Pourquoi les États-Unis continuent de tuer des millions de volailles, quatre ans après l’apparition de la grippe aviaire

La stratégie de l'USDA visant éradiquer le virus a entraîné la perte d'au moins 166 millions de volailles depuis l'apparition du dernier foyer en février 2022

Par Austin Alonzo
19 mars 2025 11:14 Mis à jour: 19 mars 2025 11:14

Depuis quatre ans, les États-Unis luttent contre une épidémie quasi ininterrompue de grippe aviaire hautement pathogène.

Malgré les changements de direction des grandes agences agricoles et de santé publique du pays, le gouvernement américain poursuit sa stratégie d’abattage de millions de volailles afin de limiter la propagation de la grippe aviaire.

Selon un haut fonctionnaire s’étant entretenu avec Epoch Times, l’abattage se poursuit faute de meilleure option.

Le ministère américain de l’Agriculture (U.S. Department of Agriculture, USDA) qualifie la stratégie d’« abattage sélectif ».

La grippe aviaire a été détectée pour la première fois en Chine dans les années 1990 et s’est depuis propagée dans le monde entier par l’intermédiaire des oiseaux migrateurs.

En 2014, la grippe aviaire a, pour la première fois, frappé les États-Unis. À l’époque, le pays a réussi à stopper l’épidémie en moins d’un an par le déploiement d’une campagne d’abattage préventif.

Cette expérience a mené à l’élaboration, en 2017, d’un plan officiel de lutte contre la grippe aviaire. Ce plan, toujours en vigueur, demeure la stratégie privilégiée et principale des États-Unis en la matière.

Lors de l’épidémie de 2014, 70 % des cas de grippe aviaire se sont propagés d’une ferme à l’autre, selon l’USDA.

Cette transmission peut survenir lorsqu’un travailleur ou un équipement contaminé passe d’une ferme à l’autre, infectant les autres volailles.

Carol Cardona, l’une des plus grandes spécialistes nationales en matière de grippe aviaire, a déclaré que l’industrie avicole américaine avait tiré les leçons de son expérience et a considérablement renforcé ses mesures de biosécurité afin de minimiser la propagation entre les exploitations.

Selon les données de l’USDA, le taux de transmission entre exploitations était tombé à seulement 15 % au début de l’année 2023.

Toutefois, selon Mme Cardona, professeur au Département des sciences vétérinaires et biomédicales à l’Université du Minnesota, le virus a muté depuis 2015. Il se propage maintenant entre les exploitations par le biais d’oiseaux sauvages ou possiblement par des mammifères domestiques ou sauvages infectés qui contaminent les poulaillers.

Selon elle, la maladie est en passe de devenir endémique, ou régulièrement récurrente, chez les oiseaux sauvages.

Les efforts déployés par l’USDA visant à éradiquer le virus ont entraîné la mort, par abattage et maladie, de plus de 166 millions d’oiseaux depuis l’apparition du dernier foyer en février 2022, selon les données publiées par l’USDA le 5 mars.

La grippe aviaire entraîne une crise dans l’industrie américaine de l’aviculture.

La diminution de l’offre d’œufs, causée par la mort d’un grand nombre de poules pondeuses et d’autres n’ayant pas atteint la maturité, a entraîné une hausse du prix des œufs, atteignant des sommets records.

Le représentant Raja Krishnamoorthi montre une affiche détaillant le coût des œufs lors d’une audition de la commission de surveillance et de réforme du gouvernement au Capitole des États-Unis le 5 mars 2025. (Kayla Bartkowski/Getty Images)

Le 28 février, un résumé de l’USDA a déterminé que le prix de gros moyen actuel d’une douzaine d’œufs est de 8,05 dollars (7,38 euros)

L’ampleur de l’abattage et son impact important sur l’offre d’œufs, sans baisse apparente des infections, suscitent des critiques à l’égard du plan d’abattage.

Le Dr Robert Malone, pionnier dans le domaine de la vaccination et connu pour son scepticisme à l’égard de l’approche des autorités sanitaires américaines face à la pandémie de Covid-19, a abondé dans le même sens que Mme Cardona à l’effet que la maladie devient endémique.

