Au procès des viols de Mazan, la cour criminelle de Vaucluse a autorisé vendredi, dans un spectaculaire revirement, la diffusion devant la presse et le public des vidéos et photos des faits, une décision très critiquée par de nombreux avocats de la défense. Dix vidéos et trois photos des viols commis sur Gisèle Pelicot ont ainsi été diffusés.
De nouvelles vidéos des faits devraient d’ailleurs être diffusées dès la reprise des débats en début d’après-midi, avait précisé Roger Arata, le président de la cour, en annonçant la décision collective prise avec ses quatre assesseurs après un débat de près de deux heures puis un délibéré de 90 minutes.
« Strictement nécessaires à la manifestation de la vérité »
La diffusion de ces images sera cependant précédée d’une « annonce permettant aux personnes sensibles et mineurs de quitter la salle », a souligné le magistrat. Depuis le début du procès le 2 septembre à Avignon, la salle des débats est réservée à la cour, aux parties et à la presse, le public étant lui dans une salle de retransmission annexe.
Ces diffusions ne seront cependant « pas systématiques » et n’auront lieu que dans les cas « strictement nécessaires à la manifestation de la vérité », à la demande de l’une des parties, a ajouté M. Arata.
« Il fallait qu’on voit la vérité en face »
Gisèle Pelicot, sur le banc des parties civiles, est restée la plupart du temps penchée sur son téléphone portable, tandis qu’en face d’elle, dans le box des accusés, de l’autre côté de la salle, son ex-mari se cachait les yeux d’une main ou détournait le regard.
Les autres accusés ont adopté des attitudes variées : les uns se regardant sans broncher s’affairer autour de Gisèle Pelicot, gisant sur le lit de la chambre du domicile conjugal à Mazan (Vaucluse), d’autres préférant regarder le sol. Brièvement interrogés, tous ont toutefois maintenu leur ligne de défense.
Jean T., 52 ans, affirme qu’il n’a « toujours aucun souvenir » de cette soirée. Redouane E. assure qu’il était « terrorisé » par Dominique Pelicot, même si « ça ne se voit pas ». Un troisième explique ne pas avoir entendu les ronflements de Gisèle Pelicot ou avoir « espéré qu’elle se réveille à la fin ».
« Même en voyant ça, ça ne suffit pas ? Qu’est-ce qu’il leur faut pour qu’on la croie, qu’elle soit morte ? », s’indignait Elise Pinas, 25 ans, en sortant de la salle de retransmission réservée au public. « En colère », elle juge toutefois « très utile » la diffusion de ces vidéos.
Une femme témoigne à BFMTV être venu voir ces vidéos « pour Gisèle Pelicot » qui a souhaité que le procès soit public. « Il fallait qu’on voit la vérité en face », affirme-t-elle.
Revirement
Mme Pelicot, violée pendant une dizaine d’années par son mari, Dominique Pelicot, et par des dizaines d’hommes que celui-ci avait recrutés sur internet, après qu’il l’avait droguée aux anxiolytiques, s’était opposée au huis clos dès l’ouverture des débats le 2 septembre.
La cour s’était initialement prononcée pour des débats totalement publics, jusqu’à la décision du 20 septembre.
Ce revirement a été aussitôt qualifié de « victoire » par les avocats de Gisèle Pelicot. « Mais une victoire dans un combat qui n’aurait pas dû être mené », a estimé Me Stéphane Babonneau, selon qui le droit français a accordé aux victimes de viols depuis plus de 40 ans le droit de décider de la publicité ou non des débats.
Le 20 septembre, à l’issue de la troisième semaine de débats, le président Arata avait en effet interdit la diffusion des images au public et à la presse, « considérant que ces images sont indécentes et choquantes ». Cinq jours plus tard, les avocats de Gisèle Pelicot avaient à nouveau réclamé la levée de ces restrictions, au nom du combat que celle-ci mène désormais contre les violences sexuelles. C’est sur leurs conclusions écrites que les parties ont longuement débattu devant la cour vendredi matin.
« Pour Gisèle Pelicot, il est trop tard, le mal est fait. Les 200 viols qu’elle a subis par plus de 60 hommes qui sont venus la violer dans sa chambre à coucher alors qu’elle était inconsciente, la brutalité des débats qui se tiennent dans cette salle, elle devra vivre avec pour le restant de sa vie », avait argumenté à l’audience Me Babonneau. « Mais si ces mêmes débats, par leur publicité, permettent d’éviter que d’autres femmes aient à en passer par là, alors elle trouvera un sens à sa souffrance. »
Pour son autre avocat, Me Antoine Camus, ces vidéos « font s’écrouler la thèse d’un viol accidentel ». « Elles montrent que ce sont des viols par opportunité et, qu’au-delà, il était question d’avilir, d’humilier, de salir, il était en réalité question de haine de la femme. Aucun n’a dénoncé les faits, chacun a contribué à sa petite échelle à cette banalité du viol, à cette banalité du mal », avait ajouté Me Camus.
« Nous n’avons pas à verser (…) vers un tribunal de la foule »
Les conseils de plusieurs des 50 coaccusés à ce procès hors norme s’étaient en revanche farouchement opposés à la présence du public et de la presse pendant la diffusion des vidéos. « La justice n’a pas besoin de ça pour passer, à quoi bon ces projections nauséabondes ? On a eu droit à une projection sur un premier cas. Un film n’a pas suffit ? », a ainsi plaidé Me Olivier Lantelme.
« Nous n’avons pas à verser d’un tribunal populaire au nom du peuple français vers un tribunal de la foule. À la Révolution, le peuple était invité au premier rang pour s’assurer que la justice serait rendue. C’était déjà la foule », avait tonné de son côté Me Paul-Roger Gontard.
La levée du huis clos pour la presse et le public avait également été requise vendredi matin par l’avocate générale. Me Béatrice Zavarro, l’avocate de Dominique Pelicot, qui s’était précédemment déclarée favorable à la diffusion des vidéos, ne s’est cette fois pas exprimée.
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