Technique artistique et voie spirituelle : l’Orient rencontre l’Occident

Dans un entretien, le peintre Shao-Han Tsai nous parle de son tableau dans le triptyque «The Infinite Grace of Buddha »

Par Da Yan
22 juillet 2024 21:11 Mis à jour: 16 septembre 2024 20:58

Parmi les nombreuses œuvres magistrales présentées au 6e concours international de peintures figuratives de NTD, le triptyque The Infinite Grace of Buddha (La Grâce infinie de Bouddha), récompensé par une médaille d’argent, s’est révélé particulièrement impressionnant. Chaque panneau du triptyque, une œuvre d’art en trois parties, a été peint par un artiste différent : Hung-Yu Chen, Yuan Li et Shao-Han Tsai.

Le monumental panneau droit du triptyque, peint par l’artiste taïwanais Shao-Han Tsai, décrit le thème intemporel de la punition éternelle. En haut du panneau, un demi-cercle de bouddhas se perd dans des nuages saturés, tandis qu’une roue dorée descend, émanant des rayons de lumière qui pénètrent l’obscurité. En bas, un tourbillon de figures tortueuses est plongé dans l’abîme brûlant qui s’ouvre sur des océans sans limites.

Le panneau droit de The Infinite Grace of Buddha de Shao-Han Tsai (Concours international de peintures figuratives de NTD)

Équilibrées par une scène de salut dans le panneau de gauche et de triomphe divin dans le panneau central, la composition sophistiquée et la chorégraphie de ses nombreuses figures rivalisent avec le drame des maîtres baroques italiens. Les perspectives cosmiques le long de la toile verticale évoquent également les points de vue changeants et nébuleux d’un rouleau suspendu chinois représentant des paysages sublimes.

Le parcours artistique de M. Tsai est étroitement lié à la série de concours international de peintures figuratives de NTD. Son premier professeur, Mme Bei Cui (Tsui Hua Yang), a remporté la médaille de bronze au 2e concours international de peintures figuratives de NTD. Elle a posé les bases de la formation artistique de M. Tsai en l’initiant au dessin, à l’aquarelle, à la peinture à l’encre et à la calligraphie.

À l’école secondaire, M. Tsai a suivi une formation dans l’atelier de Yuan Li, un peintre japonais et médaillé d’or du 1er concours de NTD. Sous sa tutelle, M. Tsai a reçu une formation conventionnelle dans la tradition artistique européenne. Après avoir poursuivi son mentorat auprès de M. Li pendant plus de dix ans, ils ont conçu le triptyque The Infinite Grace of Buddha avec Mme Chen, une camarade de classe.

Hung-Yu Chen (à g.) et Shao-Han Tsai ont remporté le prix d’argent au 6e Ccncours international de peintures figuratives de NTD, le 18 janvier 2023, au Salmagundi Club de New York. (Samira Bouaou/Epoch Times)

Entretien avec l’artiste

J’ai eu la chance de rencontrer M. Tsai lors de l’exposition des finalistes à New York, et je l’ai invité à me parler de la création de cette œuvre et de son expérience de la peinture à l’huile classique.

Epoch Times : Pourriez-vous nous parler du sujet et de la technique de votre œuvre de cette année ? Comment s’est déroulée la création d’une œuvre monumentale comme celle-ci ?

Shao-Han Tsai : J’étais principalement responsable du panneau de droite de The Infinite Grace of the Buddha, y compris la composition initiale, les croquis, les petites ébauches, la photographie de modèles vivants et la peinture sur toile. Ce tableau représente le conflit entre les différentes forces spirituelles de l’univers et leurs manifestations concrètes dans le monde humain.

La pièce maîtresse de la peinture est le Falun doré [une roue de la loi composée du Svatiska bouddhiste et du yin-yang taoïste]. Au-dessus se trouvent les images des bouddhas, qui représentent les forces positives de l’univers, et en dessous les esprits dépravés qui représentent les forces négatives. Le Falun lui-même symbolise le mécanisme de l’univers, la « loi » de l’univers.

Détail du Falun du panneau de droite de The Infinite Grace of Buddha de Shao-Han Tsai (Concours international de peintures figuratives de NTD)
Détail des esprits dépravés du panneau de droite de The Infinite Grace of Buddha de Shao-Han Tsai (Concours international de peintures figuratives de NTD)

Alors que des rayons de lumière émanent du Falun, les esprits dépravés qui ont dévié de leur bonne nature tombent avec des nuages tourbillonnants. Cette force négative se reflète dans le monde humain sous la forme de la vague moderne du communisme, qui, historiquement, n’est pas seulement une idée politique ou un modèle de gouvernement. Il est plutôt enraciné dans un ensemble d’idéologies contre le divin qui ont eu un impact considérable sur les croyances religieuses, la moralité, l’éducation, la culture et la géopolitique pendant plus d’un siècle. Il ouvre en fait à l’humanité un enfer sans fond, symboliquement représenté au bas de cette œuvre par le symbole de la faucille et du marteau.

D’un point de vue technique, la composition s’inspire de nombreuses œuvres d’art de la tradition occidentale, en particulier des thèmes du Jugement dernier.

Réaliser une composition à plusieurs figures est un véritable défi : comment saisir la taille, le nombre et la relation spatiale entre les personnages, […] tout en montrant le degré de grandeur approprié, ces éléments doivent être expérimentés et ajustés encore et encore. La phase initiale de la création a vu la production de près de 30 versions de l’esquisse, et nous avons passé trois à quatre jours à photographier des modèles vivants.

