Le soulèvement populaire post-électoral qui secoue la Biélorussie est un scénario typique d’une dictature gériatrique qui perd sa capacité de contrôler son propre peuple par la peur. La corruption et la pauvreté de la population qui accompagnent le règne du dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko et son régime datant de 26 ans ont finalement incité une nouvelle génération réformatrice à défier le dictateur aux urnes. Sachant qu’elle était méprisée, la bande du dictateur a truqué les élections. Indignés par cette fraude, les réformateurs ont répondu par des manifestations de masse vraiment pacifiques et ont appelé les pays libres à l’aide. Essayant d’écraser l’opposition, les policiers anti-émeute du dictateur ont réagi brutalement, tabassant et arrêtant des milliers de personnes.
On a déjà vu cela ? Malheureusement, oui.
Bien que Loukachenko ait des traits de voyou comparables à ceux de Nicolas Maduro du Venezuela, la Biélorussie n’est pas un Venezuela ou une République démocratique du Congo, deux autres pays où les élections ont provoqué une instabilité violente.
Est-ce que le chaos dans ces coins du monde a vraiment de l’importance ? On peut donner plusieurs réponses à cette question. À part du souci compatissant qu’on éprouve pour les êtres humains qui souffrent sous une dictature brutale, on peut se rappeler que le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole du monde et que le Congo domine la production mondiale de cobalt. Les pays occidentaux doivent y rester engagés sur le plan diplomatique et, lorsque cela est possible, entraver les auteurs de méfaits par des sanctions économiques et politiques.
Hélas, la Biélorussie ne dispose pas de ressources précieuses. Ce qu’elle possède n’est pas impressionnant : une population de 9 à 10 millions d’habitants, un PIB d’environ 190 milliards de dollars et un gouvernement corrompu contrôlant 70 à 80 % de l’économie. Loukachenko est un ancien apparatchik communiste. Ses 26 années au pouvoir font la plus longue période au pouvoir de tous les dirigeants européens. Les commentateurs ont qualifié la Biélorussie de dernière dictature communiste en Europe et même de « dernière dictature d’Europe », bien que le dirigeant russe et ancien colonel du KGB Vladimir Poutine soit également un tyran de même sorte.
Cependant, la géographie politique du XXIe siècle attribue à la Biélorussie une place qui compte. Regardons la carte. La Biélorussie est le pivot du front occidental de la Russie qui est dotée de l’arme nucléaire, la vitrine du « monde russe » opposée à la Pologne qui joue un nouveau rôle dans la défense du front oriental de l’OTAN.
La Biélorussie est également la dernière nation slave satellite de la Russie – du moins c’est ce que le Kremlin pense – ce qui ajoute un intérêt démographique à une Russie confrontée au déclin de sa population.
Le Kremlin considère la Biélorussie comme la clé des opérations défensives et offensives russes sur le nouveau front central de l’Europe. La Russie a des frontières communes avec l’Estonie et la Lettonie – les États baltes membres de l’OTAN – de sorte que les forces terrestres russes peuvent les menacer directement. Cependant, la Biélorussie sépare la Russie de deux autres membres de l’OTAN – la Pologne et la Lituanie. Un gouvernement pro-occidental en Biélorussie privant les forces russes de l’utilisation de son territoire réduirait la possibilité d’une attaque-surprise du Kremlin contre la Pologne. Cela diminue considérablement le poids diplomatique et médiatique que le Kremlin cherche à obtenir lorsqu’il mène des manœuvres de ses chars et d’autres armements à la frontière de l’OTAN.
Est-ce que cette menace russe est plutôt théorique ? Les Polonais ne le pensent pas. L’invasion et l’annexion de la Crimée ainsi que l’invasion de l’Ukraine orientale par la Russie sont des faits, pas de la théorie. Tout comme la guerre hybride russe, l’ingérence politique toxique, la guerre de l’information, la guerre médiatique, les menaces économiques, les agressions dissimulées et les assassinats.
Alors que la Biélorussie a éclaté à la suite du détournement des élections du 9 août, la Russie a mené des exercices militaires navals dans la mer Baltique et le golfe de Finlande, ainsi que des exercices terrestres près de Saint-Pétersbourg et de Kaliningrad, l’enclave russe entre la Pologne et la Lituanie.
Pour la Russie, la défense de la région de Kaliningrad est une opération à la fois défensive et offensive – et la Biélorussie est vitale pour les deux. Kaliningrad était autrefois la ville allemande de Königsberg, capitale de la Prusse-Orientale. La Russie a gardé la ville et ses environs comme « récompense spéciale » pour sa victoire dans la Seconde Guerre mondiale. En juin 2016, l’OTAN a tenu les exercices militaires Anaconda 2016. Lors de ces exercices, ses troupes sont entrées en Lituanie, la « libérant » d’une attaque présumée russe et, en même temps, en isolant l’enclave de Kaliningrad.
La Russie est bien présente en Biélorussie en ce moment – ouvertement et secrètement. Fin août, Reuters a rapporté que Poutine avait personnellement annoncé que le Kremlin avait créé une force spéciale de police pour soutenir Loukachenko. La Pologne a immédiatement demandé à la Russie d’abandonner ses plans d’intervention « en Biélorussie, sous la fausse excuse de ‘rétablir le contrôle’ – un acte hostile, en violation du droit international et des droits de l’homme du peuple biélorusse, qui devrait être libre de décider de son propre destin ».
Et oui, ce qui se passe aujourd’hui en Biélorussie compte.
Austin Bay est auteur, chroniqueur et professeur de stratégie et de théorie stratégique à l’Université du Texas. Son dernier livre s’intitule Cocktails from Hell: Five Wars Shaping the 21st Century (Cocktails de l’enfer : cinq guerres qui façonnent le XXIe siècle).
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