Ancien garde des Sceaux sous François Mitterrand, Robert Badinter est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi à l’âge de 95 ans. Il est notamment connu pour avoir fait voter l’abolition de la peine de mort en 1981.
Homme mince et élégant aux épais sourcils noirs, défenseur d’une France « au service des libertés et des droits de l’homme », il tenait sa soif de justice d’une adolescence marquée par la Seconde Guerre mondiale. Né à Paris le 30 mars 1928, il est issu d’une famille juive, émigrée de Bessarabie (l’actuelle Moldavie). En 1942, alors qu’il n’a que 14 ans, son père est arrêté sous ses yeux à Lyon. Il mourra en déportation dans le camp de concentration de Sobibor (Pologne), tandis que sa famille est réfugiée en Savoie.
Après des études de lettres et de droit, et un diplôme de l’université Columbia (États-Unis) comme boursier, Robert Badinter devient avocat au barreau de Paris et mène parallèlement une carrière d’enseignant universitaire. Cofondateur avec Jean-Denis Bredin d’un prestigieux cabinet d’avocats d’affaires, il défend des personnalités, des grands noms de la presse ou de l’entreprise, et plaide occasionnellement aux assises.
Divorcé d’une actrice épousée dans les années 1950, ce grand bourgeois est marié depuis 1966 à la philosophe Élisabeth Badinter, née Bleustein-Blanchet, avec qui il a eu trois enfants.
Carrière politique
Son combat contre la peine de mort trouve son origine dans ce matin du 28 novembre 1972 : un de ses clients, Roger Bontemps, complice d’une prise d’otages meurtrière, vient d’être exécuté. Cela « remet en question votre vision de la justice. Je me suis juré, en quittant la cour de la Santé ce matin-là à l’aube, que toute ma vie je combattrai la peine de mort », avait-il déclaré à l’AFP en 2021.
Respecté aujourd’hui pour son humanisme au service du droit, Robert Badinter a longtemps été un avocat détesté, à cause de son supposé laxisme à l’égard des criminels. En 1977, il évite la peine capitale au meurtrier d’enfant Patrick Henry, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est accueilli par de la fureur et de l’incompréhension.
Après cela, cinq autres hommes échappent grâce à lui à l’échafaud. Dans ces années-là, il arrive souvent à Robert Badinter de monter les marches des tribunaux sous les insultes et de recevoir des lettres de menace. « Pour l’opinion publique, j’étais l’avocat des assassins », reconnaît-il. « On entrait au palais de justice par la grande porte, et après le verdict, lorsque l’accusé avait sauvé sa tête, il fallait s’en aller bien souvent par un escalier dérobé » pour éviter la colère de la foule, racontera-t-il.
Le 17 septembre 1981, il défend devant l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort qui sera votée puis promulguée le 9 octobre. Le 3 juin 1983, des centaines de policiers manifestent sous les fenêtres de son bureau aux cris de « Badinter assassin ! » et « Badinter à Moscou ! ». Le patron de la police devra démissionner.
En 1983, alors ministre de la Justice, il obtient de la Bolivie l’extradition de Klaus Barbie, l’ancien chef de la Gestapo à Lyon. Reconnu coupable de crimes contre l’humanité, Barbie sera condamné en 1987 à la prison à perpétuité. Robert Badinter, qui a toujours rejeté la « haine justicière », soutiendra en 2001 la libération pour raison d’âge de l’ancien préfet de police et ministre Maurice Papon, 90 ans, condamné pour complicité de crimes contre l’humanité.
Après son départ du gouvernement, il préside pendant neuf ans le Conseil Constitutionnel (1986-95), puis sénateur socialiste jusqu’en 2011.
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