Après que le tsunami le plus meurtrier de l’histoire a emporté sa fille unique en Thaïlande, Élisabeth Zana a pensé au suicide : c’est au chevet d’une école alors décrépie, près des lieux de la tragédie, que sa vie a repris sens.
Devant une plage de l’île de Phi Phi (sud), dans un décor digne d’une carte postale, la Française de 79 ans repense au « chaos qu’on ne peut pas oublier », qui l’a saisie en février 2005, au même endroit. « Il y avait des montagnes de gravats. On marchait en se disant qu’il y avait peut-être des cadavres là-dessous. Et peut-être ma fille », se remémore-t-elle auprès de l’AFP.
Le lendemain de Noël, le 26 décembre 2004, un séisme de magnitude 9,1, au fond de l’océan Indien, déclenche un tsunami gigantesque qui fait environ 230.000 morts dans une dizaine de pays d’Asie du Sud et du Sud-Est.
En Thaïlande, plus de 8300 personnes ont été tuées, dont plus de 2000 étrangers venus pour la plupart profiter des plages du Sud. Sa fille Natacha Zana, alors âgée de 35 ans, se trouvait sur Phi Phi au moment où s’est abattu le mur d’eau de plusieurs mètres de haut.
Les recherches des autorités pour retrouver son corps ont duré neuf mois, entrecoupés d’épisodes de « désarroi total » pour Mme Zana et son mari. « Pour nous qui n’avons pas d’autres enfants… Nos vies étaient terminées. La tentation du suicide a été très forte » pendant l’attente, explique-t-elle. « On ne pouvait pas passer à l’acte tant qu’on ne l’avait pas retrouvée », assure-t-elle.
Aujourd’hui, il ne reste qu’un mémorial laissé à l’abandon sur cette île symbole du tourisme de masse, où le béton des constructions destinées aux visiteurs a colmaté les cicatrices du tsunami.
Les locaux n’aiment pas évoquer le traumatisme de la catastrophe, et certaines familles d’étrangers disparus préfèrent éviter l’endroit, a remarqué Élisabeth Zana, qui a pris le chemin opposé pour surmonter son deuil.
Après l’identification du corps de sa fille, elle s’est installée dans la province de Krabi, non loin de Phi Phi mais sur le continent, pour s’occuper de son association nouvellement créée, d’aide aux enfants affectés par le tsunami – sans parler thaï, ni trop connaître le royaume.
L’ancienne professeure de danse a contribué à sauver une école publique du coin, promise à la fermeture car délabrée, à travers des dons de matériel, le financement d’infrastructures, ou la mise en place d’un système de parrainage à destination des écoliers les plus défavorisés.
Des drapeaux français et des terrains de pétanque dans la cour font flotter au-dessus de l’école, qui accueille environ 180 enfants de 3 à 11 ans, le souvenir de sa fille unique, avec laquelle elle partageait une relation fusionnelle.
Pour les commémorations du 20e anniversaire du tsunami, des élèves préparent un concert de musique thaïlandaise et une représentation de « nora », une danse traditionnelle.
Les cours de musique sont rares dans le système éducatif public thaïlandais, réputé pour son manque de moyens et ses inégalités au détriment des établissement ruraux.
« Beaucoup d’écoles sont jalouses », lance dans un sourire Chanita Jitruk, 56 ans, professeure d’anglais, qui accompagne l’action de Mme Zana depuis le quasi-début.
À son arrivée en 2005, l’établissement comptait quatre fois moins d’enfants.
Aujourd’hui, la moitié des enfants de l’école profite d’une aide mensuelle de 1000 bahts (27 euros) qui sert surtout à payer les uniformes obligatoires, qui représentent un coût élevé pour les familles. « Les bourses sont importantes pour améliorer notre éducation », explique l’une des bénéficiaires, Korawi Kaesuk, dix ans. La fillette, surnommée Pam, rêve de devenir infirmière, pour à son tour, « aider les gens », assure-t-elle.
Les succès de l’école ont remis du baume au cœur d’Élisabeth Zana, qui raconte dans un livre sorti récemment les 20 ans de son périple caritatif : « Peu à peu, une certaine paix s’est installée. Mais il a fallu beaucoup de temps. »
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