Il soutient que la stratégie actuelle d’abattage entraîne maintenant inutilement une hausse des coûts de ce produit de base, contribuant aux tensions politiques liées à l’inflation.

« L’abattage est un gaspillage de ressources », a déclaré M. Malone à Epoch Times. « Cela ne sert plus à rien. Lorsque quelque chose ne fonctionne pas de manière prolongée, il faut probablement réfléchir à une autre stratégie plus appropriée. »

Cas confirmés de grippe aviaire hautement pathogène détectée. Nombre d’oiseaux par État (ministère américain de l’Agriculture, Capture d’écran Epoch TImes)

Pourquoi l’abattage se poursuit

La hausse du prix des œufs, conjuguée au coût de la vie déjà élevé dans le pays, incite Washington à agir.

Le président Donald Trump a demandé à l’USDA de prendre les mesures requises pour faire baisser le prix des œufs le plus rapidement possible.

Lors d’un discours prononcé le 4 mars devant une session conjointe du Congrès, Donald Trump a rejeté la faute sur son prédécesseur, déclarant que « le président Joe Biden a laissé le prix des œufs devenir incontrôlable ».

Il a ajouté que la secrétaire à l’Agriculture, Brooke Rollins, avait « hérité d’un véritable gâchis de la part de l’administration précédente ».

Le 26 février, l’USDA a lancé une initiative d’un milliard de dollars afin de reconduire la plupart des politiques et activités que l’agence menait en matière de lutte contre la grippe aviaire précédant l’investiture de Donald Trump, en janvier.

La Maison-Blanche a tenté de stopper ou de limiter l’abattage.

Kevin Hassett, directeur du Conseil économique national, a déclaré, lors d’une interview diffusée le 16 février dans l’émission « Face The Nation » de la chaîne CBS, que l’USDA de Joe Biden « tuait au hasard les volailles dans un périmètre où il y avait une volaille malade ».

Il a plaidé pour la recherche d’alternatives à l’abattage.

M. Malone a suggéré que les éleveurs laissent la maladie suivre son cours dans les poulaillers et qu’ils sélectionnent ensuite les volailles survivantes qui ont développé une immunité.

Par ailleurs, selon M. Malone, l’industrie avicole devrait se pencher sur les races dites patrimoniales, qui ont démontré une résistance accrue à la grippe aviaire, et évaluer la possibilité de les élever dans le but de trouver une solution à long terme à ce fléau.

Des poules en vente au magasin Wabash Feed & Garden à Houston le 10 février 2025. Moises Avila/AFP via Getty Images

Un haut fonctionnaire de l’USDA a déclaré à Epoch Times que l’agence est ouverte à d’autres méthodes, mais qu’elle n’avait jusqu’à présent rien trouvé qui fonctionne.

Le fonctionnaire a déclaré que la grippe aviaire est une maladie extrêmement virulente chez les oiseaux. En 2012, le Collège américain des pathologistes vétérinaires a conclu que les sous-types H5 et H7 de la grippe aviaire « provoquent une maladie systémique grave chez les poules, avec un taux de mortalité approchant les 100 % ».

Le haut fonctionnaire de l’USDA a déclaré que peu de preuves existent quant à la capacité d’autres mesures que l’abattage à maintenir les volailles en vie.

Selon les informations de l’USDA, toutes les tentatives antérieures visant à isoler une partie saine d’un groupe d’oiseaux malades se sont soldées par l’infection et la mort des oiseaux sains, a affirmé le haut fonctionnaire.

En ce qui concerne le développement d’une immunité collective, le haut fonctionnaire a déclaré qu’il serait extrêmement risqué de tenter de créer une immunité naturelle sur le terrain.

L’absence de mesures de contrôle et de traitement d’une éclosion de grippe aviaire dans un poulailler commercial entraînerait un risque élevé de transmission à d’autres oiseaux, voire la mutation potentielle et la propagation à d’autres espèces animales, y compris à l’être humain.

