L’observation des portails historiques, qu’ils se trouvent encore sur leur site d’origine ou dans un musée, peut être une source de transport à bien des égards. Si l’on se trouve sur place, on peut marcher physiquement à travers leur structure, marchant dans les pas des nombreuses personnes qui nous ont précédés ; dans un musée, leur présence imposante aide à évoquer l’environnement d’origine pour créer une expérience immersive.
Les portails sont de grandes et impressionnantes entrées ou portes d’un bâtiment. Lorsqu’ils ont été créés pour des structures ecclésiastiques médiévales françaises, ils étaient richement décorés. Les deux principaux styles architecturaux de cette période étaient le roman, avec ses arcs en plein cintre, et le gothique, avec ses arcs en ogive caractéristiques.
Les façades des portails sont composées d’un certain nombre d’éléments. Le tympan, l’espace délimité par le linteau – le support horizontal en haut de la porte – et l’arc, en est un élément important. Ces éléments étaient souvent sculptés de scènes religieuses importantes. L’art du portail fait de ces objets des œuvres d’art monumentales à part entière.
Abbaye de Moutiers-Saint-Jean
La porte de Moutiers-Saint-Jean, exposée au Met Cloisters de New York, se trouvait à l’origine dans l’un des monastères bourguignons les plus anciens et les plus distingués. Située près de la ville de Dijon, l’abbaye de Moutiers-Saint-Jean a été fondée au Ve siècle. Selon la tradition, le roi mérovingien Clovis Ier, premier roi chrétien de France, et son fils Clotaire fondèrent l’abbaye et donnèrent aux moines une charte stipulant qu’elle était exemptée à perpétuité de la juridiction royale et ecclésiastique.
L’histoire complète de l’abbaye n’est que partiellement connue. Ses archives ont été brûlées et détruites au cours de siècles de sièges multiples, comme c’est typiquement le cas pour de nombreux monastères à travers la France. L’abbaye a prospéré au Moyen Âge et un programme de rénovation a commencé dans les années 1100 et s’est poursuivi au siècle suivant. Le portail en pierre calcaire a été construit vers 1250. Selon Peter Barnet et Nancy Wu dans leur livre The Cloisters : Medieval Art and Architecture (Les Cloîtres : art et architecture médiévaux), cette porte était probablement le portail du transept sud qui menait du cloître monastique à l’église de l’abbaye. Il est considéré comme l’un des plus beaux exemples de portail gothique visible aux États-Unis.
Les représentations du couronnement de la Vierge étaient un motif populaire du XIIIe siècle dans les tympans français. Celui-ci montre le Christ tenant sur ses genoux un disque orbital tripartite tandis qu’il couronne la Vierge en tant que Reine du Ciel. La scène est encadrée par un trèfle composé de feuilles de vigne miniatures et de grappes de raisin, qui symbolisent le statut de la Bourgogne en tant que région viticole, ainsi que l’Eucharistie. Au-dessus du trèfle se trouve un arc brisé rempli d’anges agenouillés. Il est probable que les anges aient perdu leur tête pendant les guerres de religion, car à cette époque, les iconoclastes s’attaquaient aux sculptures perçues comme des symboles d’idolâtrie.
À l’époque de la construction de ce portail, l’ensemble de la structure devait être richement peint de couleurs vives, mais il ne reste aujourd’hui que des traces de pigment bleu-vert sur le tympan. Les figures de la niche représentent des ancêtres du Christ, dont Moïse. Les deux grandes statues de rois sont réalisées dans un style naturaliste et l’on pense qu’elles pourraient représenter les rois Clovis et Clotaire tenant la fameuse charte.
Pendant la Révolution française, les trésors du monastère ont été dispersés. Les statues des rois ont été retirées de leurs montants et probablement séparées de leurs têtes à ce moment-là. Il était courant pendant la Révolution que les statues, en particulier celles des rois, soient décapitées par analogie avec les effets de la guillotine. En 1797, la majeure partie de ce qui restait de la structure de l’abbaye a été vendue à des particuliers et les terres ont été transformées en ferme. Cette porte est restée dans la ferme et a été incorporée dans une grange. Dans les années 1920, le portail est passé entre les mains de deux marchands d’art et il existe une photographie montrant le portail à cette époque sans les deux rois.
Le portail a été acheté en 1932 par le Metropolitan Museum of Art de New York. Environ un an après l’ouverture du Met Cloisters de New York, le conservateur James Rorimer trouva chez un marchand les deux statues de roi. Elles étaient identifiables d’après des dessins historiques de l’abbaye et leurs éléments avaient été réassemblés depuis le XVIIIe siècle. Ces statues ont été achetées par le musée et réunies avec leur portail, comme elles le sont encore aujourd’hui.
Cathédrale Saint-Lazare
La cathédrale Saint-Lazare d’Autun, en France, se trouve à 240 km au sud-est de Paris. Elle a été construite entre 1120 et 1146 dans la Bourgogne. Elle était destinée à abriter les reliques de saint Lazare et à servir de lieu de pèlerinage. L’immense tympan du portail ouest en calcaire, qui constitue l’entrée principale de la cathédrale, présente une image sculptée du « Jugement dernier ». Les représentations de ce récit saisissant, tel qu’il est raconté dans l’Évangile de Matthieu, étaient des motifs populaires des tympans médiévaux.
On pense que ce portail, ainsi que soixante chapiteaux et d’autres portes intérieures, ont été créés par le sculpteur Gislebert entre 1125 et 1135, le tympan ouest ayant nécessité à lui seul quatre à cinq ans de travail. Cette cathédrale est considérée par les spécialistes comme la plus grande réalisation décorative romane réalisée par un seul homme, mais la vie et l’œuvre de Gislebert restent pour l’essentiel un mystère.
