En août, le journal d’État chinois Economic Information Daily a publié un article cinglant de 6 000 mots qui condamnait l’industrie des jeux en ligne dans le pays. Selon l’article, ces jeux sont de l’« opium pour l’esprit ». Ils génèrent des milliards de bénéfices aux dépens d’une population qu’ils rendent dépendante, ils sont « une nouvelle drogue », en particulier pour les jeunes. L’article a été repris par des dizaines de médias, toujours suivi de commentaires similaires à ceux des médias d’État et des médias sociaux officiels.
En quelques jours, les géants chinois du jeu, tels que Tencent et NetEase, ont vu leurs actions chuter de 300 milliards de yuans (40 milliards €). Le 30 août, Pékin a imposé une réglementation stricte sur les jeux en ligne, limitant les mineurs à trois heures d’accès par semaine.
Cet assaut de la presse et des autorités contre l’industrie du jeu fait suite à d’autres incidents notables impliquant plusieurs acteurs de premier plan du secteur technologique chinois.
Le 30 juin, l’application de covoiturage Didi Chuxing fait ses débuts à la Bourse de New York sans l’approbation de Pékin, ce qui lui vaut une sanction rapide.
À partir de 2020, le Parti communiste chinois ne cesse de soumettre Jack Ma, l’une des plus grosses fortunes de Chine et fondateur d’Alibaba, le géant du e-commerce, à une pression accrue. En novembre 2020, ce qui aurait été une introduction en bourse record de 30 milliards de dollars du groupe Ant, dont Jack Ma est le directeur général, se solde par une annulation soudaine. Selon le Wall Street Journal, l’introduction en bourse présentait de sérieux risques financiers pour le Parti communiste chinois (PCC). Par la suite, Jack Ma disparait pendant des mois. Il garde depuis son retour un profil bas.
La répression de l’industrie technologique du PCC n’est qu’un aspect de l’ambitieux projet du chef d’État, Xi Jinping visant à remodeler la société. Outre des formes de surveillance et de censure toujours plus envahissantes, ce façonnement de la société se traduit par diverses mesures aussi concrètes que contraignantes. Ainsi, le régime vient-il d’émettre une interdiction générale de l’enseignement à but lucratif, en d’autres termes des cours à domicile, de langues ou de soutien scolaire. Est ciblée également l’industrie du spectacle, et, pour l’exemple, l’actrice milliardaire Zhao Wei est rayée d’Internet, de même que quelques stars masculines de la culture pop chinoise « trop efféminées ».
Le 17 août, Xi Jinping préside une réunion de la commission économique du PCC axée sur le déploiement de la « prospérité commune » au sein de la population chinoise, un programme qui prévoit un système « universel » de redistribution socialiste pour assurer la « subsistance du peuple ».
Surveillance versus chaos
Il est communément admis que l’approche autoritaire de Xi Jinping en matière de gouvernance (« le Parti dirige tout », déclare-t-il régulièrement) s’inspire directement de Mao Zedong. Nombre de ses mesures, et notamment les récentes répressions, sont comparées à la tristement célèbre révolution culturelle de Mao, qui a plongé la Chine dans une décennie de fanatisme politique meurtrier entre 1966 et 1976.
Alors qu’il fallait sous Mao Zedong remâcher le Petit Livre rouge, la Pensée Xi Jinping s’impose sur les smartphones via une application nommée « Étudier Xi, un pays fort ». La diplomatie du « loup guerrier » promue par le chef d’État, qui commande aux responsables chinois d’être constamment dans la confrontation, renvoie la Chine aux temps forts de sa guerre froide menée contre tout adversaire étranger. Et malgré les assurances de Xi Jinping selon lesquelles la réforme économique est toujours à l’ordre du jour, les observateurs occidentaux et chinois estiment qu’il a mis au rebut les politiques des précédents dirigeants du Parti. Ainsi, Xi Jinping favorise-t-il les démonstrations idéologiques rouge vif à la croissance et au profit.
Les similitudes entre Xi Jinping et Mao sont notables, mais les différences aussi.
Mao avait lancé la révolution culturelle pour reprendre le pouvoir après avoir été écarté du fait de son programme économique désastreux, le Grand bond en avant, qui avait plongé le pays dans la famine et entrainé la mort d’environ 45 millions de personnes. L’une de ses tribunes de l’époque, parue dans le Quotidien du peuple, intitulée « Feu sur le quartier général », montre la violence et la témérité dont il était animé. Des dispositions bien vite proclamées à travers le pays, ce qui lui a permis de reprendre le pouvoir.
