La proposition de loi des députés Liot pour annuler la réforme des retraites est « contraire à la Constitution »: la majorité présidentielle a choisi son premier angle d’attaque pour faire barrage à ce texte à haut risque, au menu de l’Assemblée le 8 juin.
Les trois groupes constituant la majorité (Renaissance, Modem, Horizons), réunis mardi matin à huis clos pour convenir d’une stratégie, ont décidé de recourir à l’article 40 de la Loi fondamentale, et de soulever par là l’irrecevabilité financière du texte.
Couper court au débat piégeux
« Nous demandons à ce que nos institutions soient respectées. Nous ne lâcherons pas sur cette question de principe », a martelé devant la presse Aurore Bergé, patronne des députés Renaissance. Alors que l’exécutif cherche à sortir de la douloureuse séquence des retraites, il s’agit de couper court au débat piégeux qui se profile début juin sur ce texte.
Les syndicats, reçus mardi et mercredi à Matignon pour la première fois depuis la promulgation mi-avril de la réforme, entretiennent la contestation et ont appelé à une 14e journée de grève et manifestations le 6 juin, pour mettre la pression sur les députés.
Le groupe indépendant Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) présidé par Bertrand Pancher a inscrit ce texte d’abrogation à l’ordre du jour du Palais Bourbon dans le cadre d’une journée réservée à ses propositions.
Visant à annuler le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, il a le soutien de la gauche, du Rassemblement national (RN) et de certains députés Les Républicains, et a des chances d’être adopté en première lecture le 8 juin… Si l’Assemblée parvient jusqu’au vote.
Ne pas rejouer le « match des retraites »
Le camp présidentiel cogite sur le meilleur scénario, à 15 jours de l’examen du texte en commission et trois semaines de son passage dans l’hémicycle. Des réunions se sont tenues dimanche à Matignon et lundi à l’Élysée. Et les députés macronistes ont fait bloc mardi matin, entérinant le recours à l’arme constitutionnelle de l’article 40. Celui-ci prescrit que propositions et amendements des parlementaires ne sont pas recevables s’ils entraînent une diminution des recettes ou un alourdissement des charges publiques.
La majorité demande ainsi au président de la commission des Finances Éric Coquerel (LFI) de statuer sur la recevabilité du texte. « À lui de prendre ses responsabilités », a lancé Jean-Paul Mattei (MoDem), en épinglant une volonté « politicienne » des oppositions de « rejouer le match » des retraites.
Le rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve va également être sollicité. Et « s’il y a conflit entre eux », une réunion du bureau de l’Assemblée, plus haute instance collégiale, tranchera, avance Mme Bergé.
De rudes joutes juridiques et politiques à l’horizon
Emmanuel Macron s’est pourtant montré ouvert au débat sur le texte : le 8 juin, « pour la majorité, ce sera l’occasion de continuer à expliquer notre projet », a-t-il dit dimanche. Et « chacun devra prendre ses responsabilités et expliquer comment on finance », a-t-il tancé, en chiffrant la proposition Liot à 15 milliards d’euros. Ce serait même 22 milliards, en incluant les mesures notamment sur les carrières longues qui seraient conservées, d’après Renaissance.
L’attitude du groupe Liot est « populiste » et « on raconte des bobards aux Français », car le texte ne peut « aller au bout de son parcours parlementaire », étrille Laurent Marcangeli, président des députés Horizons. La proposition de loi a été déclarée recevable une première fois lors de son dépôt, par une délégation compétente du bureau de l’Assemblée.
Devant les chefs de file des groupes politiques, Mme Braun-Pivet a exclu mardi matin de revenir sur ce contrôle déjà effectué, en rappelant que depuis 1958, aucune proposition de loi n’a été déclarée irrecevable au stade de son dépôt, selon plusieurs participants. Sa position a été saluée à gauche. L’article 40 peut cependant être invoqué à tout moment, passé ce contrôle a priori, fait valoir Aurore Bergé, laissant augurer de rudes joutes juridiques et politiques.
D’autres moyens en réserve pour esquiver un vote
La présidente du groupe LFI Mathilde Panot a prévenu : bloquer l’examen du texte d’abrogation au nom de l’ « irrecevabilité financière » constituerait un « précédent extrêmement grave pour la séparation des pouvoirs » entre Parlement et exécutif.
« Vouloir empêcher l’Assemblée nationale, seule représentante du peuple, de se prononcer sur ce texte constituerait une dérive autoritaire inacceptable », avertit aussi le groupe Liot.
Si besoin, gouvernement et majorité ont d’autres moyens en réserve pour esquiver un vote, dont celui de faire de l’obstruction en faisant traîner les débats le 8 juin. « Il n’y a pas de bonne solution », d’après un cadre Renaissance.
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