À huit jours de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, les syndicats organisent jeudi une onzième journée de mobilisation, espérant une nouvelle démonstration de force alors que les discussions avec le gouvernement sont dans l’impasse.
Au lendemain d’une rencontre avec Élisabeth Borne qui s’est soldée par un « échec » selon l’intersyndicale, celle-ci reste inflexible dans son refus du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans auquel l’exécutif ne veut pas renoncer. Mercredi, les leaders des huit principaux syndicats se sont rendus à Matignon, l’occasion pour eux de lui demander de « retirer » sa réforme, et d’affirmer haut et fort qu’ils refusent en attendant de « tourner la page » et « d’ouvrir, comme le propose le gouvernement, d’autres séquences de concertation ». Une situation de blocage à laquelle Elisabeth Borne a répondu en affirmant qu’elle n’envisageait « pas d’avancer sans les partenaires sociaux ».
Le gouvernement qualifié d’« obtus, radicalisé et déconnecté »
De son côté, l’entourage du président de la République, en déplacement en Chine jusqu’à samedi, a assumé un projet « porté démocratiquement » et rejeté la responsabilité de l’échec du dialogue sur les syndicats, et notamment la CFDT qui n’a pas « voulu entrer dans un compromis ». Des attaques qui ont eu pour effet de faire bondir le N.1 de la CFDT, Laurent Berger, qui a appelé Emmanuel Macron « à garder ses nerfs », mercredi soir sur BFMTV.
Plus tôt sur le perron de Matignon, les syndicats avaient donné à voir leur unité, après l’élection de la nouvelle secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, et appelé les Français à manifester et faire grève massivement. « Nous avons trouvé face à nous un gouvernement obtus, radicalisé et déconnecté », a déclaré Sophie Binet, qui a prévu de se rendre jeudi matin aux côtés des grévistes de Storengy, au stockage de gaz de Gournay-sur-Aronde (Oise). Maëva Bismuth, 35 ans, CPE dans un collège de Roubaix, cumule 10 journées de manifestation et sera encore dans la rue jeudi : « je suis très en colère parce que le gouvernement ne prend toujours pas la mesure de ce qui se passe ».
Côté grévistes, la mobilisation s’essoufle
Le 28 mars, la mobilisation avait marqué le pas, avec selon le ministère de l’Intérieur 740.000 manifestants en France, « plus de 2 millions » selon la CGT. Cette fois-ci les autorités attendent de source policière entre 600 et 800.000 personnes, dont 60 à 90.000 à Paris où le défilé ira d’Invalides à Place d’Italie. 11.500 policiers et gendarmes seront mobilisés, alors que les derniers cortèges ont été émaillés de tensions.
Le nombre de grévistes fléchit aussi. La SNCF prévoit de faire rouler trois TGV sur quatre et un TER sur deux, un trafic en nette amélioration par rapport aux journées précédentes. Le trafic sera « quasi normal » pour le métro et le RER à Paris. Dans l’Éducation nationale, autour de 20% des enseignants du primaire seront en grève, selon le Snuipp-FSU. Mardi, le groupe pétrolier Esso-ExxonMobil a annoncé le redémarrage de la production de sa raffinerie de Port-Jérôme-Gravenchon. La raffinerie voisine de TotalEnergies, à Gonfreville-L’Orcher est la seule dont la production est encore arrêtée en raison de la grève.
De nouvelles grèves en vue
Si les éboueurs parisiens ont repris le travail, un nouveau préavis a été déposé pour le 13 avril. Une intersyndicale est prévue dans la soirée au siège de Force ouvrière, au cours de laquelle les syndicats devraient annoncer une nouvelle journée de mobilisation avant la décision du Conseil constitutionnel.
Laurent Berger espère que les Sages censurent « l’ensemble de la loi » le 14 avril. À défaut, un feu vert à la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) sur les retraites pourrait aussi « être l’occasion de ne pas promulguer cette loi et de repartir sur de bonnes bases », a-t-il estimé. Dans cette hypothèse, les syndicats prévoient de mettre toute leur énergie pour réunir les quelque 4,87 millions de signatures requises.
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