Le candidat arrivé en troisième position à l’élection présidentielle au Nigeria, Peter Obi, favori de la jeunesse, a annoncé jeudi qu’il allait saisir la justice pour contester la victoire de Bola Tinubu, du parti au pouvoir. « Je veux aller au tribunal. Nous allons explorer toutes les options légales et pacifiques pour récupérer notre mandat. Nous avons gagné l’élection et nous le prouverons aux Nigérians », a affirmé M. Obi, du Parti travailliste (LP), lors d’une conférence de presse dans la capitale Abuja.
Près de 25 millions de Nigérians ont voté le 25 février lors d’un scrutin qui s’est globalement déroulé dans le calme, mais entaché par des retards dans le décompte des voix et d’importantes défaillances dans le transfert électronique des résultats. Ces incidents ont provoqué l’ire de nombreux électeurs et des principaux partis d’opposition qui dénoncent des « fraudes massives ».
Bola Ahmed Tinubu, 70 ans, a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 8,8 millions de voix, soit 36% des suffrages. Le taux de participation officiel est d’environ 27 % – encore plus bas que lors de la précédente élection, en 2019 (33%). Candidat du Congrès des progressistes (APC), l’ancien gouverneur de Lagos, la capitale économique, succèdera au président Muhammadu Buhari, 80 ans, qui doit se retirer en mai.
Les candidats disposent de 21 jours pour contester l’élection en justice
B. A. Tinubu a devancé l’ancien vice-président Atiku Abubakar (29%) du principal parti d’opposition (PDP), et Peter Obi, 61 ans, qui a remporté 25% des voix. L’émergence de cet outsider face aux deux principales formations politiques constitue une première dans l’histoire démocratique du Nigeria. « Cette élection restera comme l’une des plus controversées jamais organisées au Nigeria », a déclaré M. Obi. « Le peuple nigérian (…) a une nouvelle fois été volé par nos supposés dirigeants en qui il avait confiance », a-t-il ajouté.
Sa défaite a été vécue comme une terrible désillusion pour ses partisans. Cet ancien gouverneur, vu comme intègre, s’était imposé comme le candidat de la rupture face à la vieillissante élite nigériane, réputée corrompue. M. Abubakar n’a pour l’heure pas fait de commentaire officiel, lui qui a désormais échoué six fois à remporter la présidence.
Par le passé, les élections au Nigeria ont souvent été entachées par des allégations de fraude et des violences. Cette fois, certains électeurs et partis d’opposition affirment que les défaillances du système lors du téléchargement des résultats ont permis la manipulation des bulletins de vote et des disparités dans les résultats des comptages manuels dans les bureaux de vote. Les observateurs internationaux, notamment ceux de l’Union européenne, ont également relevé des problèmes logistiques majeurs, des électeurs privés de leurs droits et un manque de transparence. « Le processus ne peut être considéré comme ayant été crédible », a déclaré mercredi une coalition d’organisations de la société civile et d’observateurs.
Maintes fois accusé de corruption mais jamais condamné
Mercredi, le président élu Tinubu a appelé ses adversaires à « faire équipe ensemble ». « Nous devons travailler dans l’unité » pour « recoller les morceaux brisés », a-t-il insisté. Surnommé le « parrain », le « faiseur de roi » ou encore le « boss » pour son influence considérable, M. Tinubu a été maintes fois accusé de corruption au cours de sa carrière, sans jamais être condamné.
Le président sortant a quant à lui salué la victoire de M. Tinubu : « Élu par le peuple, il est la meilleure personne pour ce poste ». Et si M. Buhari a reconnu des « failles » dans le processus électoral, elles n’entament selon lui en rien la « régularité » du scrutin. De son côté, la commission électorale a fustigé des accusations « infondées et irresponsables » de l’opposition.
Après deux mandats de quatre ans, M. Buhari quitte le pouvoir avec un bilan désastreux marqué par l’explosion de la pauvreté et de l’insécurité. Le Nigeria, qui compte 216 millions d’habitants, est en proie à des violences généralisées des groupes jihadistes, séparatistes et criminels ainsi qu’à une grave crise économique.
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