La rhétorique de Xi Jinping ne repose en aucun cas, comme ce fut le cas pour Mao, sur des incitations à l’iconoclasme ou à la destruction. Si des millions de fonctionnaires du Parti sont sanctionnés dans le cadre d’une campagne anticorruption, les purges sont effectuées exclusivement par l’organe disciplinaire du Parti et des tribunaux chinois.
Au lieu de condamner la Chine ancienne, comme c’était le cas lors de la révolution culturelle durant laquelle il fallait « purger les quatre vieilleries », le PCC de Xi Jinping intègre l’histoire et la culture du pays dans son récit de grandeur nationale. Quant aux entreprises privées, il n’est nullement question de les anéantir, mais de les soumettre à une gestion officielle.
Les changements politiques opérés par Xi Jinping sont fortement motivés par des considérations sociales et idéologiques, d’autant que des crises telles que la pandémie, les pénuries alimentaires et la surchauffe des marchés immobiliers menacent d’instabilité le pays et fragilisent le PCC lui-même.
La prospérité commune
La réunion du 17 août de la Commission centrale des affaires financières et économiques du PCC a permis de dégager 10 points importants rapportés ultérieurement par les médias. L’objectif de la réunion était d’établir par quels moyens il serait possible de parvenir à la « prospérité commune ».
En résumé, la réunion exhortait les particuliers les plus riches et les entreprises chinoises à « redistribuer davantage à la société ». Le Parti a prévu également de « nettoyer et normaliser les revenus déraisonnables, rectifier l’ordre de répartition des revenus et interdire résolument les revenus illégaux. »
Selon Ming Chu-cheng, professeur émérite de sciences politiques à l’Université nationale de Taïwan (NTU), la « prospérité commune » réussira peut-être à délester quelques millionnaires de leurs richesses, mais il est peu probable que les citoyens chinois ordinaires en tirent un bénéfice substantiel.
« Ce n’est pas un programme destiné à aider les pauvres, mais à aider le PCC », a expliqué M. Ming dans « Era Money », un talk-show taïwanais.
Divers facteurs ont gravement affecté l’économie chinoise, de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine au ralentissement économique mondial causé par le Covid-19.
« Le commerce extérieur a régressé. Le taux de chômage est élevé. Tout cela pèse sur le budget national », a-t-il poursuivi.
Evergrande, le plus grand promoteur immobilier chinois, a manqué deux paiements d’obligations offshore en septembre, suscitant les inquiétudes et on estime que la société est au bord de l’effondrement. La bulle immobilière chinoise risque d’éclater entrainant un « moment Lehman » pour le pays.
La Chine est également confrontée à une pénurie massive d’électricité qui touche plus de 20 provinces, dont certaines sont les plus riches et les plus productives. Selon les médias d’État, des limites sont imposées à la consommation d’électricité en raison de la hausse rapide des prix du charbon.
Le manque d’électricité engendrera des situations dangereuses, voire mortelles, à l’approche de l’hiver, en particulier dans des régions comme le nord-est, où les températures négatives et les fortes chutes de neige sont fréquentes.
Selon M. Ming, le passage à la prospérité commune voulu par le PCC reflète l’incapacité de Xi Jinping à faire passer les réformes économiques nécessaires pour favoriser une croissance saine du marché libre.
Pour l’universitaire, à l’origine, Xi Jinping ne voulait pas imposer des politiques de redistribution socialistes, « mais une fois au pouvoir, il a constaté que la Chine était arrivée à un point où il était fondamentalement impossible de faire passer des réformes ».
Selon SinoInsider, un cabinet de conseil en stratégie basé à New York, spécialisé dans la politique chinoise, dans sa lettre d’information du 19 août, la « prospérité commune » n’est qu’un mot d’ordre commode et rassurant qui, espère le PCC, aidera à surmonter la crise économique.
Le cabinet souligne que Xi Jinping a précédemment défendu la stratégie économique de « double circulation », visant à stimuler simultanément le marché intérieur (circulation intérieure) et le marché extérieur (circulation internationale). Il prônait alors de stocker les devises étrangères tout en stimulant les exportations rentables. Cependant, les chocs économiques mondiaux, ainsi que le comportement aliénant du régime, ont refroidi le commerce extérieur. Ainsi, désormais, le régime cherche désespérément à renflouer ses coffres – et à orienter l’indignation des populations vers les ultra-fortunés.
