S’habiller en « made in Senegal », nouvelle tendance à Dakar

Par Epoch Times avec AFP
6 février 2025 09:50 Mis à jour: 6 février 2025 10:00

« Oh c’est magnifique! », s’exclame Fatima Ba, designer en vogue de tenues « made in Senegal », pendant qu’une cliente essaie l’un de ses vêtements, dans sa spacieuse boutique du centre de Dakar. Le modèle est une élégante robe ample à col V profond et manches trois quarts, cousue avec du tissu en soie couleur ocre et orné de motifs dorés.

La jeune Sénégalaise, fondatrice de la marque « So Fatoo », à l’instar de jeunes entrepreneurs, a réussi à imposer dans le pays et au-delà sa ligne de vêtements faits localement, malgré une industrie textile sénégalaise qui peine à sortir du marasme.

Robes, tenues traditionnelles élégantes pour homme, chemises, polos, pulls, voiles… Les clients, issus généralement d’une classe moyenne supérieure, s’arrachent ses articles. « Il y a dix ans en arrière les gens ne portaient pas autant de tenues confectionnées localement », assure avec fierté à l’AFP Fatima Ba.

La mode tradi-moderne

Elles « sont très tendance actuellement », abonde Omar Niang, un couturier de 51 ans qui propose des boubous tradi-modernes exposés sur des mannequins, dans un marché de Dakar. Son chiffre d’affaires a augmenté de façon notable ces dernières années, indique-t-il.

Les vêtements confectionnés au pays connaissent un succès grandissant depuis plusieurs années. La tendance s’est accrue depuis l’accession au pouvoir en mars 2024 du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, chantres d’un souverainisme économique et culturel.

Grands boubous en bazin ornés de broderie ou boubous sur mesure en col Mao ou col rond dits costumes africains: les deux nouveaux hommes forts du Sénégal ne manquent jamais l’occasion de s’afficher à l’international comme à l’intérieur du pays en tenue faite localement.

Le style et les marques locales ont le vent en poupe

Au bureau, dans la rue, lors de rencontres officielles, de nombreux Sénégalais optent plus qu’auparavant pour le style et les marques locales. Pourtant, les obstacles sont nombreux pour les fabricants: impôts lourds à supporter, forte concurrence de la friperie et des tissus importés de l’étranger, coûts de production élevés, manque de formation des acteurs, difficultés d’accès à un appui financier…

L’industrie textile représente 11,3% des entreprises privées sénégalaises et occupe la deuxième place de l’activité économique du pays derrière le commerce, selon un rapport en 2017 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie au Sénégal (ANSD). Le secteur tient toutefois le plus faible rendement économique, avec seulement 1,2% dans le chiffre d’affaires global des entreprises, souligne le rapport.

Les articles « s’adressent surtout à une classe sociale aisée »

Autre écueil, les prix sont chers et la qualité pas toujours au rendez-vous, selon de nombreux Sénégalais qui préfèrent encore se tourner vers des produits étrangers. Chez « So Fatoo », les prix varient ainsi entre 30.000 FCFA (45 euros) pour un pull et jusqu’à plus de 300.000 FCFA (457 euros) pour une robe de cérémonie, quand le salaire moyen est de 54.000 FCFA (82 euros) par mois. Les articles « s’adressent surtout à une classe sociale aisée », reconnaît Fatima.

S’il est facile de trouver son compte pour les tenues traditionnelles, le marché est encore balbutiant concernant la fabrication de vêtements jugés plus confortables comme les jeans, joggings, T-shirts…

L’absence d’une industrie textile suffisante

Tout cela s’explique par l’absence d’une industrie textile capable d’approvisionner suffisamment le marché en tissu, mais également à un problème de technicité et de standardisation de la chaîne de valeur, explique Fatima.

Le Sénégal, important producteur de coton, était pourtant connu par le passé pour être un hub industriel du textile. Mais l’activité s’est totalement effondrée dans les années 80.

Exerçant depuis 30 ans dans le textile, Aïssa Dione a récemment mis sur pied une unité de production mécanique de tissus, en plus d’un atelier artisanal.

Un tisserand arrange ses fils dans l’unité de production artisanale de Aissa Dione à Dakar, le 8 janvier 2025. (SEYLLOU/AFP via Getty Images)

La manufacture est nichée dans un vaste espace de la banlieue dakaroise exposé à la poussière, jonché de carcasses de voitures et de détritus. En cette matinée, seules deux des quatre machines, de vieux modèles, tournent à plein régime, rembobinant des mètres de tissu.

Arriver à transformer le coton

Mais les quelque 30 mètres fabriqués par jour ressemblent à un coup d’épée dans l’eau tant ils sont dérisoires, alors que le potentiel pour faire beaucoup mieux est à portée de main, regrette Aïssa Dione.

Un tisserand vérifie un tissu à l’unité de production artisanale d’Aissa Dione à Dakar le 8 janvier 2025. (SEYLLOU/AFP via Getty Images)

« Le Sénégal produit un coton de très bonne qualité mais est incapable de transformer sa matière première. C’est paradoxal », relève-t-elle. Or, l’industrialisation est la « seule solution pour obtenir notre souveraineté » en matière textile.

Un tisserand arrange ses fils dans l’unité de production artisanale de Aissa Dione à Dakar, le 8 janvier 2025. (SEYLLOU/AFP via Getty Images)

Interdire à l’avenir l’importation de la friperie

Pour redynamiser le secteur, les nouvelles autorités ont relancé en juillet une ancienne usine de production de textile dans la région de Kaolack (centre). Elles ont récemment exprimé également leur volonté d’interdire à l’avenir l’importation de la friperie, un business qui fait travailler de nombreux Sénégalais.

L’annonce avait toutefois provoqué une levée de boucliers de la part des acteurs du secteur, alors que le Sénégal importe chaque année des milliers de tonnes de vêtements de seconde main, beaucoup moins chers.

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