« Ici, l’eau est de l’or, c’est comme dans les livres de Pagnol » : entre ses rangées d’arbres fruitiers, un arboriculteur de la plaine désertique de la Crau, au cœur de la Provence, innove pour irriguer ses terres de « façon raisonnée ».
Dans un petit abri au milieu de ses pêchers et abricotiers, Thierry Bernard, à la tête d’une exploitation de 120 hectares située à 50 km au nord-ouest de Marseille, « pilote précisément » l’irrigation de ses arbres, parcelle par parcelle.
A l’aide d’un programmateur, il gère l’arrosage et la fertilisation « au plus proche ». « C’est du sur-mesure, on sélectionne les secteurs, la durée et les heures d’arrosage », explique Noémie Baysse, 26 ans, technicienne en irrigation de l’exploitation. Au-dessus d’elle, des abricots et des pêches colorés attendent d’être récoltés.
Au pied des arbres arrosés au goutte-à-goutte, des électrovannes contrôlent le débit d’eau en fonction des besoins des saisons. En tout, il faut en moyenne 8 litres par jour et par arbre pendant l’été.
« Il faut arrêter de penser que les agriculteurs continuent de travailler sans penser aux conséquences écologiques. Aujourd’hui, on cultive de façon raisonnée », souligne Thierry Bernard : « Ici, on se bat encore pour de l’eau ».
Et cette eau, l’arboriculteur la puise dans la nappe phréatique de la Crau, à 80 mètres sous terre grâce à une pompe à eau filtrée.
Grâce à ses installations mises en place il y a plusieurs années, il a diminué « par moitié » sa consommation d’eau et d’électricité, même s’il dit ne pas pouvoir « quantifier ses économies ».
Alors, pour poursuivre son « approche particulière » de l’irrigation, l’exploitant a mis à disposition trois de ses 72 parcelles pour une expérimentation sur trois ans de la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, qui étudie les impacts économiques et environnementaux de la restriction en eau.
Face au réchauffement climatique, les arrêtés sécheresse se multiplient dans la plaine de la Crau, connue pour son foin et ses fruits. A chaque fois, ces arrêtés obligent les arboriculteurs à diminuer leur consommation en eau pendant la période estivale.
« La filière arboricole est très importante sur la Crau et nous voulons anticiper au mieux les restrictions pour savoir si ces exploitations sont en capacité de répondre à des diminutions de 10, 20 ou 30% d’eau », détaille Lauriane Morel, chargée de cette mission, qui a pour objectif de sensibiliser la vingtaine d’arboriculteurs du secteur.
Pour ce projet, plusieurs tensiomètres sont plantés sur les trois parcelles pour mesurer la tension du sol, c’est-à-dire la force nécessaire à un arbre pour extraire l’eau du sol.
Un dendromètre, qui suit le diamètre d’une branche, est également accroché sur chaque arbre. « Si la branche rétrécit, cela veut dire que l’arbre a besoin d’irrigation », précise-t-elle. Une station météo connectée à un smartphone anticipe aussi les besoins pour chaque parcelle.
« Ce projet nous tenait à cœur, car il nous permet de pérenniser nos installations et de voir si ce qu’on a mis en place est dans le vrai, ou si on fait fausse route en termes d’économie », affirme Thierry Bernard, qui assure faire de « l’intensif raisonné ».
Dans la plaine de la Crau, soupire Patrick Lévêque, président de la Chambre d’agriculture, pour qui « la gestion de l’eau est indispensable ».
Aujourd’hui, « ça ne sert plus à rien d’ouvrir sans réfléchir les vannes d’eau en avril et de les fermer en septembre », abonde Thierry Bernard. Selon lui, « les arbres fruitiers ont besoin de stress, soit de moins d’eau, pour améliorer la qualité gustative et puis, moins d’humidité, ça veut dire moins de champignons, et donc moins de traitements ».
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