Les experts mondiaux sur la conservation marine de l’Antarctique viennent d’établir une aire marine protégée (AMP) en mer de Ross en Antarctique. Cette nouvelle AMP entrera en vigueur au mois de décembre 2017. Il aura fallu 25 années de discussion pour en arriver là.
Cette décision a été prise, fin octobre 2016, lors d’une réunion de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) à Hobart sur l’île de Tasmanie. Les 25 pays membres se sont tous accordés sur une proposition conjointe des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande visant à établir une aire de 1,55 million de km² en mer de Ross avec une protection spéciale contre les activités anthropiques.
La volonté de protéger les océans
Des pays s’engagent pour protéger leurs eaux territoriales en cette année 2016. Ainsi, la décision du Président Obama d’étendre la réserve marine de Papahanaumokuakea, qui faisait d’elle, jusqu’à maintenant, la plus grande réserve marine du monde. Quelques jours avant de prendre cette décision, Barack Obama avait également créé le premier monument marin national dans l’Atlantique, préservant ainsi la biodiversité qui abrite les canyons et les monts sous-marins de cette zone.
Le Chili a aussi créé un immense parc marin autour de l’île de Pâques. Par ailleurs, le Royaume-Uni a lancé un programme visant à étendre sa zone marine protégée sur 4 millions de km².
Mais aussi grands que puissent être ces sanctuaires marins, l’océan est encore très vaste. Il nous reste un long chemin à parcourir avant d’obtenir 30% de réserves marines en 2030. Selon Greenpeace, « cela ne nous empêche pas de vouloir aller plus loin en nous fixant un objectif de 40% des océans sanctuarisés ».
Une zone protégée
1,12 million de km² sera interdit à la pêche, selon le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères Murray McCully. Lors de sa mise officielle en fonction, certaines activités seront limitées, ou totalement interdites, afin de satisfaire aux objectifs spécifiques de conservation, de protection des habitats, de suivi de l’écosystème et de gestion des pêcheries. 72% de l’AMP sera une zone sans capture, dans laquelle toute activité de pêche sera interdite, alors que dans d’autres parties, la pêche au poisson et au krill sera autorisée, mais uniquement à des fins de recherche scientifique.
Le secrétaire exécutif de la CCAMLR, Andrew Wright, est ravi de cette réalisation et reconnaît que cette décision n’a pas été prise du jour au lendemain. « Des négociations d’une incroyable complexité se sont poursuivies pendant six réunions annuelles et ateliers d’intersession de la CCAMLR, dans lesquelles de nombreux pays membres ont placé leurs espoirs et préoccupations. Il reste encore plusieurs détails à régler à l’égard de l’AMP mais l’établissement de la zone protégée n’est pas remis en cause et nous sommes particulièrement fiers d’en être arrivés là », a-t-il déclaré.
Plus de 25 ans de négociations
La décision prise cette année d’établir une AMP dans la mer de Ross fait suite à la création par la CCAMLR, en 2009, de la première AMP en haute mer, l’AMP du plateau sud des îles Orcades du Sud, une région couvrant 94 000 km² dans l’Atlantique Sud.
Une réflexion et une maturation, en effet, dès 2011, le Comité scientifique était satisfait de la base scientifique des propositions relatives à la région de la mer de Ross avancées par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Il avait invité la Commission à examiner les propositions et l’avait conseillée sur la manière de les faire progresser.
Puis, chaque année de 2012 à 2015, la proposition s’est développée tant en ce qui concerne les données scientifiques fondamentales que les détails concrets, tels que la position exacte des limites de l’AMP. Tous les détails de la mise en œuvre de l’AMP seront négociés par l’élaboration d’un plan spécifique de suivi et d’évaluation. Les délégations de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis faciliteront ce processus.
« Cette décision représente un niveau de coopération internationale pratiquement sans précédent autour d’un vaste écosystème marin composé d’habitats benthiques et pélagiques importants », ajoute M. Wright. « Force est de constater que le jeu en valait la chandelle, car tous les membres reconnaissent désormais que cette décision était la bonne et ils s’efforceront ensemble de mettre en œuvre cette AMP avec succès », dit-il.
Des objectifs de protection
Les AMP ont pour objectifs de protéger les espèces marines, la biodiversité, les habitats, les secteurs d’alimentation et les nurseries, ainsi que de préserver les sites historiques et culturels. Elles peuvent aider les stocks de poisson à se reconstituer, favoriser les processus écosystémiques, faciliter le suivi des changements de l’écosystème et préserver la diversité biologique.
Les zones fermées à la pêche, ou dans lesquelles les activités de pêche sont limitées, peuvent être utilisées par des scientifiques à titre de comparaison avec des zones ouvertes à la pêche. Les scientifiques peuvent alors étudier les impacts relatifs de la pêche et d’autres changements, tels que ceux résultant du changement climatique. Cela peut nous aider à mieux comprendre les diverses variables affectant l’état de santé général du milieu marin.
Une victoire pour Greenpeace
Depuis des années, Greenpeace mène une campagne pour la protection de la mer de Ross au sein de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique, l’organe international gardien des eaux de l’Antarctique. Sans relâche, aux côtés de l’Alliance pour l’océan Antarctique (AOA) et de milliers de citoyens du monde entier, nous avons interpellé les gouvernements, leur demandant d’agir pour protéger la mer de Ross. Année après année, nous nous sommes heurtés à des murs, mais cette année aura été la bonne.
Pour obtenir cet accord, il aura tout de même fallu inclure une clause temporelle de 35 ans. Cela signifie que dans 35 ans, les membres de la CCAMLR devront rediscuter de son sort. Pour être vraiment efficace, la protection marine doit s’inscrire dans le long terme. Nous devrons donc profiter de toutes ces années pour faire en sorte qu’à l’échéance, personne ne s’oppose à faire de la mer de Ross un sanctuaire permanent. A priori, en 2051, la décision devrait être assez facile à prendre.
Les scientifiques sont clairs : les sanctuaires marins sont vitaux pour protéger la biodiversité, reconstituer les stocks de poissons, augmenter la résilience face aux changements climatiques. Mais pour obtenir des victoires comme celle de la mer de Ross, il faut plus que des études scientifiques. Sans les citoyens, sans leur mobilisation, les plus grands spécialistes de la question ne feront jamais le poids face à l’appétit des lobbies de la pêche industrielle.
La mer de Ross
La mer de Ross occupe 2% de l’océan Austral et abrite 38% de la population mondiale de manchots Adélie, 30% des pétrels et 6% des baleines de l’espèce petit rorqual. L’Antarctique abrite des écosystèmes exceptionnels, riches de plus de 10.000 espèces uniques, en bonne partie préservés des activités humaines mais menacés par le développement de la pêche et de la navigation.
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