Le fonctionnaire a déclaré que l’USDA encourageait les éleveurs à créer des souches plus résistantes dans un environnement contrôlé, tel qu’en laboratoire, où les animaux infectés peuvent être isolés et euthanasiés sans cruauté si la maladie se déclare.

Cette méthode, associée aux techniques d’édition génomique, pourrait être un moyen efficace de développer des gènes résistants à la grippe aviaire, a suggéré le fonctionnaire.

Tony Wesner, PDG de Rose Acre Farms, producteur avicole basé dans l’Indiana, s’est longuement exprimé devant la commission sénatoriale de l’agriculture, de la nutrition et de la sylviculture le 26 février. Il a présenté le point de vue de l’industrie avicole sur la crise en cours.

M. Wesner, qui a été convoqué devant la commission au nom du groupe national de producteurs avicoles United Egg Producers, a déclaré que le dépeuplement est « obligatoire » une fois qu’une ferme est infectée par la grippe aviaire.

Selon lui, il s’agit d’une disposition de la Loi sur la protection de la santé animale (Animal Health Protection Act).

Cette loi confère au secrétaire de l’USDA le pouvoir d’ordonner l’abattage des animaux malades et d’allouer une indemnisation équivalant à la « juste valeur marchande » à leurs propriétaires.

Les lignes directrices stipulent que l’USDA versera des indemnités aux « propriétaires d’animaux qui doivent être éliminés ».

Si les éleveurs n’abattent pas leurs oiseaux après la détection de la grippe aviaire, ils n’ont pas droit à une compensation financière de la part du gouvernement pour récupérer leurs pertes et les aider à redémarrer leurs activités.

Une microbiologiste analyse des échantillons de volaille prélevés dans une ferme située dans une zone de contrôle pour détecter la présence de la grippe aviaire, au Wisconsin Veterinary Diagnostic Laboratory de l’université du Wisconsin-Madison, à Madison (Wisconsin), le 24 mars 2022. (Scott Olson/Getty Images)

Dans son témoignage, M. Wesner a déclaré que les indemnités ne compensaient que partiellement « la perte de valeur que le gouvernement impose aux producteurs ».

Sans ces indemnités, de nombreuses exploitations agricoles cesseraient probablement leur production, a-t-il souligné.

Selon M. Wesner, depuis le début de l’épizootie actuelle jusqu’à la fin du mois de novembre 2024, les indemnités versées par le gouvernement fédéral ont atteint environ 1,25 milliard de dollars (1,15 milliard d’euros).

Enjeux à long terme

Le renforcement des mesures de biosécurité dans les exploitations agricoles constitue un élément clé du nouveau plan d’action de l’USDA visant à combattre la grippe aviaire.

L’agence a annoncé en février qu’elle consacrerait jusqu’à 500 millions de dollars à des « mesures de biosécurité de pointe » pour l’ensemble des éleveurs de volaille aux États-Unis.

Le meilleur moyen de lutter contre la propagation de la grippe aviaire étant d’empêcher son entrée dans les exploitations, la biosécurité demeure l’aspect le plus important de la lutte contre la maladie, selon le haut fonctionnaire de l’USDA.

L’étape suivante pourrait être le recours à un vaccin visant à contrôler la propagation de la maladie et limiter le nombre de morts chez les oiseaux.

Dans son témoignage, M. Wesner a déclaré que l’industrie des œufs souhaitait adopter une stratégie de vaccination « agressive » pour combattre la maladie.

Selon Mme Cardona, la vaccination sera probablement nécessaire lorsque la maladie deviendra endémique.

Toutefois, la décision de vacciner entraînerait probablement d’importants enjeux de commerce international et pourrait soulever des questions complexes en matière de santé publique.

La vaccination aurait de graves conséquences pour l’industrie de la viande de poulet, qui est beaucoup plus importante que celle des oeufs.

Selon Greg Tyler, PDG de l’USA Poultry & Egg Export Council, sur les 5,2 milliards d’euros que représentent les exportations de volailles, 2,75 milliards pourraient fermer leurs portes aux États-Unis par crainte que les produits de volaille provenant d’oiseaux vaccinés ne propagent involontairement la maladie.

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