ENTRETIEN – Dix jours après les violences qui ont secoué la capitale néerlandaise en marge du match du Maccabi Tel-Aviv à Amsterdam, Rob Roos, ancien eurodéputé du Parti des conservateurs et réformistes européens (ECR) et vice-président de New Direction, le think tank d’ECR, analyse la situation sécuritaire des Pays-Bas, puis revient sur les possibles conséquences en Europe de l’élection de Donald Trump. Le retour du républicain à la Maison-Blanche résonne à ses yeux comme une lueur d’espoir pour la défense des libertés fondamentales mises à mal sur le Vieux continent.
Epoch Times : En regardant les images des violences survenues à Amsterdam le 7 novembre, qualifiées d’actes antisémites par les autorités néerlandaises, quelle a été votre réaction ? Et quelle est votre lecture politique de ces évènements ?
Rob Roos : Ma première réaction fut un mélange d’émotions : de la colère mêlée à de la déception. Les Néerlandais ont toujours été un peuple tolérant : cette tolérance est une pierre angulaire de notre identité. Il me semblait donc inimaginable qu’une telle chose puisse se produire aux Pays-Bas. Ce n’est pas nous, ce n’est pas ce que nous sommes.
En fait, ce drame découle de décennies de politiquement correct, d’interdiction de parler librement des conséquences de l’immigration massive. Quiconque osait soulever ces questions se voyait immédiatement taxé de racisme – c’était ainsi que la gauche étouffait le débat. La première étape pour résoudre un problème, c’est pourtant de le nommer, d’en reconnaître l’existence.
Pim Fortuyn, assassiné en 2002, fut l’une des rares voix courageuses à dénoncer ce qui fermentait déjà depuis des décennies. J’ai cru que son meurtre agirait comme un électrochoc pour nos responsables politiques et qu’ils commenceraient enfin à s’attaquer aux enjeux sécuritaires, migratoires et culturels. Mais au lieu de cela, ils sont passés à autre chose, persistant à ignorer les signaux d’alerte.
Désormais, les Pays-Bas sont confrontés à une crise de l’insécurité assortie d’un grave problème de criminalité organisée, notamment avec la « Mocro Mafia », qui implique de nombreux jeunes hommes marocains, en particulier dans le trafic de drogue. Mais au-delà de la seule criminalité, il y a aussi dans les zones à forte concentration migratoire un manque préoccupant de respect envers ceux qui ne partagent pas la foi islamique et envers les femmes.
Le verrouillage du débat public durant toutes ces années a conduit à une aggravation de la situation, si bien qu’aujourd’hui, nous constatons des parallèles troublants avec les années 1930 dans la manière dont les Juifs sont traités en Europe. À mes yeux, la communauté juive, c’est « le canari dans la mine de charbon ». Une fois que les musulmans radicaux en auront fini avec les Juifs, ils ne s’arrêteront pas là : d’autres suivront, inévitablement.
Bien sûr, de nombreux musulmans s’intègrent avec succès et contribuent positivement à notre société. Mais les différences culturelles ne peuvent être ignorées. Ce que certains appellent « multiculturalisme » engendre davantage de la ségrégation. Au lieu de promouvoir un cadre culturel commun, la vision idéologique qui a dominé nos sociétés débouchent sur des sociétés parallèles qui vivent côte à côte sans jamais réellement pouvoir vivre ensemble.
Arrivé en tête des élections de novembre 2023, le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders, allié au sein du gouvernement à trois autres partis de droite et du centre droit, a-t-il concrètement agi depuis son accession au pouvoir pour remédier à la crise sécuritaire et migratoire ?
Depuis les élections de novembre 2023, j’ai entendu beaucoup de paroles fortes—Geert Wilders a eu raison de mettre les problèmes sécuritaires et migratoires en lumière, que ce soit sur X ou au parlement—mais je n’ai pas vu beaucoup d’actions concrètes.
Ce qui compte pour moi, ce sont les résultats, et force est de constater qu’ils ne sont pas au rendez-vous. Suite aux agressions antisémites à Amsterdam, il est désormais question de révoquer les passeports des musulmans impliqués dans ces récents pogroms. C’est un début, certes, mais il reste tant à accomplir.
