Après un hommage très réussi à Jimi Hendrix, le brillant guitariste Nguyen Lê nominé meilleur guitariste international par le Echo Jazz 2015 (prix de la critique en Allemagne) aux côtés de Bill Frisell & Pat Metheny, s’attaque à Pink Floyd et à son album légendaire The Dark Side of the Moon qu’il enregistre avec Youn Sun Nah et le NDR Bigband et pour lequel il fait les arrangements.
À Coutances, il s’est produit au festival Jazz sous les pommiers à trois reprises avec son propre groupe « Dark side Nine », avec Henri Texier et Baraji. Le groupe Baraji, tout à fait traditionnel, base ses chansons sur les traditions ancestrales et les prières. La puissance sonore et émotionnelle qui en résulte est déroutante.
Comment est né le projet avec Baraji ?
Cela s’est fait à Séoul en juillet dernier à l’initiative de Youn Sun Nah, alors directrice artistique d’un festival basé sur les rencontres des musiques du monde et les musiques traditionnelles coréennes. Elle m’a invité pour jouer avec ce groupe. C’était son idée.
Était-ce votre première rencontre avec la musique coréenne ?
J’ai déjà fait une tournée en Corée avec mon trio asiatique Saiyuki, formé de Mieko Miyazaki du Japon et Prabhu Edouard d’Inde. Dans cette tournée, on avait invité un flûtiste coréen. Personnellement, j’adore la musique traditionnelle coréenne, c’est une musique que j’ai toujours trouvée très forte et très intense. Et donc j’étais ravi que Youn me donne la chance de rencontrer ces musiciens.
Il faut dire que Baraji est un groupe de jeunes musiciens. Ce qui est très important parce que le problème de la musique traditionnelle dans le monde entier c’est que ce sont de vieilles personnes qui la font vivre. C’est leur tradition. Mais là, ce sont des jeunes dans la trentaine qui font de la musique traditionnelle et c’est très important pour la culture de leur pays.
J’ai le même genre de préoccupations et depuis que j’ai commencé à faire mes propres disques en 1989, tout mon travail se base sur mes racines vietnamiennes.
Quand on parle de la musique asiatique, on pense au Zen, au minimalisme de la musique japonaise ou à des choses qui sont difficiles à comprendre. Mais la musique coréenne pour moi c’est l’Afrique. Les musiciens coréens, ce sont « les Africains de l’Asie ». Ils ont un sens du rythme, de la danse, de la passion, de l’énergie.
Il reste toujours le côté Zen même dans le tourbillon ?
C’est ça que j’adore dans l’Asie. C’est qu’il y a à la fois ce côté tranquille, « peaceful » et minimaliste et puis il y a aussi cette espèce d’explosion de passion.
Je dirai que Youn qu’on connaît bien ici, elle représente tout à fait ça, parce que sa propre musique a à la fois un côté mélancolique et intérieur, puis parfois elle « pète les plombs ».
Quand je l’ai invitée à participer au disque dans mon projet sur Pink Floyd, elle a utilisé ce côté-là que j’adore chez elle, qui la fait passer de la paix la plus extrême, à l’émotion la plus intense.
En tant qu’artiste dont l’instrument principal est la guitare électrique comment faites-vous pour passer d’un monde à l’autre, d’un projet sur Hendrix ou Pink Floyd à un projet comme Baraji ?
La vie est trop courte pour se limiter à une seule chose et dans Baraji paradoxalement j’exploite surtout deux côtés. Un côté assez électronique et planant, tout un travail sur les textures des sons que peut apporter la guitare électrique et le coté assez hendrixien, car quand ça joue, comme on dit, quand les Coréens, surtout au niveau de la percussion, quand il se mettent à cogner, c’est énorme ! Pour dialoguer, il faut sortir les armes. C’est le groupe traditionnel qui joue le plus fort que je connaisse. Autant je ne me mettrais pas à jouer du Hendrix avec les musiciens vietnamiens ; autant avec les Coréens…
Vous rajoutez vos propres racines même quand vous faites du Hendrix ou du Pink Floyd ?
Si on parle de mes racines vietnamiennes, j’ai beaucoup travaillé à ce que ces racines soient complétement intégrées à ma musique, le jeu de la guitare et mes compositions ça demande pas mal de travail car en fait le danger de tout ce « World Music » c’est une espèce de disparité. Qu’est-ce que la World Music ? Toutes ces musiques des rencontres sont basées sur deux éléments qui sont étrangers l’un à l’autre qu’on assemble d’une manière ou d’une autre. Parfois c’est juste un organisateur qui a eu l’idée de mettre ensemble X avec Y. Dans tous ces contextes de rencontres, j’ai toujours travaillé pour faire quelque chose d’homogène et de respectueux, de la vraie musique, pas juste jouer l’un à côté de l’autre.
Un prochain projet ?
Ça y est, c’est tout frais, je viens de commencer les premiers enregistrements pour mon prochain disque en duo avec Ngo Hong Quang, un musicien traditionnel vietnamien. C’est un musicien que j’ai rencontré il n’y a pas longtemps. Il chante, il joue de la vièle, du monocorde, de la guimbarde. Il est très passionné par les minorités ethniques du Vietnam qui ont aussi des musiques très spéciales et intéressantes. Lui, il est très traditionnel et moi je pousse vers la modernité. Le disque doit sortir cet automne, toujours avec le label allemand Act. Et je suis très excité de présenter toutes ses richesses au public occidental.
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