Pour l’écrivain Leonardo Padura, le « cri » du peuple cubain doit être entendu

Par Epoch Times avec AFP
17 juillet 2021 07:00 Mis à jour: 17 juillet 2021 07:05

Les manifestations historiques survenues à Cuba le 11 juillet sont « un cri de désespoir » auquel les autorités doivent donner « une réponse non seulement matérielle mais aussi politique », estime l’écrivain Leonardo Padura, dans un entretien exclusif avec l’AFP.

« On ne peut pas voir ce qui s’est passé uniquement comme une manifestation due aux pénuries, à la crise économique, à la fatigue de tant de mois de confinement », déclare le roi du polar cubain et l’un des écrivains contemporains d’Amérique latine les plus publiés.

L’écrivain de 65 ans, dont les intrigues policières servent généralement de prétexte pour raconter la réalité cubaine, n’avait pas encore réagi publiquement à ces mobilisations, inédites depuis la révolution de 1959. Vendredi, il a publié un texte intitulé « Un cri ».

« Désespoir d’une société »

Ces manifestations représentent « un cri qui est aussi le résultat du désespoir d’une société qui traverse non seulement une longue crise économique et une crise sanitaire ponctuelle, mais aussi une crise de confiance et une désillusion », y écrit-il notamment.

Parmi les slogans les plus entendus lors de ces rassemblements: « Nous avons faim », « Liberté » et « A bas la dictature ».

Pour Leonardo Padura, « ce qui s’est passé à Cuba ces derniers jours, surtout le 11 juillet, a beaucoup de causes, a commencé à avoir des conséquences et en aura beaucoup, je crois ».

« Grand manque de communication »

Et le simple fait que ces manifestations aient eu lieu « prouve qu’il y a un grand manque de communication entre les sphères du pouvoir et la réalité quotidienne des gens », car « dans un pays comme Cuba où tout se sait, qu’un phénomène comme ça ait pu se produire, de façon tellement surprenante, c’est vraiment étrange ».

Sous l’effet de la pire crise économique en 30 ans, les Cubains doivent patienter des heures chaque jour pour acheter aliments et médicaments.

Dans son quartier de Mantilla, à La Havane, l’auteur raconte que « le jour où arrivent les médicaments à la pharmacie, il y a une queue sur presque deux pâtés de maison et beaucoup n’arrivent pas à avoir les traitements dont ils ont besoin pour des maladies chroniques, comme le diabète ».

Quant aux coupures d’électricité, devenues quotidiennes, « cela m’a obligé à changer ma façon de travailler, en passant de mon ordinateur de bureau au portable, car le courant était tout le temps coupé et je ne savais pas si j’allais pouvoir récupérer ce que j’avais écrit ».

« L’option de l’exil qu’ont choisie beaucoup de personnes »

Dans ce contexte si difficile, « une des réactions les plus visibles et les plus dramatiques a été l’option de l’exil qu’ont choisie beaucoup de personnes, surtout les jeunes », se lamente l’auteur.

L’émigration, sujet douloureux à Cuba, est au centre de son nouveau livre « Poussière dans le vent » – qui sera publié en France le 19 août aux éditions Métailié -, le récit des destins entremêlés d’un groupe d’amis, « le clan », qui au fil des ans et des départs va s’éparpiller à travers le monde.

S’il souligne l’impact dévastateur de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962 et dénonce une « campagne médiatique » visant à manipuler l’information autour de Cuba, l’auteur note surtout que « les Cubains ont besoin de retrouver l’espoir et d’avoir une image possible de leur avenir ».

Mercredi, le gouvernement a fait une première concession, en facilitant temporairement l’entrée dans le pays d’aliments et médicaments.

Mais face à cette situation, « il faut qu’il y ait l’intelligence suffisante pour trouver une réponse non seulement matérielle mais aussi politique, idéologique et de bon sens », estime l’écrivain.

« La possibilité d’exprimer leur opinion »

Car « c’est un droit absolu des personnes d’avoir la possibilité d’exprimer leur opinion, même dans des moments critiques comme celui que nous vivons ».

Dans son texte, l’auteur critique aussi la réponse immédiate des autorités face aux mobilisations.

« Pour convaincre et calmer ces désespérés, la méthode ne peut être celle des solutions de force et d’obscurité, comme imposer une coupure d’internet », estime-t-il.

L’internet mobile a été rendu inaccessible sur l’île de dimanche midi à mercredi matin, suscitant les critiques de la communauté internationale. Il restait encore instable vendredi, l’accès aux réseaux sociaux ne pouvant se faire qu’à travers un VPN.

Et « la réponse de la violence est encore moins un argument convaincant, surtout contre des personnes non violentes », écrit-il au sujet de ces manifestations qui ont fait un mort, des dizaines de blessés et plus d’une centaine de détenus.

 

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