L’Allemagne a finalement donné jeudi son feu vert à un texte clé du pacte migratoire européen, ouvrant la voie à un accord des États membres et un déblocage des difficiles négociations sur cette réforme du système d’asile de l’UE.
Le règlement est destiné à organiser une réponse européenne en cas d’afflux massif de migrants dans un pays de l’UE, comme lors de la crise des réfugiés de 2015-2016. Il permet notamment d’allonger la durée de détention des migrants aux frontières extérieures du bloc.
Feu vert de l’Allemagne
« Aujourd’hui nous allons voter en faveur du compromis », a déclaré la ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser, lors d’une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles. À Berlin, le chancelier Olaf Scholz a salué une « percée ».
La paralysie de ce « règlement de crise », due notamment à des préoccupations allemandes d’ordre humanitaire, avait suscité la frustration au sein de l’UE, face à la hausse des arrivées de migrants à ses frontières extérieures et la situation sur l’île italienne de Lampedusa.
Le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, dont le pays exerce la présidence tournante du Conseil de l’UE, a constaté que le texte de compromis rassemblait désormais une « majorité incontestable » au sein des États membres. Il a chargé les ambassadeurs d’approuver formellement cette dernière pièce du pacte asile et migration de l’UE, qui devra ensuite faire l’objet de négociations avec le Parlement européen.
En cas d’afflux « massif », un régime dérogatoire moins protecteur
Le texte prévoit, en cas d’afflux « massif » et « exceptionnel » de migrants, la mise en place d’un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d’asile que les procédures habituelles. Il prolonge la durée possible de détention d’un migrant aux frontières extérieures de l’UE – jusqu’à 40 semaines –, et permet des procédures d’examen des demandes d’asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d’exilés (tous ceux venant de pays dont le taux de reconnaissance, c’est-à-dire le taux de réponse positive aux demandes d’asile, est inférieur à 75%), afin de pouvoir les renvoyer plus facilement. Il prévoit par ailleurs un déclenchement rapide de mécanismes de solidarité envers l’État membre confronté à cet afflux, sous la forme notamment de relocalisations de demandeurs d’asile ou d’une contribution financière.
En juillet, la majorité nécessaire à l’adoption de ce règlement n’avait pas été atteinte : la Hongrie, la Pologne, l’Autriche et la République tchèque avaient voté contre, tandis que l’Allemagne, la Slovaquie et les Pays-Bas s’étaient abstenus. L’abstention de l’Allemagne était due à l’opposition des Verts, membres de la coalition au pouvoir, qui réclamaient des aménagements pour les mineurs et les familles.
Les négociations sur deux autres règlements migratoires en pause
Le blocage du texte a provoqué l’impatience de nombreux pays de l’UE et des députés européens. Pour faire pression sur les Vingt-Sept, le Parlement européen a décidé la semaine dernière de mettre sur pause les négociations déjà entamées avec les États membres sur deux autres règlements du paquet migratoire, visant à renforcer la sécurité aux frontières extérieures.
L’accord des États membres sur le règlement crise devrait débloquer ces négociations sur les autres textes. L’objectif affiché est d’aboutir à une adoption de ce paquet avant les élections européennes de juin 2024, afin de ne pas réitérer l’échec de la précédente Commission à conclure une refonte du système d’asile.
Après les élections, le sort d’une telle réforme pourrait être compromis en raison de possibles changements dans la composition politique du Parlement européen. En outre, la Hongrie et la Pologne, deux pays farouchement opposés à la réforme et à tout accueil de demandeurs d’asile, exerceront tour à tour la présidence semestrielle du Conseil de l’UE et seront, à ce titre, en charge de fixer l’agenda des réunions.
À Budapest, Gergely Gulyas, le directeur de cabinet du Premier ministre Viktor Orban, a répété jeudi ses critiques à l’encontre du pacte migratoire. « Tout ce qu’ils peuvent réussir à faire avec ce pacte, c’est transformer les pays frontaliers, situés le long de la frontière Schengen, en Lampedusa », a-t-il déclaré.
Présenté en septembre 2020 par la Commission européenne, le pacte sur la migration et l’asile est un ensemble d’une dizaine de règlements, visant à renforcer les contrôles aux frontières extérieures du bloc et accélérer les renvois de migrants non éligibles à l’asile, mais aussi à établir un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept dans la prise en charge des demandeurs d’asile.
Les ministres des 27 devaient aussi débattre de la situation à Lampedusa, et de la mise en oeuvre du protocole d’accord controversé signé en juillet avec la Tunisie pour faire baisser les départs de migrants depuis ce pays.
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