Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a lancé samedi son mandat en promettant à son pays « des jours meilleurs » et doit désormais rapidement présenter le gouvernement qu’il a chargé de relancer l’économie et d’éradiquer la corruption.
Sous un ciel bleu azur, 36.000 spectateurs, la fine fleur de la classe politique locale et une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement étrangers ont assisté à sa prestation de serment en grande pompe dans le stade de rugby de la capitale Pretoria. M. Ramaphosa, 66 ans, a été réélu mercredi par les députés après la victoire de son parti, le Congrès national africain (ANC), aux élections législatives du 8 mai.
Au pouvoir depuis la chute de l’apartheid en 1994, l’ANC a réussi à renouveler sa majorité absolue à l’Assemblée nationale mais réalisé son plus faible score à un scrutin national (57,5%), illustration de la chute de sa popularité dans le pays. Même si de réels progrès ont été accomplis depuis un quart de siècle, l’Afrique du Sud reste un des pays les plus inégalitaires de la planète, affecté par un chômage de masse (plus de 27%), un fort taux de pauvreté et une corruption galopante.
« Une nouvelle ère se lève sur notre pays. Des jours meilleurs s’annoncent pour l’Afrique du Sud », a proclamé Cyril Ramaphosa, « il est temps pour nous de bâtir l’avenir auquel nous aspirons ». « Proclamons que lorsque nous fêterons le 50e anniversaire de notre libération (en 2004), les besoins essentiels de tous sur cette terre seront satisfaits », a-t-il lancé. « Les défis auxquels nous sommes confrontés sont réels mais ne sont pas insurmontables nous allons les relever ».
Sitôt dissipés le vrombissement des avions militaires et les notes de la fanfare, tous les regards se sont tournés vers la présidence, d’où M. Ramaphosa devait annoncer, peut-être dès ce week-end, la composition de son gouvernement. « Vous allez voir le changement », avait-il assuré mercredi. Depuis son arrivée au pouvoir il y a un an, M. Ramaphosa répète qu’il va tourner la page du règne calamiteux de Jacob Zuma (2009-2018), terni par une litanie de scandales politico-financiers qui ont éclaboussé l’Etat et le parti.
Inculpé de corruption, l’ex-président a d’ailleurs ostensiblement boudé la cérémonie d’investiture. « Je n’ai pas le temps, je me bats pour éviter la prison », a-t-il lancé vendredi à ses partisans à la sortie d tribunal de Pietermaritzburg (nord-est). Mais le grand coup de balai annoncé tarde. Il a peut-être démarré cette semaine. Le vice-président David Mabuza, soupçonné de corruption, a demandé le report de sa prestation de serment de député. Et la ministre de l’Environnement Nomvula Mokonyane, citée dans un autre scandale, a renoncé à son siège de députée.
D’autres ministres mis en cause et proches du clan Zuma devraient rejoindre la charrette des remerciés. « Le gouvernement sera largement propre et satisfera le minimum attendu par les marchés », a pronostiqué l’économiste Peter Attard Montalto, du cabinet Intellidex, « mais il ne sera pas assez réformiste pour permettre de relancer la croissance ». Les dernières statistiques économiques pressent Cyril Ramaphosa d’agir vite. Le chômage a encore augmenté au premier trimestre (de 27,1 à 27,6%), et la Banque centrale vient de réduire de 1,3 à 1% ses prévisions de croissance pour l’année en cours.
Le pays reste sous la menace des agences financières. « Faute d’un changement de politique, son crédit va continuer à s’éroder », a averti une responsable de Moody’s, Lucie Villa. Et l’agence Standard and Poor’s a de son côté maintenu vendredi l’Afrique du Sud dans les catégories des pays où elle déconseille les investissements. « Il faut maintenant passer du discours aux actes. Point final », a résumé après le discours l’analyste politique Daniel Silke.
L’opposition ne fera pas non plus de cadeaux au président. « Il faut que le gouvernement soit plus resserré et débarrassé de tous les criminels », a lancé samedi Mmusi Maimane, le dirigeant du principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA). Son rival des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale) Julius Malema a été encore plus menaçant.
Il a défié samedi le président de reconduire le ministre des Entreprises publiques Pravin Gordhan, accusé par une enquête administrative opportunément publiée vendredi d’avoir accordé un traitement privilégié à un de ses collaborateurs. « Si Cyril nomme Pravin », a lancé M. Malema, « alors nous saurons que Cyril n’est pas différent de Zuma ».
D.C avec AFP
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