Le diable n’est pas un détail pour l’Eglise catholique: le pape en parle abondamment et, rien qu’en France, une centaine de prêtres exercent une mission d’exorciste, en réponse à une demande des fidèles ou même de non-croyants, et souvent loin des clichés. Plus souvent que ses prédécesseurs, le pape François évoque la présence du diable et le combat spirituel contre cet « être personnel qui nous harcèle ».
L’exorcisme, auquel Jésus avait recours selon les Evangiles, revient à lutter contre les forces démoniaques qui peuvent « infester » voire « posséder » une personne. Le cinéma a retenu ses manifestations les plus spectaculaires, comme dans le film « L’Exorciste » (1973) de William Friedkin. La pratique, dont l’Eglise n’a pas l’exclusivité, n’est pas appréciée de tous. Elle est presque tombée en désuétude dans la dynamique moderne du concile Vatican II (1962-1965). Il a fallu attendre 2014 pour que le Vatican reconnaisse une Association internationale des exorcistes.
La Conférence des évêques de France (CEF) s’est elle-même dotée d’un « bureau national des exorcistes » faisant le lien entre la centaine de prêtres exerçant officiellement cette délicate mission, qui répond à des besoins en hausse selon l’Eglise. A Paris, le « service de l’exorcisme » enregistre 2.500 prises de contact par an. Une cinquantaine aboutissent à un exorcisme par un prêtre.
« On est dans une société dure, éprouvante, où les gens sont de plus en plus seuls. La pastorale de l’exorcisme s’emploie à ce que chaque personne soit accompagnée », explique à l’AFP le père Emmanuel Coquet, secrétaire général adjoint de la CEF. Exorciste pour le diocèse de Belley-Ars, dans le nord de la France, le père Emmanuel Faure programme un rendez-vous par semaine, mais tient à démystifier la fonction: « C’est un apostolat de miséricorde, on accueille la souffrance des personnes ».
Si quelques prêtres acceptent de parler de leur mission, les personnes exorcisées gardent souvent le silence sur une démarche qui relève de l’intime. Qui sont-elles? « De tous âges et milieux, des catholiques, des gens qui reviennent vers l’Eglise, des adeptes de la médecine parallèle… » Les femmes y sont majoritaires, mais « ces derniers temps, j’ai vu pas mal d’hommes: pour qu’ils viennent, il faut qu’ils en aient gros sur le cœur », dit le père Faure.
Ce quinquagénaire peut bénir la personne avec un crucifix, lui proposer d’embrasser la croix. Sa mission passe par l’écoute, l’échange et le respect du « rituel de l’exorcisme », petit livre de cuir rouge confié par l’évêque au prêtre. Une prière appelle à libérer la personne des puissances maléfiques. Puis, si nécessaire, le prêtre interpelle directement le « prince des ténèbres » par le fameux « Satan, va-t’en! ». « C’est très biblique », observe le père Faure.
« Les gens ont comme repère le film +L’Exorciste+: il faut que ça grogne, que ça bouge« , souffle le prêtre. Or, « 99% des personnes ont besoin de rencontrer un Dieu d’amour et de paix: nous ne sommes pas là pour activer la pompe à peur ».
D’autres exorcistes, plus traditionalistes, ne jurent que par le vieux rituel en latin, vantant son plus grand pouvoir « sacré ». « Avec celui de Vatican II, on est plutôt dans des actions de délivrance contre les sortilèges, les maléfices… Mais face à des possessions démoniaques, ça ne porte pas trop de fruit », tranche George de Saint Hirst, membre de l’Eglise vieille-catholique romaine (indépendante du Vatican), qui se targue de pratiquer un millier d’exorcismes par an dans son prieuré du pays niçois.
« Des personnes victimes de forces occultes vont voir un marabout, un thérapeute… Puis parfois un prêtre. Une petite lumière allumée pour leur faire prendre conscience qu’elles ont une âme et qu’il faut la soigner », dit-il.
Face aux dérives, les diocèses mettent en garde contre des exorcistes « non mandatés » se présentant sur internet comme « monseigneur ». « Certains veulent en faire un commerce, ce qui doit alerter: l’Eglise ne fait jamais payer », avertit le père Coquet. Autre critère: « Ce qui est proposé sert-il la liberté de la personne? »
« Il ne s’agit pas d’être des spécialistes du diable mais des amoureux de Dieu qui cherchent à déployer son action », souligne le responsable épiscopal. Contre le Malin, « c’est ça, finalement, qui est le plus efficace ».
DC avec AFP
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