Depuis des années, les poissons se nourrissent de petits morceaux de plastique dans l’océan, les confondant avec de la nourriture.
Ces « micro-plastiques », parfois plus fin que des cheveux, se retrouvent aujourd’hui dans 85 à 90 % de certains espèces de poissons, quoiqu’en faibles quantités, explique Richard Thompson, professeur de biologie marine à l’université de Plymouth, au Royaume-Uni.
Nous mangeons ensuite ces poissons.
Le professeur Thompson, qui a étudié les effets des déchets plastiques dans l’océan depuis plus de vingt années, rappelle que les dommages des micro-plastiques sur l’homme sont encore inconnus.
En 2014, des chercheurs ont acheté des douzaines de poissons sur des marchés en Californie et en Indonésie.
Un sur dix des poissons achetés en Californie contenait des traces de plastique ; un sur quatre en Indonésie.
Une étude datant du mois dernier a conclue que d’ici à 2050, il y aurait plus de plastique que de poissons dans les océans.
Les scientifiques effectuent des recherches sur les effets néfastes des composants chimiques contenus dans les plastiques, notamment lorsqu’ils se désagrègent. On sait que les métaux lourds peuvent provoquer des problèmes rénaux, pulmonaires ainsi que d’ordre cérébral ; le bisphénol A est lié lui aussi à des pathologies cérébrales, ainsi qu’à des troubles du développement comportemental chez l’enfant ; les phtalates quant à eux, sont connus pour entraver le développement des caractéristiques mâles chez les garçons.
Les scientifiques ont également constaté que les micro-plastiques agissent comme des éponges et absorbent d’autres composants chimiques déjà présents dans l’eau, tel que le DDT (dichlorodiphenyltrichloroethane), un pesticide causant des troubles du système reproducteur, interdit aux États-Unis depuis 40 ans mais toujours usité dans certains pays, tels que la Chine.
L’étendue des dégâts que ces agents chimiques sont susceptibles de causer sur les écosystèmes et les populations sont inconnus.
Il y a beaucoup de types de plastiques différents, de toutes les tailles, avec un panel d’additifs variés et des polluants de toutes sortes.
« C’est quelque chose de quelque peu complexe à démêler », dit Richard Thompson.
De plus, les expériences scientifiques visant à mesurer les effets d’un facteur donné nécessitent que l’on compare les résultats avec un groupe témoin. Dans le cas présent, il est de plus en plus difficile de trouver un groupe suffisamment grand pour être significatif, de personnes qui n’aient pas déjà été exposées à une pollution au plastique.
Richard Thompson pense que les gens ne devraient pas attendre de preuves scientifiques pour pendre en considération les dangers de cette pollution pour la santé publique.
L’environnement actuel est composé de tellement d’autres facteurs auxquels les gens sont exposés, « qu’isoler les effets uniquement dus au plastique, sans parler des micro-plastiques, va s’avérer pour ainsi dire impossible », explique-t-il.
L’une des personnalités faisant autorité dans le domaine des polluants chimique est Rolf Halden, professeur à l’université de l’Arizona (ASU) et directeur du Centre pour la sécurité de l’environnement du Biodesign Institute.
Rolf Halden effectue des recherches pour savoir où exactement se retrouvent les agents chimiques en lien à la pollution plastique.
L’étude a encore un long chemin à parcourir mais elle permet déjà de donner un aperçu de l’étendue du problème, explique Charles Rolsky, chercheur à l’ASU et membre de l’équipe du professeur Halden.
Charles Rolsky pense que l’impact déjà constaté sur les animaux et les écosystèmes pourrait permettre d’évaluer l’impact possible sur les hommes. « Nous n’avons pas encore établi de véritable connexion entre eux et nous, mais nous regardons cela à une petite échelle », dit-il.
Et parce que le plastique est partout, la moindre preuve de nocivité pourrait se traduire par un problème de grande ampleur.
