À peine le Président Bachar al-Assad chassé du pouvoir, le débat sur l’accueil des réfugiés syriens a ressurgi lundi en Europe, plusieurs pays, dont l’Allemagne, annonçant un gel des procédures de demandes d’asile pour les exilés de ce pays.
Dans un contexte de forte progression des partis de droite nationaliste aux récentes élections sur le continent, il n’aura pas fallu 48 heures aux gouvernements allemand, autrichien, suédois, danois, norvégien et belge pour décider de la suspension des demandes d’asile des ressortissants syriens.
L’Allemagne, pays de l’UE qui accueille la plus importante diaspora syrienne – près d’un million de personnes –, a justifié cette décision par « l’incertitude » qui règne à Damas, a indiqué la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser. De nombreux Syriens qui ont trouvé refuge en Allemagne depuis la grande crise migratoire des années 2015-2016 « ont désormais enfin l’espoir de retourner dans leur patrie syrienne et de reconstruire leur pays », affirme la ministre social-démocrate. Même si « les possibilités concrètes de retour ne sont pas encore prévisibles pour le moment », la situation restant « très confuse » et « volatile » sur place, a-t-elle nuancé.
« Un programme de rapatriement et d’expulsion vers la Syrie » en Autriche
Son homologue autrichien est allé plus loin, annonçant aussitôt « un programme de rapatriement et d’expulsion vers la Syrie ». « La situation politique en Syrie a fondamentalement changé », a justifié Gerhard Karner. Environ 7300 dossiers en cours sont concernés par cette décision parmi les quelque 100.000 Syriens vivant en Autriche, l’un des pays qui en a accueilli le plus en Europe.
Le cas de ceux qui se sont déjà vu accorder l’asile va également être réexaminé. Le regroupement familial est de même suspendu. Depuis 2015, environ 87.000 Syriens ont reçu une réponse positive à leur demande d’asile dans le pays de neuf millions d’habitants.
En Allemagne, le débat fait irruption dans la campagne électorale en vue des législatives du 23 février : le député conservateur (CDU) Jens Spahn a proposé « d’affréter des avions » et d’allouer une prime de mille euros à « tous ceux qui veulent rentrer en Syrie ». Les principaux pays d’accueil des Syriens doivent planifier début 2025 une « conférence pour la reconstruction et le retour », a préconisé cet élu du parti de Friedrich Merz, favori pour succéder à Olaf Scholz à la chancellerie.
La CDU devance dans les intentions de vote le parti de droite nationaliste AfD, dont l’entrée au Parlement, en 2017, a suivi la crise des réfugiés de 2015-2016. « Quiconque célèbre la “Syrie libre” en Allemagne n’a apparemment plus aucune raison de fuir » et « devrait retourner en Syrie immédiatement », a estimé Alice Weidel, cheffe de file de l’AfD.
Après avoir ouvert ses portes aux Syriens, l’Allemagne a depuis durci sa politique migratoire, sans arrêter la progression de ce parti hostile aux migrants, qui a remporté un scrutin régional pour la première fois en septembre.
La France envisage de suspendre les demandes d’asile des Syriens
Le gouvernement français envisage de leur emboîter le pas. Le ministère de l’Intérieur français a indiqué lundi « travailler sur une suspension des dossiers d’asile en cours provenant de Syrie », après la chute du régime de Bachar al-Assad ce week-end. « Une décision devrait aboutir dans les heures qui viennent ». En 2023, plus de 4000 demandes d’asile de ressortissants syriens ont été enregistrées en France, selon les derniers chiffres de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) chargé d’examiner les demandes.
« La France a conditionné d’une certaine manière le retour des réfugiés ou en tout cas a dit que le retour des réfugiés ne pouvait advenir que dans la mesure où ils pouvaient rentrer en Syrie en sécurité, la sécurité n’étant encore tout à fait assurée », a souligné lundi sur France Info le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.
« Cette transition politique doit le permettre de manière à ce que le million de réfugiés syriens au Liban, les millions de réfugiés syriens en Jordanie, ceux qui en Europe souhaiteraient revenir, puissent le faire en toute sérénité », a-t-il ajouté.
En Autriche, la droite nationaliste a remporté pour la première fois les législatives fin septembre. Alors que les intentions des rebelles islamistes qui ont chassé Bachar al-Assad du pouvoir restent floues, le Stuttgarter Zeitung suggère déjà à l’Union européenne de « soutenir le nouveau gouvernement de Damas en finançant la reconstruction et en organisant le retour ordonné des réfugiés ». Une telle option « pourrait ralentir, voire arrêter la montée des populistes de droite », estime ce quotidien régional.
Le président des communautés de communes allemandes, Achim Brötel, réclame des contrôles renforcés aux frontières pour empêcher les partisans de l’ancien régime de se réfugier en Allemagne, et ainsi pouvoir « rencontrer les familles de leurs victimes ».
« Attendre un peu »
Amnesty International a fustigé le « signal totalement erroné » envoyé par Berlin avec le gel de l’examen des demandes d’asile, qui concerne selon l’ONG « près de 50.000 personnes ». « Le prix » d’une réévaluation de la situation à Damas « ne devrait pas être payé par ceux qui tentent depuis des années de se construire une nouvelle vie », déplore l’ONG.
Interrogé par l’AFP dans la pâtisserie berlinoise où il travaille, Mahmod Zaml affirme que « tous » les Syriens veulent « rentrer » pour « reconstruire » le pays. Mais ils doivent « attendre un peu » pour vérifier que le pays soit « vraiment sûr à 100% », ajoute ce réfugié de 25 ans.
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