Siméon le Stylite (vers 390-459) a enduré l’inimaginable pour s’élever et se rapprocher de Dieu.
Très jeune, il entend un sermon sur les Béatitudes et décide de consacrer sa vie à purifier son cœur afin de faire partie des bienheureux proches de Dieu.
Il ne lui faut pas longtemps pour rejoindre la vie monastique, il se met à pratiquer l’autodiscipline et de sévères privations et élabore une forme personnelle d’ascétisme visant à purifier le cœur. Mais les autres moines, trouvant son ascétisme trop extrême, l’exilent du monastère.
Siméon ne se laisse pas décourager et continue à pratiquer son abnégation tout seul dans une petite cabane. Après trois ans, il quitte sa cabane et vit dans le désert comme un reclus. C’est ici, à l’air libre, qu’il peut pratiquer véritablement.
On commence à entendre parler de sa forme extrême d’ascétisme, et bien vite Siméon est considéré comme un saint. Rejoindre saint Siméon devient donc le but de nombreux pèlerins. Certains viennent pour le suivre, d’autres pour lui poser des questions, certains s’interrogent sur Dieu, d’autres veulent des conseils ou espèrent être guéris.
Toutefois, le temps que Siméon consacre aux fidèles interfère avec le temps nécessaire à la purification de son cœur dans la dévotion à Dieu. Un jour, Siméon remarque le pilier d’une ancienne ruine. Inspiré, il construit un pilier à son tour, afin de s’élever au-dessus des fidèles et poursuivre sa pratique dans la solitude.
Son premier pilier n’a que quatre mètres de hauteur, mais les disciples décident de soutenir son effort spirituel. On ne tarde pas à l’aider pour construire un pilier s’élevant à 15-20 mètres au-dessus du sol. Les fidèles attendent dès lors au pied du pilier que le saint vienne partager sa sagesse céleste et lui apportent parfois de la nourriture.
Siméon passera le reste de sa vie au sommet de son pilier, purifiant son cœur par ses pratiques ascétiques dans le but de se rapprocher de Dieu. Il mourra dans la prière.
« Saint Siméon le Stylite en Égypte »
Le dessin de Louis Frédéric Schützenberger « Saint Siméon le Stylite en Égypte » montre Siméon sur son pilier en pleine prière. Il n’est pas totalement au centre, il est légèrement à droite. Debout, les mains jointes, il a les yeux fermés. Il est vêtu de la bure à capuche des moines chrétiens.
En équilibre sur les côtés du pilier, on trouve deux objets. Le premier semble être le chapelet dont Siméon fait usage pour prier. L’autre est probablement un sac de nourriture, de ceux que les disciples lui remontent de temps à autre.
En dessous, dans le coin inférieur gauche, on peut voir d’autres piliers, ceux de ruines antiques. Au contraste léger et peu élaborés, ils ne retiennent pas vraiment l’attention et ne servent donc qu’à nous ramener vers Siméon, le point focal.
Siméon fait face à la partie supérieure gauche de la composition, d’où émane de la lumière. Il n’y a aucun élément en arrière-plan, rien pour divertir les yeux. Il n’y a que le saint et la lumière.
Le royaume des cieux est à l’intérieur
Ici, l’apparence de Siméon nous rappelle que la transcendance, en tant que relation purifiée avec Dieu, vient de l’intérieur.
Le langage corporel de Siméon exprime des sentiments profonds et sincères. Ses mains sont jointes devant son cœur, et sa bouche est doucement ouverte, comme si chacune de ses respirations était imprégnée d’amour.
Les yeux de Siméon sont fermés et il ne peut pas voir la lumière à laquelle il fait face, mais il semble qu’il puisse encore sentir la chaleur de cette lumière de tout son être. Le sillon de son front suggère l’intensité de ce qu’il ressent.
Les piliers des ruines antiques (ceux-là mêmes qui l’ont inspiré pour construire son propre pilier) sont au loin et ne jouent plus qu’un rôle secondaire. Dans son parcours spirituel, Siméon a depuis longtemps dépassé ce que ces piliers antiques signifiaient initialement pour lui.
Ces piliers antiques à l’arrière-plan représentent tout de même des traditions anciennes et droites. Ces traditions, suggère le dessin, peuvent servir d’étape initiale pour nous élever au-dessus des préoccupations bassement matérielles, mais elles ne se substituent en aucun cas à une relation sincère et pure avec Dieu.
Bien que la nourriture et le chapelet soient à ses pieds, Siméon ne semble pas s’en préoccuper. Comme les anciens piliers, Siméon a peut-être initialement utilisé le chapelet comme un catalyseur pour s’élever spirituellement, mais maintenant le chapelet repose à ses pieds. S’il s’alimente encore (bien qu’il ait passé des années à jeûner durant de longs mois), la nourriture relayée à l’arrière-plan ne semble pas avoir d’importance.
La relation de Siméon à Dieu semble avoir atteint un tel degré de pureté que les artefacts d’autrefois sont désormais inutiles. Il semble qu’il n’ait plus faim, ni soif et il a dépassé toutes les choses matérielles. C’est ce que symbolisent les anciens piliers, le chapelet et le sac de provisions, esquissés grossièrement. Siméon s’accomplit pleinement dans sa relation avec Dieu.
Siméon semble avoir initialement essayé de se rapprocher de Dieu en s’élevant physiquement jusqu’au moment où sa croissance spirituelle exigeait une élévation intérieure : endurer la douleur n’était plus suffisant, il fallait se purifier, éliminer toute chose terrestre du cœur et de l’esprit pour se rapprocher de Dieu.
Peut-être devrions nous également rechercher la purification intérieure, nous élever au-dessus du monde matériel pour le transcender en nettoyant notre esprit pour devenir dignes d’être proches de Dieu et de la lumière de Dieu.
C’est probablement en purifiant le royaume des cieux en nous-mêmes (comme en préparant notre maison pour un invité important) que nous pourrons nous accueillir l’amour de Dieu. Quel meilleur invité pourrions-nous recevoir dans notre royaume intérieur ?
L’art a la capacité incroyable de montrer ce qui ne peut être vu, afin que nous puissions nous interroger : « Qu’est-ce que cela signifie pour moi, pour les autres ? » « Comment cette œuvre a-t-elle influencé le passé et comment pourrait-elle influencer l’avenir ? » « Qu’est-ce que cela suggère à propos de l’expérience humaine ? » Voilà quelques-unes des questions explorées dans la série « Atteindre l’intérieur: ce que l’art traditionnel offre comme réflexion sur nous-mêmes ».
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