« L’inconnu dans ce domaine est vraiment, vraiment terrifiant », s’inquiète Charles Rosky.
En 2013, des scientifiques ont nourri des poissons médaka (Oryzias latipes) avec une alimentation contenant des micro-plastiques, récupérés dans l’environnement marin. Certain poissons ont développé des lésions et des symptômes de troubles hépatiques.
Mais une conséquence ressortait nettement – les poissons mourraient de faim. Le plasique dans leur estomac leur donnait une sensation de satiété, qui conduit à une sous-alimentation.
Cela pourrait affecter la reproduction de certaines espèces. C’est en tout cas ce que l’on constate sur les tortues de mer, explique Wallace J. Nichols, docteur en biologie marine, spécialisé sur les tortues de mer depuis 25 ans. Lorsqu’elles avalent du plastique, cela les conduit à se sous-alimenter, ce qui entraîne chez elles une baisse voire un arrêt complet de la reproduction.
Quelle quantité de plastique ?
« La meilleure étude disponible actuellement » estime à plus de 165 millions de tonnes la quantité de plastique présente dans les océans, selon une publication du World Economic Forum en janvier.
Cela équivaut à 3 500 fois le poids du Titanic.
Les gens y ajoutent environ 9 millions de tonnes – quelques 190 Titanic – chaque année.
Selon le rapport, si l’on prend en compte que l’on s’attend à voir doubler l’utilisation de plastique dans les vingt prochaines années, il y aura une tonne de plastique pour chaque tonne de poisson dans les océans d’ici à 2050.
Selon une étude publiée dans le magazine scientifique Environmental Research Letters, entre 102 000 et 260 000 millions de tonnes de micro-plastiques flottaient dans les océans en 2014.
Les micro-plastiques se retrouvent sur les côtes de tous les continents peuplés, ainsi que dans les mers profondes et dans l’Arctique.
Les micro-plastiques peuvent être si fins qu’ils passent directement au travers des usines de traitement des eaux usées. Parce qu’ils peuvent absorber des produits chimiques, ils peuvent même empêcher les stations d’épuration de retirer les produits chimiques contenus dans l’eau.
Pire encore, les stations d’épuration utilisent elles-mêmes des produits chimiques, tels que le chlore, pour nettoyer l’eau.
Les micro-plastiques peuvent absorber ces agents chimiques et les transporter hors des stations d’épuration.
Au fond d’un gouffre
Une étude du World Economic Forum propose que la recherche de solutions se concentre sur les emballages plastiques – qui représentent plus du quart de la production plastique totale et la principale part de pollution. La plupart sont à usage unique.
Néanmoins, le rapport reconnaît des défis colossaux.
Les auteurs de la recherche sont d’avis que nous devrions réutiliser le plastique au point qu’il « ne devienne jamais un déchet ». Ils reconnaissent cependant que ce n’est pas faisable par les moyens technologiques actuels.
L’étude admet qu’il est peu probable que les consommateurs réduisent de façon drastique l’utilisation d’emballages plastiques mais suggère que l’on devrait quand même essayer. Chacun pourrait par exemple apporter son propre sac pour faire les courses ou son propre mug pour le café à emporter du matin.
Cependant, reposer cette charge de responsabilité sur les consommateurs plutôt que sur les fabricants revient à placer l’ambulance au pied de la falaise. Le manque de preuve directe que les plastiques nuisent aux hommes peut rendre difficile la mise en place de réglementations.
Une partie du problème de la pollution découle du manque d’infrastructures capables de gérer les déchets plastiques. Environ un tiers des emballages plastiques produits ne se retrouvent ni incinérés, ni recyclés ni ne vont dans les décharges. Ces emballages passent directement entre les mailles du système et finissent dans les océans, les sols et les cours d’eau.
« Même en imaginant le meilleur scénario d’amélioration des infrastructures, on arriverait à stabiliser la proportion de ratés mais pas à les éviter totalement», concluent les auteurs de l’étude.
