Rencontre avec Frank Margueron, un joaillier d’exception

7 septembre 2015 11:30 Mis à jour: 3 juillet 2016 12:19

Classé « Joaillerie de France » et « Entreprise du Patrimoine Vivant », Inédit Joaillier installera son atelier pour une période de quatre jours, au Grand Palais à Paris, du 10 au 13 septembre à Révélations, la Biennale Internationale des Métiers d’Art et de la Création.

Fondée à Rouen en 1984 par Frank Margueron et son épouse Carole, Inédit crée des bijoux exclusivement faits main, souvent sur mesure. En 2007, l’entreprise ouvre une deuxième boutique à Saint-Germain-des-Prés, lieu emblématique de la culture et de la création française.

Depuis deux ans, Inédit crée en direct des pièces patrimoniales lors des salons à Paris. Au salon Révélations de 2013, l’atelier a créé la bague Grand Palais inspirée de la verrière du Grand Palais et le collier Jardin en hommage à André Le Nôtre, pour marquer le 400e anniversaire du jardinier de Louis XIV, réalisé au Carrousel du Louvre.

Vous faites partie de la haute joaillerie française. Vous avez obtenu les labels les plus prestigieux de la joaillerie. Que signifient ces labels ?

Nous avons les deux labels « Entreprise du Patrimoine Vivant » et « Joaillerie de France ». Ces labels sont obtenus à condition que vous soyez vraiment artisan et artisan d’art et que vous vous engagiez à pérenniser ce métier, en formant des jeunes. Que vous n’utilisiez pas de sous-traitance, c’est-à-dire pas de délocalisation, chaque objet doit être fabriqué, monté, serti et poli réellement au sein de vos ateliers en France dans le respect des normes éthiques de la tradition de la joaillerie artisanale française et le respect des accords de Kimberley, un protocole mis en place et encadré par l’ONU pour éviter le trafic des pierres précieuses à travers le monde.

Notre spécificité, c’est justement au niveau des pierres. Nous ne travaillons que sur les pierres de la plus haute qualité. Nous ne proposons jamais de pierres modifiées ou chauffées, mais que des pierres naturelles non traitées. Ce créneau ne représente que 15 % de la production mondiale.

(© INEDIT)
(© INEDIT)

Comment êtes-vous entré dans ce métier ?

Mes parents étaient dans le métier. Ils habitaient une petite ville en Bretagne. Ils n’étaient pas dans la joaillerie mais dans une bijouterie un peu plus traditionnelle. Je me suis installé à Rouen où j’ai rencontré mon épouse. Étant passionnés par tout ce qui est la création ou le dessin, nous avons eu envie de proposer autre chose que ce que l’on trouve habituellement, de fonder notre activité sur une sensibilité artistique. Vous verrez ici des pièces uniques. On ne crée pas une collection et on n’essaie pas de vendre des quantités.

Pendant des années, nous avons travaillé en tant que sous-traitants pour différentes maisons de la Place Vendôme. Les années ont passé et les différentes grandes marques ont été rachetées par de grands groupes qui ont décidé d’ouvrir des magasins à travers le monde. Ces marques vendent des séries. Nous, nous ne travaillons pas avec des séries.

Nous avons deux grandes collections, la ligne Arabesque et la ligne No 7. Ce sont des fils d’or assemblés à la main, notre collection est faite de pièces uniques.

Vous sortez de nouvelles collections tous les ans ?

Tous les ans, nous sortons des pièces nouvelles mais pas de collection. Nous pouvons dire que chaque mois nous sortons des pièces uniques.

Aujourd’hui il y a différentes manières de créer les bijoux : soit à l’ordinateur avec des imprimantes 3D, soit en fonderie. Ici ce sont des pièces uniques. On peut aussi créer un modèle autour d’une pierre.

Toutes nos pièces sont numérotées, signées et accompagnées d’un carnet avec l’histoire et les étapes de la création.

Quand vous achetez chez nous, vous êtes sûrs de ne pas trouver le même modèle ailleurs.

(© INEDIT)
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Certains joailliers existent depuis cent ans. Vous n’avez que 30 ans d’existence, comment se fait-il que , si jeunes, vous soyez déjà classés entreprise patrimoine de France ?

Ce n’est pas parce qu’une maison a été créée il y a cent ans qu’elle respecte les savoir-faire ! Je pense à une certaine maison qui a été créée il y a une centaine d’année. Elle a été rachetée par un groupe qui produit tout en Inde. Toute sa production est industrielle, et pourtant, c’est une maison très ancienne. Il y a 20 ans, alors que nous travailliions pour eux, ils faisaient des pièces absolument exceptionnelles et très variées.