Il s’agit de préparer le terrain, si le système financier vient à s’effondrer, une certaine tranche de la classe dominante pourra être sacrifiée et le PCC se positionnera en « sauveur du peuple », peut-on lire dans l’analyse.
« Mais la ‘redistribution’ risque d’étouffer davantage encore l’activité économique et peut engendrer une réaction féroce des élites contre Xi Jinping. »
La prospérité commune
La réunion du 17 août de la Commission centrale des affaires financières et économiques du PCC a permis de dégager 10 points importants rapportés ultérieurement par les médias. L’objectif de la réunion était d’établir par quels moyens il était possible de parvenir à la « prospérité commune ».
En résumé, la réunion exhortait les particuliers les plus riches et les entreprises chinoises à « redistribuer davantage à la société ». Le Parti a prévu également de « nettoyer et normaliser les revenus déraisonnables, rectifier l’ordre de répartition des revenus et interdire résolument les revenus illégaux. »
Selon Ming Chu-cheng, professeur émérite de sciences politiques à l’Université nationale de Taïwan (NTU), la « prospérité commune » réussira peut-être à délester quelques millionnaires de leurs richesses, mais il est peu probable que les citoyens chinois ordinaires en tirent un bénéfice substantiel.
« Ce n’est pas un programme destiné à aider les pauvres, mais à aider le PCC », a expliqué M. Ming dans « Era Money », un talk-show taïwanais.
Divers facteurs ont gravement affecté l’économie chinoise, de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine au ralentissement économique mondial causé par le Covid-19.
« Le commerce extérieur a régressé. Le taux de chômage est élevé. Tout cela pèse sur le budget national », a-t-il poursuivi.
Evergrande, le plus grand promoteur immobilier chinois, a manqué deux paiements d’obligations offshore en septembre, suscitant les inquiétudes et on estime que la société est au bord de l’effondrement. La bulle immobilière chinoise risque d’éclater entrainant un « moment Lehman » pour le pays.
La Chine est également confrontée à une pénurie massive d’électricité qui touche plus de 20 provinces, dont certaines des plus riches et des plus productives. Selon les médias d’État, des limites sont imposées à la consommation d’électricité en raison de la hausse rapide des prix du charbon.
Le manque d’électricité engendrera des situations dangereuses, voire mortelles, à l’approche de l’hiver, en particulier dans des régions comme le nord-est, où les températures négatives et les fortes chutes de neige sont fréquentes.
Selon M. Ming, le passage à la prospérité commune voulu par le PCC reflète l’incapacité de Xi Jinping à faire passer les réformes économiques nécessaires pour favoriser une croissance saine du marché libre.
Pour l’universitaire, à l’origine, Xi Jinping ne voulait pas imposer des politiques de redistribution socialistes, « mais une fois au pouvoir, il a constaté que la Chine était arrivée à un point où il était fondamentalement impossible de faire passer des réformes ».
Selon SinoInsider, un cabinet de conseil en stratégie basé à New York, spécialisé dans la politique chinoise, dans sa lettre d’information du 19 août, la « prospérité commune » n’est qu’un mot d’ordre commode et rassurant qui, espère le PCC, aidera à surmonter la crise économique.
Le cabinet souligne que Xi Jinping a précédemment défendu la stratégie économique de « double circulation », visant à stimuler simultanément le marché intérieur (circulation intérieure) et le marché extérieur (circulation internationale). Il prônait alors de stocker les devises étrangères tout en stimulant les exportations rentables. Cependant, les chocs économiques mondiaux, ainsi que le comportement aliénant du régime, ont refroidi le commerce extérieur. Ainsi, désormais, le régime cherche désespérément à renflouer ses coffres – et à orienter l’indignation des populations vers les ultra-fortunés.
Il s’agit de préparer le terrain, si le système financier vient à s’effondrer, une certaine tranche de la classe dominante pourra être sacrifiée et le PCC se positionnera en « sauveur du peuple », peut-on lire dans l’analyse.
« Mais la ‘redistribution’ risque d’étouffer davantage encore l’activité économique et d’engendrer une réaction féroce des élites contre Xi Jinping. »
Le bras de fer politique
Xi Jinping renforce actuellement le contrôle des populations tout en préparant le pays à des temps difficiles. Une grande partie de ses activités est également dédiée à la lutte de longue date avec ses rivaux politiques.