Premièrement, le niveau d’entrées sur le territoire néerlandais se maintient à des niveaux insoutenables. Chaque semaine, 1 000 à 1 500 personnes entrent dans le pays, alors même que nous n’avons même plus assez de logements pour nos propres enfants ; des migrants sont, eux, hébergés dans des hôtels luxueux au coût de 400 € par nuit. Notre capacité d’accueil est à bout. Et pourtant, l’afflux continue, que le PVV, malgré ses discours percutants, n’a pas réussi à endiguer.
Nous devrions également nous pencher sur les mosquées qui propagent des discours de haine en s’attaquant aux financements étrangers. Il s’agit d’ingérences étrangères mettant en danger nos valeurs démocratiques, pareilles mesures pourraient donc être adoptées immédiatement : le cadre juridique existe déjà. Pourtant, rien n’est fait.
De la même façon, les mosquées qui promeuvent l’extrémisme devraient être fermées, et les imams qui incitent à la division et à la violence, expulsés. À ce jour, là aussi, rien n’a été fait. L’éducation est un autre domaine essentiel. Il faudrait par exemple s’assurer que l’histoire de la Shoah soit enseignée à tous les jeunes, sans exception, dans les programmes scolaires.
L’ensemble de ces initiatives représente des solutions à portée de main, mais elles nécessitent toutefois une volonté politique déterminée. Très honnêtement, j’ai perdu espoir de voir un changement significatif se produire de sitôt.
Un évènement récent qui vous a rendu plus optimiste, l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, le 5 novembre. De quoi sa victoire est-elle le nom selon vous ?
La réélection du président Trump n’est pas seulement une victoire : c’est un triomphe. L’Amérique est devenue rouge, et même bien plus rouge dans des États traditionnellement bleus, où le contrôle de la carte d’identité au moment du vote n’était pas requis, comme la Californie.
En plus de remporter le vote populaire, les républicains contrôlent désormais la Chambre des représentants, le Sénat, et la Cour suprême. Aussi, rien ne se dresse sur le chemin de l’administration Trump pour démanteler les agendas woke et mondialistes. Cela me réjouit profondément, car ce n’est pas seulement bénéfique pour les États-Unis—cela profite aussi à l’Europe.
Je suis convaincu que les États-Unis sous Donald Trump lutteront contre les organisations mondialistes telles que le Forum économique mondial, l’Organisation mondiale de la santé, et les Nations unies. Ces organisations ont imposé des agendas « top-down » —sur le climat, l’immigration, ou encore le genre—qui sapent nos valeurs démocratiques et la civilisation occidentale.
Trump a en outre choisi une équipe excellente à même de conduire les changements attendus par le peuple américain : Robert Kennedy Jr, Elon Musk, Vivek Ramaswamy, Tulsi Gabbard, et d’autres patriotes authentiques. Ensemble, ils se battront pour la liberté, œuvreront pour rendre le pouvoir au peuple, défieront l’influence de Big Pharma, Big Food, et d’autres puissants intérêts corporatifs. Il s’agit d’un tournant crucial pour l’Amérique.
Cependant, le retour de Trump à la Maison-Blanche s’accompagnera aussi de grands défis économiques pour l’Europe. Avec des leaders comme Musk et Ramaswamy à la tête du Département de l’Efficacité gouvernementale, les États-Unis deviendront une machine économique encore plus puissante et efficace.
Prenez un instant pour réfléchir à ceci : lors de la crise financière de 2008, l’économie de l’UE était quasiment de la même taille que celle des États-Unis. Seulement quinze ans plus tard, l’économie américaine a doublé, tandis que l’Europe accuse un retard considérable. Nos systèmes sur-régulés et nos politiques irresponsables rendent de plus en plus difficile la concurrence avec les États-Unis.
J’avais averti contre le Green Deal lorsqu’il a été introduit, le qualifiant d’expérimentation irresponsable avec notre économie. Aujourd’hui, nous en voyons les conséquences, de l’Allemagne à la France, jusqu’à la Pologne, qui subit désormais le contrecoup de l’élection du progressiste Donald Tusk.
La croissance économique de l’Europe est à peine de 1%, bien loin de ce que nous accomplissions autrefois. À moins que l’Europe ne se ressaisisse, son économie continuera d’en pâtir.
JD Vance, le futur vice-président de Donald Trump, a soutenu dans une interview que les États-Unis pourraient retirer leur soutien à l’OTAN si l’Union européenne décidait de réguler X, faisant valoir qu’il n’y aurait pas de raison de défendre une UE opposée aux valeurs américaines, à commencer par la liberté d’expression. D’après votre expérience politique, pensez-vous que l’Europe acceptera de mettre de l’eau dans son vin ou bien préférera-t-elle persister dans ses dérives woke ?
