Droit dans ses bottes : accusé d’avoir différé la diffusion d’un rapport sur la lutte contre l’immigration irrégulière, le premier président de la Cour des comptes a défendu jeudi la « transparence » et la « neutralité » de son institution.
La publication du rapport en question avait été reportée du 13 décembre au 4 janvier, soit après l’adoption par le Parlement de la loi sur l’immigration, ce que le président du groupe LR à l’Assemblée Olivier Marleix avait jugé « scandaleux », comme d’autres personnalités du parti.
« Ce n’est pas par volonté de dissimuler au Parlement et au grand public une information que j’ai été amenée à proposer cette décision (de report, ndlr), c’est par une volonté de défendre l’impartialité, la neutralité de la Cour et sa réputation », a insisté Pierre Moscovici jeudi à Paris lors de ses vœux à la presse.
La Cour des Comptes « n’a jamais été aussi transparente qu’aujourd’hui », puisqu’elle publie « 100% » de ses rapports – à l’exception d’une poignée de travaux sur des sujets sensibles comme la défense nationale, a-t-il fait valoir.
En 2023, « 180 rapports thématiques et observations définitives » ont ainsi été publiés par la Cour, contre à peine une cinquantaine de travaux diffusés chaque année lors de son arrivée rue Cambon, en 2020. Par conséquent, Pierre Moscovici a jugé les accusations visant la Cour « totalement infondées ».
« Avant tout agir de manière plus déterminée et efficace »
Alors que M. Marleix a demandé à ce que le premier président soit auditionné par l’Assemblée nationale, ce dernier a assuré jeudi que « chaque fois qu’on nous demandera d’aller devant le Parlement, nous irons. Mais honnêtement, prolonger cette polémique est à la limite de l’absurde ». Pour l’essentiel, « la programmation et le calendrier des publications de la Cour relèvent du seul ressort » de celle-ci, une institution « totalement indépendante » a martelé son patron.
Le rapport de la Cour sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière appelait notamment l’État à « mieux s’organiser » pour mener à bien les expulsions d’étrangers sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui ne se concrétisent que dans environ un cas sur dix. « Le message du rapport reste totalement d’actualité : en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, il faut avant tout agir de manière plus déterminée et efficace », a affirmé M. Moscovici.
Pour le reste, il a demandé au gouvernement la même résolution dans la maîtrise des finances publiques, estimant au passage que l’hypothèse de croissance retenue par l’exécutif pour 2024 (1,4%) était « élevée ». « Je ne sais pas quelle est la prévision réaliste », mais « je pense qu’en temps voulu, le gouvernement devrait réfléchir à une adaptation de cette prévision de croissance à l’état réel de l’économie » française, dont la croissance a nettement ralenti en 2023.
Dix thèmes de contrôle suggérés par les citoyens français
Pierre Moscovici a par ailleurs annoncé que la Cour avait retenu dix thèmes de contrôle suggérés par les citoyens français. Elle publiera donc dans les prochains mois des rapports sur les « taxes à faibles rendements », « la fraude aux retraites versées à l’étranger », « la lutte contre la corruption » ou encore « le pantouflage » (la reconversion de hauts fonctionnaires dans le secteur privé).
En plus de ces dix travaux menés par la Cour, les chambres régionales et territoriales des comptes se pencheront sur dix-huit thèmes de contrôle : gestion des déchets en Dordogne, soutiens publics à la corrida en Occitanie, production locale d’énergie en Bretagne…
Depuis 2022, la Cour organise chaque année une campagne durant laquelle les citoyens peuvent proposer des thèmes sur lesquels enquêter. Après la deuxième édition de cette campagne à l’automne 2023, M. Moscovici a promis une troisième édition dès l’an prochain.
Le premier président s’est enfin réjoui de la centaine de signalements reçus chaque mois sur la plateforme lancée en septembre 2022 par la Cour pour les lanceurs d’alerte, même si « sans doute un tiers » de ces signalement ne sont pas « pertinents » et ne donnent pas lieu à un examen approfondi par la juridiction financière.
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