Face à la déferlante d’acier chinois, l’allemand Thyssenkrupp et l’indien Tata veulent fusionner leurs activités sidérurgiques en Europe, mais doivent convaincre les salariés allemands alors que leur projet prévoit 4 000 suppressions de postes.
« Déclaration d’intention » vs afflux d’acier chinois
Après un an de discussions, les deux groupes ont annoncé mercredi avoir signé une « déclaration d’intention » prévoyant la création d’une coentreprise en 2018, qui visera la deuxième place du marché européen de l’acier derrière ArcelorMittal. C’est « la seule option qui offre un avenir durable à notre activité sidérurgique », a affirmé à la presse le patron de Thyssenkrupp, Heinrich Hiesinger, rappelant les difficultés des sidérurgistes européens, confrontés à une demande atone et à l’afflux d’acier chinois subventionné. Même si chaque industriel a mené ses propres restructurations, « l’effet de ces mesures est de courte durée et vite absorbé par le marché », plaide-t-il également dans une lettre aux salariés citée par l’agence allemande DPA.
Baptisée « Thyssenkrupp Tata Steel », la coentreprise des deux groupes devrait être une holding installée aux Pays-Bas, avec une direction paritaire, qui emploiera quelque 48 000 salariés sur 34 sites. A 14H00 (12H00 GMT), le titre Thyssenkrupp prenait 3,60% à 26,16 euros dans un marché francfortois en légère baisse de 0,14%. Tata Steel a de son côté terminé en progression de 1,64% à la Bourse de Bombay. Les futurs mariés tablent sur 400 à 600 millions d’euros d’économies annuelles et prévoient de supprimer environ 4 000 postes dans la production et l’administration, répartis « à peu près à égalité » entre les deux groupes.
Partisans et opposants au mariage
Ce nouveau sidérurgiste réalisera un chiffre d’affaires à périmètre comparable de 15 milliards d’euros et produira environ 21 millions de tonnes d’acier par an. Mais le projet doit notamment passer l’obstacle du conseil de surveillance de Thyssenkrupp où les représentants des salariés, selon le système allemand de « codécision », détiennent la moitié des sièges. Une réunion est justement programmée samedi au siège de l’industriel à Essen dans la Ruhr, berceau de la sidérurgie allemande, alors que le puissant syndicat IG Metall a convoqué une vaste manifestation vendredi à Bochum. « Nous restons opposés à ce rapprochement. Les emplois et les sites doivent être sauvegardés, il faut un financement durable et suffisant et la codécision doit être préservée », déclarait mercredi le représentant local du syndicat, Knut Giesler. Même réserve de la part du chef du comité d’entreprise de la branche acier de Thyssen, Günter Back, qui craint de voir « beaucoup plus » de postes finir par disparaître. L’affaire tombe en pleine campagne électorale en vue des législatives allemandes de dimanche. La ministre sociale-démocrate du Travail, Andrea Nahles, a jugé mercredi qu’« il ne devait pas y avoir un accord à n’importe quel prix ».
La ministre de l’Economie Brigitte Zypries, également au SPD, a rappelé de son côté que les « décisions stratégiques majeures » nécessitaient en Allemagne « un consensus avec les représentants des salariés », ce qui n’est « pas encore le cas », selon son porte-parole. Plus enthousiaste, son homologue britannique Greg Clark a salué un « pas important » pour l’industrie sidérurgique nationale, estimant que la fusion pourrait garantir l’avenir du site gallois de Port Talbot, où Tata emploie 4.000 personnes et fait vivre de nombreux sous-traitants. « Comme d’habitude, le diable réside dans les détails et nous demandons plus de garanties sur les emplois, l’investissement et la production » au Royaume-Uni, a pour sa part commenté Roy Rickhuss, représentant des trois syndicats britanniques de l’acier.
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte s’est lui réjoui de l’implantation de la future Thyssenkrupp Tata Steel à Amsterdam, estimant que ce choix « renforcerait le rôle moteur » du site de Tata à Ijmuiden, dans le nord-ouest du pays. Les syndicats néerlandais s’inquiètent en revanche de savoir où Tata Steel supprimera 2.000 emplois, alors que les deux groupes se sont abstenus de toute précision sur la localisation des futurs sites touchés. Le principal actionnaire de Thyssenkrupp, la fondation Krupp qui en détient 23%, a annoncé mercredi qu’elle approuvait le projet, destiné selon elle à « préserver à long terme l’entreprise et son indépendance ». Selon plusieurs médias, l’industriel allemand pourrait cependant se heurter au scepticisme de son deuxième actionnaire, le fonds suédois Cevian, dubitatif sur les synergies attendues de cette fusion.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.