Notre sécurité collective repose fortement sur notre relation avec les États-Unis. Malgré les ambitions de certains politiciens fédéralistes, qui appellent de leurs vœux la création d’une armée européenne, l’Alliance atlantique reste la garantie la plus fiable de notre sécurité. Aussi, la Commission devrait se montrer raisonnable, car appliquer le Digital Services Act et bannir X sur le territoire européen pourrait provoquer de sérieuses répercussions.
Le président Trump restera fidèle à son principe de placer l’Amérique en premier—c’est avant tout un patriote. À ce titre, il compte défendre les entreprises américaines. Tim Cook, le patron d’Apple, l’a d’ailleurs déjà appelé pour se plaindre des sanctions européennes imposées à son entreprise.
Donald Trump ayant noué un lien solide avec Elon Musk, si l’UE ou la Commission européenne va trop loin, des mesures de rétorsion, comme par exemple des droits de douane, pourraient donc être prises en représailles. N’oublions pas que l’Europe dépend également des approvisionnements énergétiques américains, notamment du gaz naturel liquéfié (GNL). Autant de leviers de pression à la disposition des Etats-Unis.
Si nous mettons à mal notre relation avec les États-Unis par des politiques mal pensées ou des conflits inutiles, nous risquons non seulement de subir des revers économiques, mais aussi d’affaiblir notre alliance stratégique. L’UE doit donc reconnaître cette réalité et agir en conséquence.
Cependant, ce que nous avons observé ces derniers jours avec le cycle d’audition des commissaires européens, illustre à quel point la gauche est sans scrupule et n’a aucune honte à recourir à tous les stratagèmes possibles pour imposer « sa vision de la vérité ». En opposition au PPE, les socialistes bloquent ainsi l’attribution de la vice-présidence de la Commission à l’italien Raffaele Fitto (Fratelli d’Italia, Conservateurs et Réformistes européens). Dans leur novlangue, l’exclusion, c’est la démocratie.
J’espère malgré tout que le bon sens prévaudra au sein de la Commission européenne, même avec Ursula von der Leyen à sa tête, bien que je reste sceptique au regard du bilan de son premier mandat. Avec des commissaires comme Fitto et d’autres membres issus du centre-droit, je crois néanmoins qu’il existe une réelle opportunité de changer de cap.
Lors de la Worldwide Freedom Initiative organisée à Paris en novembre 2023, vous avez prononcé un discours alertant sur l’érosion de la démocratie sous l’influence de la technocratie. Vous avez notamment dénoncé l’Agenda 2030, que vous qualifiez de « projet socialiste et mondialiste » menaçant les libertés fondamentales. Si les partis de droite critiquent fréquemment les conséquences de l’immigration massive, estimez-vous, au regard de votre expérience au sein des institutions européennes, qu’ils dénoncent suffisamment ce programme et ses dangers ?
Faim « zéro », pas de pauvreté, éducation de qualité… sur le papier, les Objectifs de Développement Durable (ODD) mis en avant par l’ONU sont parfaitement louables, mais utopiques : en réalité, cet agenda masque la volonté d’instaurer un nouveau type de communisme. Peu le dénoncent.
Tout d’abord, les socialistes et les verts, que je préfère appeler les communistes du climat, militent en sa faveur. Au centre, les libéraux et le PPE ne s’y opposent pas, par cynisme ou par conformisme. Peu d’élus osent nager à contre-courant et exprimer ce qu’ils pensent vraiment : ceux qui ne se plient pas à ce consensus idéologique risqueraient de se voir priver de l’accès aux postes prestigieux qu’ils convoitent.
Enfin, à droite, quelques courageux osent nommer le problème, mais ils se font rapidement taxés d’« d’extrême droite » ou de « conspirationnistes ». Pourtant, il est urgent d’agir davantage.
C’est pourquoi je lance un appel aux politiques, qu’ils siègent au sein du Parlement européen ou dans les parlements nationaux : osez-vous exprimer et dénoncer l’Agenda 2030. Cette feuille de route pilotée par une organisation supranationale constitue une menace existentielle pour nos démocraties.
Tous les politiques de droite doivent se mobiliser et agir. Cela requiert du courage politique, mais les faits sont de notre côté. Nos positions s’appuyant sur la raison et la vérité, il est temps de les défendre avec assurance et sans compromis.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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