Alors que les régimes communistes présentent systématiquement un « front uni » monolithique au public, ils sont sujets à des luttes intestines complexes, une dynamique souvent négligée dans la couverture des grands médias occidentaux. Ces luttes entre les différentes factions peuvent jouer un rôle déterminant dans l’élaboration des politiques et la teneur des discours.
En février, Lingling Wei du Wall Street Journal a écrit que, selon plus d’une dizaine d’initiés du régime chinois, l’une des principales raisons pour lesquelles le PCC a annulé l’introduction en bourse du groupe Ant à Shanghai, en novembre 2020, était « le malaise croissant à Pékin concernant la structure complexe de l’actionnariat d’Ant – et les personnes qui avaient le plus à gagner dans ce qui aurait été la plus grande introduction en bourse du monde ».
Selon Lingling Wei, les parties potentiellement intéressées qui « avaient tout à gagner » étaient celles qui ont des liens avec Jiang Zemin, l’ancien dirigeant du PCC, secrétaire général de 1989 à 2002, « ayant encore un pouvoir influent en coulisse ».
Un grand nombre des fonctionnaires purgés dans le cadre de la campagne anticorruption de Xi Jinping appartiennent à la faction de Jiang Zemin, notamment un grand nombre de cadres supérieurs du Parti et de généraux de l’Armée populaire de libération (APL).
Selon M. Ming, les mesures de répression dans l’industrie du divertissement participaient également du conflit entre Xi Jinping et Jiang Zeming, étant donné l’influence de Zeng Qinghong (ancien vice-président chinois et proche allié de Jiang Zemin) sur les organes gouvernementaux en charge de l’industrie du divertissement.
Les luttes intestines sont particulièrement fortes actuellement alors que Xi Jinping se prépare pour le 20e Congrès du Parti, qui doit se tenir fin 2022. On s’attend à ce que Xi Jinping remplisse un troisième mandat de secrétaire général, mais les analystes de SinoInsider estiment que ce ne sera pas si simple et que de nombreux défis l’attendent.
« Xi Jinping s’est fait de nombreux ennemis au cours des 9 dernières années avec sa campagne anticorruption et ses autres politiques intransigeantes », écrit SinoInsider dans un article publié le 15 septembre.
L’article note que les 9 années au pouvoir du dirigeant ont été marquées par de nombreux revers pour le régime, comme la pandémie et le ralliement des nations démocratiques pour s’opposer à Pékin et soutenir Taïwan. En revanche Xi Jinping a remporté peu de victoires qu’il pourrait revendiquer comme des « réalisations politiques ».
Si Xi Jinping ne se montre pas plus ferme, sa candidature pour un troisième mandat est compromise, selon l’article.
La Commission centrale d’inspection de la discipline (CCDI) du PCC a récemment pris pour cible d’autres affiliés de Jiang Zeming au sein de l’appareil de sécurité du régime.
Le 2 octobre, la CCDI a annoncé une enquête sur Fu Zhenghua, ministre de la Justice à la retraite et ancien vice-chef du ministère de la Sécurité publique (MPS), la force de police chinoise. L’agence de presse d’État Xinhua a accusé M. Fu d’« ambition politique démesurée et d’intégrité politique particulièrement médiocre ». M. Fu aurait propagé des critiques sans fondement sur le Parti et des rumeurs politiques.
Deux jours plus tôt, le PCC expulsait Sun Lijun des rangs du Parti, un autre ancien chef adjoint du MPS. Les autorités l’accusaient de « tenir des discussions inappropriées sur le gouvernement central » et de « former des coteries pour prendre le contrôle de départements clés », en plus d’accusations similaires à celle portées contre M. Fu.
Radio Free Asia (RFA) a noté dans son rapport sur M. Fu que ces purges s’inscrivent dans le prolongement des condamnations de Bo Xilai et de Zhou Yongkang, deux puissants membres du Politburo ayant des liens avec la sécurité de l’État. Les quatre fonctionnaires disgraciés sont des alliés de Jiang Zemin.
Si la plupart des fonctionnaires ont été officiellement accusés de corruption, le Parti a parfois laissé entendre qu’il s’agissait de délits plus graves. Par exemple, l’article de RFA note que Liu Shiyu, régulateur chinois des valeurs mobilières, a déclaré en 2017 que des personnalités haut placées du régime avaient « conspiré ouvertement pour usurper la direction du Parti ».
Leo Timm est un journaliste spécialisé dans les sujets d’actualité, d’histoire et de culture traditionnelle chinoise. Il travaille pour Epoch Times à New York.
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