Facebook est devenu la dernière plateforme en date du régime chinois pour amplifier sa propagande selon laquelle Taïwan appartiendrait à la Chine, ont révélé des documents obtenus par Epoch Times.
Pékin revendique l’île autonome comme faisant partie de son territoire, alors que Taïwan possède sa propre armée, un gouvernement démocratiquement élu et une monnaie.
Des chercheurs et les autorités taïwanaises ont déjà mis en évidence des tentatives indirectes visant à influencer les électeurs taïwanais pour qu’ils élisent des candidats politiques favorables à Pékin – notamment en diffusant des informations erronées sur Facebook – des efforts qui s’alignent sur les objectifs de Pékin de convaincre le peuple taïwanais d’accepter l’unification avec le continent. Mais ces efforts ont été difficiles à relier directement au régime, aussi quelques documents ayant récemment fait surface sont les premiers du genre à confirmer la main directe du régime chinois dans la création et la diffusion d’une telle propagande sur Facebook, laquelle attise les sentiments pro-unification.
Les documents du gouvernement de la ville de Pékin, datés de début juin et présentés comme des rapports à des supérieurs pour montrer leurs « réalisations », fournissent la preuve que le régime utilise diverses pages Facebook par procuration pour promouvoir la revendication de souveraineté de Pékin et l’idée d’une invasion militaire de Taïwan.
Du 25 mai au 8 juin, les plateformes ont publié au moins 74 messages sur quatre pages, conçus pour « dégonfler l’air insolent des groupes pro-indépendance de Taïwan et pour faire contraste avec le traitement de l’épidémie entre la Chine, les États-Unis et Taïwan, afin de démontrer les avantages de notre système », peut-on lire dans le document (pdf) (cloud). Le terme « pro-indépendance » a été une accusation pro-forma pour Pékin de faire porter le chapeau à des individus et des actes qui démontrent la fierté ou la solidarité pour l’identité taïwanaise – comme par exemple agiter des drapeaux taïwanais.
Les pages ont des noms obscurs et un public modeste qui varie de quelques centaines à plus de 8 000 abonnés. Mais l’effort s’est avéré payant : cinq des vidéos les plus performantes d’une page ont reçu plus de 30 000 appréciations, partages, commentaires et clics pendant la période de deux semaines, selon le document.
Provocation militaire
La vidéo du haut, qui montre une hypothétique attaque militaire contre Taïwan, a suscité plus de 137 000 réactions d’utilisateurs sur une période de 13 jours et a été visionnée 1,02 million de fois pendant cette période. La vidéo affirme que les soldats chinois sont invincibles et que Taïwan « doit s’unifier » avec le continent. Le titre de la vidéo est le suivant : « Si la guerre éclate demain, voici la réponse de l’Armée populaire de libération de la Chine (APL). »
La vidéo compte actuellement environ 800 commentaires et près de 2 000 j’aime. Selon le document, il en a coûté environ 400 $ pour la relancer.
Une autre vidéo, publiée le 1er juin, déclarait que les torpilles de haute technologie que les États-Unis ont vendues à Taïwan en mai étaient des « déchets » et n’égalaient pas celles de l’armée chinoise.
Par ailleurs, Hu Guangqu, rédacteur et reporter pour le site d’information Huaxia Jingwei, affilié à l’État et centré sur Taïwan jusqu’à la fin de 2019, a présenté un résumé du « travail de promotion spéciale de Facebook » dans un document du 7 juin, affirmant que les vidéos ont eu un « impact significatif » et ont « attiré l’attention des internautes étrangers et suscité des discussions animées ».
M. Hu a toutefois concédé que « la plupart d’entre eux [les internautes étrangers] pensent que l’APL n’osera pas utiliser la force militaire » contre Taïwan. De plus, il a découvert que dans les commentaires de Facebook, de nombreux Taïwanais ont déclaré que les États-Unis viendraient également en aide à Taïwan en cas d’invasion militaire, a-t-il écrit dans le document. Cela représente la majorité des jeunes Taïwanais « qui ont un sentiment d’identification extrêmement faible avec la mère patrie », a-t-il conclu, décrivant ces jeunes comme des forces « radicales ».