Le tympan du portail ouest de Gislebert représente une scène effrayante de jugement et de damnation. Il s’agit d’une image imaginative réputée pour son habileté technique. L’historien d’art britannique Kenneth Clark, maintenant décédé, a considéré ce portail comme un élément essentiel de l’histoire de l’Europe et de l’humanité.
Il a accordé une attention particulière à la rangée représentant les damnés en train d’être jugés : « Ils forment un crescendo de désespoir. Ils sont réduits à l’essentiel d’une manière qui les rapproche de l’art de notre époque … [avec] des mains gigantesques qui soulèvent la tête d’un pécheur comme s’il s’agissait d’un débris sur un chantier. » Il loue les talents de conteur de Gislebert et sa remarquable capacité à orner une cathédrale entière.
La sculpture sur pierre est un travail incroyablement laborieux et, au Moyen Âge, un atelier était généralement engagé pour un projet d’une telle envergure. La plupart des noms de ces artistes ont été perdus dans l’histoire. Toutefois, dans le cas de la cathédrale Saint-Lazare, sous le Christ du tympan figure l’inscription « Gislebertus hoc fecit », qui se traduit par « Gislebert a fait ceci ».
Le Christ sculpté incarne la compassion par ses paumes et ses genoux tendus. L’ensemble de la scène est composé avec soin, sans que les figures soient enchevêtrées ou surchargées, comme c’était le cas à l’époque. Cette prise en compte des espaces permet aux ombres de jouer sur la scène. Gislebert était également passé maître dans l’art de représenter les draperies. Chaque vêtement, dans ses plis, est moulé sur le corps des personnages. À certains endroits, on a l’illusion que le vent gonfle le tissu.
En 1776, l’imagerie du tympan de ce portail n’avait plus la faveur de l’Église. Il a été recouvert de plâtre et, comme la tête du Christ gênait l’obtention d’une surface lisse, elle a été cassée. Fortuitement, ce camouflage a probablement sauvé le tympan de la profanation pendant la Révolution française. Dans les années 1830, un abbé, poussé par l’examen d’un document historique, a examiné la finition en plâtre pour voir si des œuvres d’art étaient dissimulées en dessous. Il trouva les sculptures et les restaura. Par chance, la tête du Christ a été découverte plus tard dans un musée voisin et rétablie en 1948.
Cathédrale Notre-Dame de Paris
La cathédrale Notre-Dame de Paris est l’un des monuments les plus emblématiques de la ville dont elle porte le nom ; c’est même l’un des édifices les plus célèbres du monde. Elle est située sur l’île de la Cité, une île de la Seine. Au début du Moyen Âge, la ville de Paris s’est formée autour de cet emplacement central à l’instigation du roi Clovis, qui en a fait sa capitale. Au XIIe siècle, l’évêque de Paris décida d’ériger une nouvelle cathédrale sur l’île de la Cité pour remplacer une église paléochrétienne historique qui se détériorait sur le même site. La construction débute à l’époque où le nouveau style gothique se répand dans le pays.
La façade ouest de Notre-Dame, principale entrée de la cathédrale, est percée de trois magnifiques portails. Le portail de la Vierge se trouve à gauche et le portail Sainte-Anne à droite. Le premier représente la mort de Marie, son ascension au Ciel et son couronnement en tant que Reine du royaume. Le portail Sainte-Anne a été installé vers 1200, ce qui en fait le plus ancien des trois. Il présente des pièces sculptées de style roman qui ont été récupérées d’une cathédrale plus ancienne. Le portail Sainte-Anne est sculpté de scènes de l’enfance du Christ. L’image centrale de ce tympan montre la Vierge à l’Enfant accompagnée du roi de France et de l’évêque de Paris, rappelant avec force aux fidèles le lien entre leur royauté et l’Église.
Le troisième portail, de style gothique, est la porte centrale. Il a été le dernier installé et illustre le « Jugement dernier ». Le linteau inférieur est sculpté de morts sortant de leurs tombes tandis que des anges sonnent de la trompette. La partie supérieure montre l’archange Michel pesant les âmes tandis que les démons tentent d’influencer la balance : les sauvés sont envoyés au Paradis tandis que les damnés sont entraînés en Enfer. Sur le tympan, le Christ est assis dans la gloire avec des anges debout, tandis que Marie et saint Jean sont agenouillés. Les sculptures des 12 apôtres de part et d’autre des portes sont des reproductions des originaux, qui ont été détruits pendant la Révolution française.
La cathédrale a continué à faire face à des menaces, dont l’incendie en avril 2019, qui s’est déclaré sous l’avant-toit du toit. Heureusement, la structure principale, y compris les rosaces, les clochers des portails et les portails eux-mêmes ont été sauvés. Cependant, la flèche de la cathédrale, la majeure partie du toit et les murs supérieurs ont été gravement endommagés. Les travaux de reconstruction se sont poursuivis et la réouverture de la cathédrale restaurée a été célébrée les 7 et 8 décembre 2024.
En tant que structures extérieures, les portails n’ont pas été construits dans le but d’être le centre de la prière et de la dévotion pendant les offices. Cependant, ils étaient soigneusement planifiés et conçus avec beaucoup d’art pour avoir une influence morale. L’histoire et l’actualité démontrent que ces importants monuments de pierre ont une fragilité qui nécessite préservation et protection.
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