Le Jugement dernier, 1653, par Jacob Jordaens. Huile sur toile. Musée du Louvre, Paris. Exemple d’œuvre à plusieurs figures représentant le Jugement dernier. (Domaine public)

Selon vous, qu’y a-t-il de spécial dans la création d’œuvres d’art dans la tradition classique par rapport à d’autres méthodes contemporaines ?

Je pense qu’il y a une grande différence entre l’art classique et l’art moderne. L’objectif de l’art classique est de mettre en relation les différents niveaux de beauté et de vérité que l’artiste peut percevoir, et non de rechercher la créativité et la nouveauté […] ou d’exprimer ses propres émotions. C’est également ce que j’essaie de faire dans mes propres œuvres.

La réalisation d’un tableau implique de nombreux détails spécifiques, de la composition à la technique, et des problèmes difficiles peuvent survenir au cours du processus d’exécution. Pour les résoudre, il faut s’appuyer sur des années de formation aux techniques de base et sur des références aux chefs-d’œuvre du passé [et] parfois sur l’accumulation d’expériences et d’explorations personnelles. À d’autres moments, on ne peut qu’attendre le hasard de l’inspiration venue du ciel. Chaque nouvelle pièce est un périple rempli d’épreuves et de possibilités d’amélioration.

Comme un processus de cultivation personnelle et d’illumination, la valeur ultime de l’art classique réside dans le fait qu’il témoigne de la vie et de l’état d’esprit de son créateur. Autrement, la présentation d’un effet visuel n’est, au mieux, qu’un mélange de formes et de couleurs.

Du point de vue d’un artiste classique, comment appréciez-vous les chefs-d’œuvre à travers les âges ? Pour des débutants et certains d’entre nous, comment identifier une bonne peinture et comprendre ses techniques supérieures ?

Je recommande personnellement aux débutants en art classique d’étudier une édition de la Divine Comédie de Dante illustrée par le peintre français du XIXe siècle Gustave Doré. D’une part, Gustave Doré a absorbé les effets de composition et de clair-obscur des maîtres classiques, et il était très doué pour raconter une scène. D’autre part, la Divine Comédie elle-même est riche en scènes imaginatives, de l’étrange et horrible Inferno au saint et beau Paradiso, ce qui est très intéressant et inspirant à lire.

En fait, j’ai moi-même été fasciné par l’art classique lorsque j’ai lu une édition chinoise de la Divine Comédie avec les illustrations de Gustave Doré pendant mon adolescence. Après cela, on pourrait peut-être identifier un certain mythe classique ou une histoire biblique, rassembler un certain nombre de compositions d’anciens maîtres de cette histoire et comparer la façon dont ils ont interprété différemment le même scénario ou la même scène. Je pense que cela pourrait susciter un plus grand intérêt et permettre aux débutants de cultiver progressivement un certain degré de goût et d’aptitude à l’appréciation de l’art.

Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer, 1861 par Gustave Doré. Huile sur toile. Musée municipal de Bourg-en-Bresse, Auvergne-Rhône-Alpes, France. (Domaine public)

En quoi l’histoire de l’art européen vous inspire-t-elle ? Pourquoi voulez-vous préserver et promouvoir cette tradition artistique aujourd’hui ? En tant que peintre d’origine chinoise, comment voyez-vous les différences et les points communs entre les traditions classiques orientales et occidentales ?

J’ai étudié le chinois à l’université et j’ai quelques notions de littérature ancienne. J’ai toujours été très intéressé par la culture orientale traditionnelle. En même temps, j’ai remarqué qu’il existe en Occident un lien profond entre l’histoire de l’art et [la philosophie]. La formation de l’art classique en Europe est inextricablement liée à sa compréhension philosophique et théologique de l’univers.

Plutôt que de comparer les différences superficielles entre l’art oriental et l’art occidental, je m’intéresse davantage aux croyances culturelles traditionnelles et à la cosmologie qui les sous-tendent. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de points communs entre eux que la plupart des gens ne le pensent. Les différentes nations et les différents pays du monde ont des coutumes, des habitudes, des prédilections et des tempéraments différents, mais les concepts artistiques ou les principes esthétiques qui sont devenus des canons au fil des millénaires sont souvent enracinés dans quelque chose de plus fondamental et universel. C’est probablement ce que signifie le dicton chinois : « Une technique peut être raffinée pour atteindre le Tao, et l’art peut canaliser le divin. »

Je crois que les traditions artistiques orientales et occidentales sont unifiées en termes de « Tao », la voie de l’univers. Je suis enthousiaste à l’idée de comprendre ces valeurs culturelles universelles et fondamentales, car je pense qu’elles ont dû toucher à certaines vérités sur l’humanité, la vie et l’univers.

Je pense que l’ensemble de la civilisation humaine est confronté à une sorte de dégradation causée par la désintégration postmoderne de tous les réseaux et systèmes traditionnels. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont une compréhension plate et fragmentée des choses, et ils perdent peu à peu la capacité de penser de manière métaphysique les différents phénomènes culturels, y compris l’art.

La création de l’art classique est une sorte de pratique intérieure, et ce n’est que par la pratique que nous pouvons réellement atteindre ses significations les plus profondes. Je pense que c’est la raison pour laquelle je souhaite poursuivre dans cette voie.

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