« Seul un petit nombre d’internautes taïwanais ont une conscience introspective », a déclaré M. Hu.
Facebook n’a pas répondu à une demande de commentaires sur les pages Facebook mentionnées ci-dessus.
Liens entre les États
Huaxia Jingwei, établie à Pékin, a joué un rôle actif dans la projection de récits sur Taïwan approuvés par le régime.
Le site web se décrit comme ayant reçu « un intérêt avide et un soutien fort » de la part du Bureau des affaires de Taïwan et du Bureau d’information du Conseil d’État, deux organes de travail du gouvernement central chinois.
Le site d’information s’est également vanté d’avoir été classé comme un projet gouvernemental clé en 2006 dans le cadre du plan quinquennal du régime chinois. Wang Daohan, ancien président de l’Association pour les relations de l’autre côté du détroit de Taïwan, gérée par l’État et favorable à l’unification, a lui-même écrit le nom du site.
Zhu Ming, un commentateur des affaires chinoises basé à New York, a qualifié le site de « front de propagande pro-unification » de Pékin fonctionnant par le biais de multiples procurations.
Il a noté que la page web utilise le chinois traditionnel plutôt que l’écriture simplifiée, les caractères standardisés du continent, ce qui suggère que leur public cible est constitué de lecteurs non continentaux. Les résidents de Taïwan et de Hong Kong utilisent principalement les caractères traditionnels.
Manuel de propagande
Si le régime chinois, par sa censure d’Internet toujours plus stricte, a longtemps empêché les utilisateurs du continent d’accéder à Facebook, Twitter et YouTube, il s’est aussi de plus en plus tourné vers ces plateformes pour faire avancer ses positions vers un public international.
Tous les grands médias publics chinois ont ouvert des comptes sur Twitter et Facebook. Certains, tels que le China News Service et la China Central Television (CCTV), ont investi des centaines de milliers de dollars pour renforcer leur présence dans les médias sociaux à l’étranger.
Dans un document d’appel d’offres public sur le site web du gouvernement central chinois daté du 16 août 2019, qui a depuis été supprimé, China News Service a demandé 1,25 million ¥ (156 230 €) au gouvernement pour augmenter de 580 000 le nombre de ses abonnés à Twitter, et 1,2 million de yuans (149 980 €) pour 670 000 autres abonnés à Facebook.
Freedom House, un organisme de surveillance des droits de l’homme basé aux États-Unis, a constaté que les comptes des médias de l’État chinois figuraient parmi les cinq pages médiatiques à la croissance la plus rapide sur Facebook de la mi-novembre à la mi-décembre 2019. Avec chacun des dizaines de millions d’abonnés, ces comptes ont eu une présence remarquable en ligne, constituant trois des dix plus grands comptes médiatiques sur Facebook en 2019, selon la société de marketing des médias sociaux Socialbakers.
Une telle influence secrète a conduit Twitter, Facebook et YouTube à suspendre plus de 1 000 comptes au total en août 2019, dans un effort pour démanteler une campagne de désinformation soutenue par Pékin qui diffamait les manifestants de Hong Kong. Une étude réalisée en mars par le site d’information ProPublica a également permis de remonter jusqu’au régime chinois, qui a mené une propagande coordonnée autour de la réponse de Pékin à l’épidémie de virus, pour plus de 10 000 comptes Twitter suspendus, faux ou détournés.
Dans un rapport de mars 2019 intitulé China’s Pursuit of A New World Media Order (la quête de la Chine de créer un média du nouvel ordre mondial), l’organisation internationale à but non lucratif Reporters sans frontières a déclaré que le régime chinois consacrait jusqu’à 10 milliards ¥ (1,15 milliard €) par an à la promotion de son image dans le monde.
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