Que signifient les savoir-faire dans votre métier ?

Par exemple, quand un jeune qui sort de l’école arrive chez nous, et qu’on lui demande de fabriquer une bague simple, en général il va passer 40 à 50 heures uniquement pour assembler les fils. Après deux à trois ans d’expérience chez nous, ce travail lui prendra entre 16 et 18 heures. Les savoir-faire, ce n’est pas uniquement dans la joaillerie. Dans le domaine de la fabrication des instruments de musique, par exemple, c’est pareil.

On apprend certaines choses à l’école, puis il y a de petites astuces que connaissent les artisans parce qu’ils fabriquent des bijoux ou des instruments de musique depuis 10, 15 ou 20 ans. Ce sont ces petites astuces qu’ils apprennent aux jeunes et c’est comme cela que les savoir-faire se transmettent.

Vous êtes maintenant aussi à Paris ?

Nous avons créé notre affaire à Rouen. Nous avons 2 000 clients fidèles. On a créé Paris car nous exportons un peu maintenant et tous les trois mois, je vais à Tokyo, où un de nos agents organise des expositions avec la clientèle VIP. Pour l’activité export, il fallait quand même une adresse à Paris. Partout dans le monde quand vous parlez de la place Saint-Germain-des-Prés à Paris, les gens savent où c’est. Car derrière la place Saint-Germain-des-Prés, il y a toute une histoire culturelle et littéraire. C’est vraiment l’endroit où les gens cherchent quelque chose de différent qui les identifie.

(© INEDIT)
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Qu’est-ce qui caractérise votre clientèle ?

La majorité de la clientèle est française. Sauf dans le magasin à Paris où 40 % du chiffre d’affaires est de l’exportation, surtout des Américains, un peu d’Italiens, mais surtout des Américains qui ont un appartement dans le quartier et qui partagent leur temps entre Los Angeles et Paris.

Quelles sont vos motivations pour continuer malgré les difficultés ?

J’aime mon métier. Quand vous voyez les gens dans la haute-couture qui travaillent tard le soir, ils ne comptent pas les heures qu’ils passent autour d’un objet. On fait cela parce qu’on aime. C’est un métier artistique. Quand vous dessinez un bijou, vous pouvez le dessiner partout. C’est une passion comme tout métier artistique.

Nous parlons avec les gens de ce qu’ils aiment et nous créons ensemble leur bijou. C’est une aventure commune et c’est ce qui est sympa.

Est-ce que vous voudriez créer une grande maison ou rester une petite entreprise familiale ?

Ce n’est pas du jour au lendemain que l’on crée une grande maison. Mais peut-être aussi que la clientèle intéressée par nos pièces est plus disposée à venir faire l’acquisition d’un bel objet à l’endroit où il est fabriqué plutôt que dans une boutique au bout du monde.

Par exemple, en Chine aujourd’hui, il y a ce désir d’authenticité d’aller à la source, de voir comment c’est fabriqué et de s’ouvrir à la culture de l’objet même.

(© INEDIT)
(© INEDIT)

Comment avez-vous conçu la bague Grand Palais il y a deux ans ?

L’idée m’est venue alors que j’étais dans un embouteillage devant le Grand Palais. J’avais mon fils au téléphone et je lui disait qu’il fallait quand-même réfléchir à une idée originale pour la biennale. J’étais justement en train de regarder la verrière du Grand Palais quand il m’a dit : « On devrait peut-être s’inspirer de la verrière… ». Et là j’ai répondu : « ça y est, c’est bon  ! ».

Mon fils m’a fait remarquer que la verrière du Grand Palais a été construite sans aucune soudure, qu’avec des boulons. La contrainte était alors de travailler sans chalumeau, un instrument indispensable pour le métier. Donc il a fallu miniaturiser tout cela.

Au salon Révélations 2015, créerez-vous encore un objet sur place ?

Nous sommes la seule société à déplacer notre atelier dans des salons pour y créer une pièce unique. Cette année, nous allons la dessiner le premier jour et, pendant les quatre jours, les visiteurs pourront voir sa progression.

Cette année le bijou fait appel à l’histoire de notre planète. L’idée est de rassembler tout ce qui compose notre planète. Nous fabriquerons une pièce au Grand Palais que nous garderons comme notre patrimoine et deux pièces numérotées et signées pourront être commandées. Ce sera la surprise !

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