible tout contenu qui menace la stabilité de son régime. »

A man checks his phone while eating in a food court at a mall in Beijing on Aug. 15, 2023. (Greg Baker/AFP via Getty Images)
Un homme consulte son téléphone tout en mangeant dans une aire de restauration d’un centre commercial à Pékin, le 15 août 2023. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

La mort d’un genre

Selon plusieurs observateurs, le renforcement du contrôle du Parti communiste chinois risque d’étouffer un genre émergent et la créativité des Chinois.

Une fois que le Parti s’ingère dans la production et la distribution des micro-dramas pour façonner l’opinion publique, « il limite considérablement les sujets abordés », note Li Yuanhua.

« Le Parti veut faire des micro-dramas un outil de propagande en y instillant son ‘grand récit’. Mais ce contrôle tue la vitalité. Les investisseurs s’en désintéressent, et le public ne paiera pas pour regarder ces productions ‘officielles’. À terme, le genre risque de disparaître », analyse-t-il.

Lai Rongwei, président de l’association taïwanaise Taiwan Inspirational Association, engagé en faveur de la démocratie, partage cette vision.

« Le Parti communiste chinois interfère excessivement dans le marché et le façonne entièrement selon sa propre ligne idéologique. Cela nuit à l’art et à la création, et le pays perd toute capacité d’innovation », a-t-il déclaré à Epoch Times le 6 février.

Avec la contribution de Luo Ya.

Avec Reuters

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