Le rapport fait part également de scepticisme sur les plastiques biodégradables, mettant en évidence qu’ils ne se rapprochent que très rarement de l’objectif zéro déchet, car ils ne « sont compostables que dans des conditions contrôlées ».
Enrayer le problème demanderait une coopération globale entre les industriels, les gouvernements, les législateurs et les ONG, expliquent les auteurs de la recherche.
Pour le moment, il n’y a aucun signe laissant présager cela.
Les États-Unis ont adopté l’année dernière une loi bannissant les micro-billes contenues dans les cosmétiques « rinçables », telles que dans certains exfoliants. Mais cela ne touche qu’une toute petite partie de la pollution plastique, du moins si l’on se base sur l’évaluation de Thompson sur l’utilisation des micro-billes au Royaume-Uni.
L’Ocean Cleanup
En 2012, Boyan Slat, 18 ans, a posé une question très perspicace : pourquoi pêcher activement les déchets plastiques dans l’océan quand l’océan pourrait les faire venir à nous ?
Dans un discours qui a fait le tour du monde sur le plateau de TEDx, Boyan Slat a présenté un concept de barrière passive, qui récupérerait les débris plastiques en flottant à la surface des océans.
Le jeune entrepreneur a créé la fondation The Ocean Cleanup (Le nettoyage des océans) en 2013. En juin dernier, il a déployé le prototype de son invention, long de 100 mètres, dans la mer du Nord à 20 kilomètres des côtes néerlandaises.
Le projet final, une barrière flottante de près de 100 kilomètres de long, devrait être déployé en 2020. La fondation estime que le dispositif devrait aider à extraire environ 80 000 tonnes de déchets plastiques sur 10 ans ; c’est-à-dire environ 8 000 tonnes par an.
En comparaison, il a fallu 800 000 volontaires l’année dernière pour retirer 9 000 tonnes de détritus sur les plages et dans les cours d’eau aux quatre coins du monde, selon le rapport de la Conservation des océans.
Le type de déchet le plus courant est le plastique.
L’invention de B. Slat est le moyen le plus efficace de contrer la pollution plastique, selon un média représentant du projet.
Mais il reste une sacrée pilule à avaler : le projet est estimé à 315 millions d’euros sur les 10 ans de l’opération – soit environ 4 000 euros par tonnes de plastique.
Cela signifie qu’il coûterait environ 36 millions d’euros par an pour extraire les 9 millions de tonnes de plastique que nous déversons dans les océans chaque année.
Cela sans compter l’augmentation de la production de plastique, ni les 165 millions de tonnes déjà dans les océans. Cela ajouterait à l’ardoise 670 millions d’euros pour tout nettoyer.
Cela présume aussi que l’Ocean Cleanup puisse capturer tout ce plastique – ce qu’il ne peut pas.
L’étude de faisabilité met en évidence que la barrière laisse passer environ 20 % de la pollution, cela en partie dû au fait qu’elle atteint une profondeur de seulement trois mètres.
De plus, elle ne peut pas contenir les particules de moins de deux centimètres, ce qui signifie qu’elle ne peut pas nettoyer les micro-plastiques.
Elle peut néanmoins accrocher les morceaux plus gros avant qu’ils ne se désagrègent en micro-plastiques.
Cependant en 2014, il y avait déjà entre 102 000 et 260 000 tonnes de micro-plastiques dans les océans. Combien il y en aura-t-il en plus d’ici à ce que le projet soit lancé ?
Sans parler que le projet n’a pas de réel plan de financement après 2020, encore moins un engagement pour quelque milliard d’euros de la part des gouvernements ou de corporations.
Boyan Slat a comparé le problème du plastique à celui d’une bombe à retardement. Une question demeure, quand explosera-t-elle ? Ou bien l’a-t-elle déjà fait ?
Version anglaise : How the Tiny Pieces of Plastic in Our Oceans Are ‘Terrifying’ for Humans
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