Plus d’un siècle après leur création, le succès des grands magasins parisiens

10 avril 2015 02:21 Mis à jour: 24 octobre 2015 22:44

Les français et les grands magasins, c’est une histoire qui dure depuis la seconde moitié du XIXe siècle. À l’époque, l’apparition du Printemps sur le boulevard Haussmann suscitait l’engouement de la société parisienne et laissait présager la société de consommation qui serait celle du XXe siècle. Émile Zola, dans Au Bonheur des Dames, prédisait avec une justesse étonnante l’avènement de ces grands magasins qui prendraient le pas sur les petits commerces, à grands coups de réclames et de prix cassés – inaugurant par là même les premières stratégies marketing.

Quelque cent cinquante années plus tard, la Samaritaine, le Printemps, les Galeries Lafayette affichent toujours le même succès notamment à l’étranger, où des succursales fleurissent ici et là. Mais si ces grands magasins ont su trouver et conserver leur place, cela n’a pas été sans difficulté. Pour l’observateur aguerri, leur histoire offre la perspective d’un siècle et demi de développement économique et industriel, miné par des crises économiques, guerres et transformations sociales.

La société se transforme, les grands magasins suivent   

Suivant leur création et jusqu’à la Première Guerre mondiale, les grands magasins, propulsés sur le piédestal parisien, connaissent un âge d’or. Durant l’entre-deux-guerres et la crise de 1929, la situation se complique. Les frais qu’engendre l’emploi d’une petite armée de vendeurs, l’entretien des étalages et le maintien de la structure s’accommodent difficilement au ralentissement économique de l’époque.

Les mutations de la société de l’après-guerre voient émerger une nouvelle France, en proie à l’inflation dès les années 70. Alors que l’usage des voitures se démocratise, et à l’heure où les hypermarchés s’installent en banlieues, les galeries parisiennes cherchent à nouveau leur place. Certaines s’installent dans les centres commerciaux de banlieues; mais ces derniers restent destinés aux clients achetant à un coût moindre, ce qui ne convient pas forcément au haut de gamme pratiqué par ces grandes enseignes.

Puis viennent les années 80; les grands magasins parisiens se tournent vers le marché du haut de gamme et du luxe à prix abordables, travaillent leur renommée internationale et connaissent un franc succès. D’après Philippe Verheyde, maître de conférences en histoire contemporaine à Paris 8, leur succès repose sur «le prestige que le patrimoine représente, […] et d’un autre côté, sur la dimension culturelle».

Nouvelles implantations sur le sol parisien

Selon l’expression consacrée par la SNCF, partenaire des deux enseignes du Printemps et des Galeries Lafayette, celles-ci sont devenues les «temples du shopping» et des «évènements touristiques» incontournables aux visiteurs de la capitale.

Les chiffrent le confirment : pour les Galeries Lafayette, en 2008, 40% du chiffre d’affaires généré provient du tourisme, contre 20% pour le Printemps. En 2010, le chiffre grimpait à 50% et à 20% respectivement pour les deux enseignes (chiffres ABC Luxe.com).

En matière d’implantation, les Galeries Lafayette affichent de l’optimisme: en 2018, Virgin Megastore cèdera sa place avenue des Champs-Elysées au grand magasin qui pourra attirer les 100 millions de promeneurs qui défilent chaque année sur la grande avenue.

De son côté, Printemps a inauguré au Louvre un très luxueux «petit grand magasin» suivi par une autre adresse aux Terrasses du Port à Marseille. L’enseigne parisienne fête depuis le 20 mars et jusqu’à la fin de l’année ses 150 ans. Le magasin a d’ailleurs prévu les choses en grand: luminaires roses couvrant la façade, compositions florales à tous les étages, évènementiels supportés par de la communication marketing.

Une symphonie de lumière et de couleurs tape à l’œil qui semblerait familière à l’auteur du Bonheur des Dames, s’il se promenait aujourd’hui sur le boulevard Haussmann. Dans le fond, peu de choses ont changé depuis un siècle et demi. Dans la forme, les articles ne sont évidemment plus les mêmes. À la «mer montante de jupons dans laquelle les jambes se noyaient» décrite par Zola s’amoncellent aujourd’hui sacs à main, chaussures, parfums et cosmétiques, visant une clientèle internationale en quête du luxe et de l’élégance parisienne.

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