L’armée soudanaise, en guerre avec des paramilitaires pour le contrôle du pouvoir, a annoncé vendredi avoir envoyé des négociateurs en Arabie saoudite en vue d’une trêve, après trois semaines de combats qui ont fait des centaines de morts et qui menacent de plonger deux millions de personnes de plus dans la faim.
Alors que les frappes aériennes et les explosions ont continué à secouer toute la journée différents quartiers de Khartoum, l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane a annoncé en soirée avoir dépêché des négociateurs en Arabie saoudite, après 21 jours de combats ayant fait 700 morts, 5000 blessés, 335.000 déplacés et 115.000 réfugiés. Ces émissaires vont se retrouver à Jeddah pour « discuter des détails de la trêve » plusieurs fois renouvelée, mais jamais respectée, a-t-elle expliqué, sans que l’autre camp, celui des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, ne commente dans l’immédiat.
« Prêts à entamer des discussions techniques »
Depuis plusieurs jours, l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, explique que les deux belligérants s’étaient dits « prêts à entamer des discussions techniques » portant uniquement sur les modalités d’un cessez-le-feu, citant l’Arabie Saoudite comme un lieu de rencontre possible. Un retour à des négociations politiques sur l’avenir d’un pays sorti en 2019 de 30 années de dictature militaro-islamiste pour replonger sous la coupe des militaires avec le putsch des deux généraux en 2021 ne sera envisageable qu’après une véritable trêve, avait-il martelé.
Au-delà des victimes directes, cette nouvelle guerre fait progresser la faim, un fléau qui touchait déjà un Soudanais sur trois. Selon l’ONU, entre 2 et 2,5 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de malnutrition aiguë d’ici six mois si le conflit se poursuit.
La communauté internationale peine à agir
Face à la « catastrophe » dénoncée par les humanitaires, la communauté internationale peine à agir en rangs organisés. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU tiendra une session spéciale le 11 mai, soit près d’un mois après le début des hostilités. Dimanche, ce sont les ministres des pays de la Ligue arabe qui doivent examiner « le dossier soudanais » sur lequel ils sont profondément divisés, après plusieurs discussions entre dirigeants de l’Union africaine (UA) et de l’Igad, l’organisation régionale de l’Afrique de l’Est. La médiation américano-saoudienne ne semble ne pas toujours converger avec les autres efforts régionaux en vue de faire taire les armes.
À Washington, le président Joe Biden a brandi jeudi la menace des sanctions, mais s’est borné à dénoncer « les individus qui menacent la paix », sans nommer personne.
Risque d’un conflit « prolongé »
Pour le renseignement américain, il faut s’attendre à un conflit « prolongé » dans le pays de 45 millions d’habitants parce que « les deux camps pensent pouvoir l’emporter militairement et ont peu de raisons de venir à la table des négociations » pour discuter de leur avenir politique.
L’ONU prévient que 860.000 personnes, des Soudanais mais également de nombreux Sud-Soudanais retournant dans leur pays, pourraient traverser les frontières ces prochains mois et réclame 402 millions d’euros pour aider le pays, l’un des plus pauvres au monde. « Plus de 56.000 personnes » sont arrivées en l’Egypte, selon l’ONU, « 30.000 au Tchad », « plus de 12.000 » en Ethiopie et 10.000 en Centrafrique.
Afdal Abdel Rahim, elle, attend de passer en Égypte. « Quand la guerre a commencé, avec des bombardements et des frappes aériennes », raconte-t-elle à l’AFP, « nous avons quitté nos maisons et nous nous sommes enfuis à Wadi Halfa », la dernière ville avant l’Égypte où des milliers de Soudanais fuyant la guerre se pressent. Au Darfour, dans l’ouest frontalier du Tchad, des civils ont été armés pour participer aux affrontements mêlant militaires, paramilitaires et combattants tribaux ou rebelles, selon l’ONU.
L’ONG Norwegian Refugee Council (NRC), dont les locaux ont été pillés, dénombre « au moins 191 morts, des dizaines d’habitations incendiées et des milliers de déplacés » dans cette région ravagée dans les années 2000 par un conflit ayant fait environ 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l’ONU. Des témoins ont aussi rapporté jeudi des combats à El-Obeid, à 300 km au sud de la capitale.
Dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par les violences, l’ONU et de plus en plus d’ONG tentent de négocier l’acheminement de ces cargaisons vers Khartoum et le Darfour où hôpitaux et stocks humanitaires ont été pillés et bombardés.
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