Quand les combats ont éclaté mi-avril au Soudan, Rosa Yusif Elias a pris la route, à pied, avec ses sept enfants, vers son pays natal, le Soudan du Sud, espérant y trouver la sécurité.
La famille a laissé la violence derrière elle, mais elle est désormais bloquée depuis des semaines juste de l’autre côté de la frontière, dans un camp isolé et insalubre, submergé par l’arrivée soudaine de dizaines de milliers de personnes, à une cinquantaine de kilomètres de la ville sud-soudanaise de Renk.
« Cet endroit est plein de mouches et de serpents, et la nourriture n’est pas bonne », explique Rosa Yusif Elias : « Nos enfants (…), certains ont contracté la diarrhée. Ces derniers jours, trois enfants sont morts dans ce camp », ajoute-t-elle. « Nous souffrons, des enfants meurent », abonde une autre réfugiée, Santuke Danga : « On fait la queue pour avoir du porridge pour les enfants ; au point d’eau, les gens se battent ; il n’y a pas de sécurité et parfois des hyènes viennent. »
Cet afflux aussi soudain que massif de réfugiés vient fragiliser une situation déjà très précaire au Soudan du Sud, où violences politico-éthniques, famine et catastrophes naturelles continuent de miner le pays ravagé par une guerre civile entre 2013 et 2018. En temps normal, les ONG peinent à subvenir aux besoins fondamentaux des habitants dans un pays où les deux-tiers de la population dépendent de l’aide humanitaire.
Des enfants déshydratés et mal nourris
Depuis le début des combats au Soudan voisin il y a près deux mois, plus de 100.000 personnes ont fui au Soudan du Sud, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Dans le camp situé près de Renk, certains arrivent à dos d’âne, trop faibles pour marcher. Les enfants sont parmi les plus durement touchés, déshydratés et mal nourris après un éprouvant voyage de plusieurs centaines de kilomètres à travers les terres semi-arides du sud du Soudan.
Dans la longue file d’attente devant un dispensaire, Kony Puk patiente avec sa fille d’un an et demi pour voir un médecin. Elle souffre de malnutrition aiguë sévère, une condition potentiellement mortelle. « Elle s’est sentie malade et il n’y avait pas de médicaments à Khartoum à cause des combats », explique ce père de deux enfants : « Nous avons mis deux semaines pour arriver ici et sur le trajet, elle ne prenait que de l’eau et du lait de sa mère. »
Selon Asunta Agok, qui travaille pour le HCR, plusieurs personnes sont mortes peu après leur arrivée, dont un bébé. « L’enfant a eu une maladie foudroyante et il n’y avait pas d’équipe médicale sur le terrain pour fournir une assistance », raconte-t-elle.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) et d’autres organisations humanitaires opérant dans le camp avertissent que la situation pourrait empirer. « Cet endroit n’a pas la capacité pour accueillir et venir en aide à ces personnes », affirme Leonidace Rugemalila, responsable du PAM à Renk : « Et avec la saison des pluies (qui s’étend d’avril à novembre, ndlr) , on peut s’attendre à des maladies comme le choléra. Et les cas de malnutrition pourraient augmenter. »
Beaucoup aimeraient quitter le camp mais Renk se trouve dans une zone reculée du nord-est du Soudan du Sud, peu sûre et touchée par des inondations. « Nous avions entendu dire que si on arrivait ici, on nous aiderait à rentrer chez nous. Mais maintenant nous sommes bloqués », soupire Christina Nyaluak Juaj, qui protègent ses six enfants du soleil brûlant avec le seul drap qu’elle possède.
« Aucune route »
Certains voudraient gagner la capitale Juba, un trajet de 800 kilomètres sans transport public, à travers marais et nature sauvage, exposé aux attaques armées, sur des chemins de terre qui pourraient être impraticables avec la saison des pluies. « Il n’y a aucune route depuis Renk vers les autres parties du pays, donc il faut le faire principalement par transport fluvial ou aérien, ce qui coûte très cher », souligne Leonidace Rugemalila.
L’attente est d’autant plus insoutenable que les prix des produits de base ont explosé sur les marchés autour de Renk. Plus de 800.000 Sud-Soudanais vivaient au Soudan lorsque le conflit a éclaté, pour la plupart des réfugiés déplacés par les décennies de combats pour l’indépendance, finalement obtenue en 2011, puis par la sanglante guerre civile qui a suivi entre 2013 et 2018.
Les violences à caractère politico-éthnique qu’ils ont fuies n’ont pas cessé et le pays reste marqué par quatre années consécutives d’inondations record. « De nombreuses communautés au Soudan du Sud sont déjà déplacées de manière permanente par le changement climatique et les nouveaux arrivants pourraient rentrer sans pouvoir reconnaître ou même accéder aux régions qu’ils ont quittées », a déclaré le HCR dans un communiqué le 7 juin.
Stephen Tuk, 32 ans, a quitté le Soudan en sachant qu’il ne pourrait certainement pas atteindre sa terre d’origine à Bentiu, ville du nord complètement coupée du monde par les inondations. Mais pour lui, peu importait : « Je ne voulais pas mourir dans un endroit qui n’est pas chez moi ».
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